La question pour les chrétiens rassemblés dans ma paroisse est d'abord de sortir, d'aller à la rencontre, de donner du temps à ceux qui errent
Je trouve ce témoignage de Guy Dubigeon, prêtre du Prado à Nantes, en parfait accord avec ce que je pense. Alors je me suis décidé à le mettre en ce lieu. Il sera également, si le comité de rédaction l'accepte, dans le trimestriel du Prado, Quelqu'un parmi nous, que je suis en train de préparer pour sa prochaine publication en novembre.
Nous connaissons peu la Mission de la mer. Pourtant elle est vitale pour les marins. Voir ici : Stella maris ou ici : étoile de la mer.
Pèlerin de l'espérance avec la mission-universelle.
Hospitalisé, j'ai bénéficié de mains agiles, de gentillesses de nombreuses soignantes ! J'ai été visité par l'aumônerie : Anne-Emmanuelle se rend proche des malades et accueille leur projet. (en psychiatrie, elle a été témoin de transformation humaine après un sacrement.) Elle est témoin du désir de la personne qui s'éveille, l'attirance au Christ et son mystère. Dans le vécu des gens, des traces du Christ et de l'Évangile sont à repérer.
Dieu se fait voir dans le tissu des expériences humaines, dans l'histoire des relations d'un quartier, dans les cheminements et les rencontres, dans la foi des croyants.
Relire Ad Gentes (sur l’activité missionnaire de l’Église) est un éclairage : Tout ce qu'on découvre de bon semé dans le cœur et l'esprit des hommes, ne périt pas, mais est purifié, élevé, porté à son achèvement (9).
On peut inscrire ici les 4 impératifs du pape François en faveur des migrants : Accueillir, protéger, promouvoir, intégrer. N'est-ce pas ce qu'a tenté de faire la France en accueillant aux JO et para-JO, une immense diversité de peuples et de cultures, au point de bousculer la mentalité de quelque-uns ?
La foi porte des signes : c'est vendredi, cela se voit dans le bus aux belles robes ou djélabas de ceux qui vont à la mosquée, ou ceux qui descendent le samedi soir à l'église. Des signes spontanés sont manifestés par les athlètes des JO, pour s'en remettre à Dieu ou rendre grâce, spontanéité que la loi laïque ne condamne pas. Dans ses diversités, la religion est dans la vie.
La Mission-Ad Gentes est-elle à coté de la vie de la paroisse ?
Il y a comme une fatigue de chrétiens de leur paroisse et parfois, de moi aussi ! Un regard fraternel universel me semble inconnu de la vie des paroissiens ; on délègue l'attention aux malades, à la pastorale de la santé, l'attention aux migrants et aux pauvres au Secours Catholique.
Il y a un mal-entendu quand la paroisse est vue comme l'unique communauté des chrétiens. N'y-a-t-il pas indifférence apparente à autre chose que la liturgie du dimanche ? La vie des mouvements et associations semble inconnue de ma paroisse.
La Mission de la mer et tous les liens qui se tissent dans l'accueil international des marins ; le travail des Conseils citoyens avec les municipalités… manifestant dans une proximité aux personnes, leur accompagnement, un souci de la justice, la recherche du bien commun.
La Ville - amie - des aînés appelle à être de veille auprès des plus faibles, la mise en place du CLIC, PRADO, invite à se faire proche des aidants pour les accompagner dans un service qui souvent devient de plus en plus pesant. Encourager les soignant dans leur mission valorisant leur disponibilité et leur compétences ne serait-ce que par un merci....
Ce sont les mains d'Ursule du Cameroun qui soigne dans une Ehpad et éveille au dialogue dans le respect de leur histoire, chacun des malades et personnes très diminuées par l'âge. L'écouter, partager son vécu à elle, lui donne l'occasion de dire qu'elle a laissé ses deux enfants à sa mère au Cameroun pour gagner de quoi assurer leurs études.
Peut-on définir l'Ecclesia, la communauté des chrétiens aujourd'hui, là où l'Esprit est à l'œuvre ?
N'est-ce pas tous les baptisés, pratiquants ou non ; les catéchumènes en cheminement, avant même de s'adresser à la paroisse ; ceux qui sont rejoints par tous les services et mouvements de l'Église pour un dialogue fraternel, par le secours catholique ou la pastorale des migrants, la carte de relations du militant chrétien ; ceux qui participent à des rassemblements comme les JMJ ; ceux qui font pélerinage avec le TroBreiz, ou Saint-Jacques de Compostelle. Tout ceux qui, présents dans un quartier sont bienveillants avec les voisins connus comme chrétiens ; les visiteurs des églises en saison touristiques ; ceux qui demandent le respect de la dignité des migrants, qui servent ou soutiennent les fragiles ou exclus ; ceux qui demandent le respect de la planète, tous les acteurs du bien commun… finalement tous ceux qui ne s'opposent pas à l'esprit de l'Évangile. Qui n'est pas contre nous est avec nous (Mc 9, 40).
Quand l’Espérance se jette à l’eau
Dans mon quartier, avec des associations ou en prenant le bus, la rencontre des personnes reste pour moi une lumière d'espérance. Dans l'échange, tel un éclair, une pépite d'Évangile se met à scintiller.
Avec les marins, je reconnais ces éclairs d’espérance dans la vie, en visitant des équipages en escale : sourire d'un marin russe, ukrainien, philippin ; la vie de communauté est possible à bord. Mon ami Mikel un basque de l'autre coté des Pyrénées l’exprime bien.
« Pour aider les marins internationaux, nous avons dû compter sur un réseau établi par-delà les frontières grâce à la Mission de la mer, organisme chrétien mondial de soutien des gens de mer, plus connu à l'international sous le nom de Stella Maris.
J'avais un jour reçu un mail étrange et confus dont l'expéditeur était un prêtre de Cebu aux Philippines, qui appartenait lui aussi à la Mission. Il m'expliquait que Bonifacio, un marin philippin, avait été débarqué au port de La Coruña, en Galice, après avoir contracté une malaria carabinée. Son épouse, sans nouvelles, le croyait mort. Le prêtre me priait de me renseigner.
J'ai téléphoné à mon homologue du port de La Corogne, Fernando, qui a fini par retrouver Bonifacio, plongé dans un coma avec un pronostic vital très faible. Fernando est allé le visiter tous les jours et, au bout de trois mois, Bonifacio a pu retourner chez lui auprès de son épouse et de ses deux enfants. La solidarité entre prêtres de la Mission de la mer a porté ses fruits.
La Mission de la mer n'a pas de pouvoir financier ni de bien immobilier mais elle a deux richesses : le réseau, qu'il soit local, national ou international, et un regard. Ancrée à la fois dans le monde maritime et dans l'Évangile, la Mission de la mer locale est vitale pour l'Église et pour le monde maritime.
Elle a été et continue d'être une source d'énergie pour l'aumônier de la mer que je suis. “À nous de faire grandir l'espérance en prenant appui sur la vie que nous voyons germer”, nous disait Pierre, un prêtre bénévole au foyer Escale Adour et membre de l'équipe de la Mission de la mer du Pays basque. Dans ce groupe, une dizaine de personnalités liées à la mer (veuves, ouvrières de la conserverie, pêcheurs, etc.) travaillaient collectivement comme à bord. Un des rôles de l'aumônier est d'être attentif à la part d'humanisme que chacun peut apporter au monde qui l'entoure, pour faire en sorte que nous soyons tous des “pêcheurs d’hommes” ».
Peut-on définir l'Ecclesia, la communauté des chrétiens aujourd'hui, là où l'Esprit est à l'œuvre ?
N'est-ce pas tous les baptisés, pratiquants ou non ; les catéchumènes en cheminement, avant même de s'adresser à la paroisse ; ceux qui sont rejoints par tous les services et mouvements de l'Église pour un dialogue fraternel, par le secours catholique ou la pastorale des migrants, la carte de relations du militant chrétien ; ceux qui participent à des rassemblements comme les JMJ ; ceux qui font pélerinage avec le TroBreiz, ou Saint-Jacques de Compostelle. Tout ceux qui, présents dans un quartier sont bienveillants avec les voisins connus comme chrétiens ; les visiteurs des églises en saison touristiques ; ceux qui demandent le respect de la dignité des migrants, qui servent ou soutiennent les fragiles ou exclus ; ceux qui demandent le respect de la planète, tous les acteurs du bien commun… finalement tous ceux qui ne s'opposent pas à l'esprit de l'Évangile. Qui n'est pas contre nous est avec nous (Mc 9, 40).
Jésus rejoint les aspirations cachées des hommes, il s'adresse à la Samaritaine, si tu savais le don de Dieu, et celui qui te demande à boire, c'est toi qui m'aurait demandé à boire (Jn 4, 10). Jésus bouscule les frontières avec la parabole du bon Samaritain (Lc 10,33). Il est lui-même bousculé par la foi de la Syro-phénicienne, qui demande les miettes de sa mission de messie (Mc 7,28). Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs (Mc 2, 17).
Il y a une communauté mystérieuse de tous, dont l'Évêque à la suite du Christ, reçoit le charisme de faire l'unité, par l'annonce de l'Évangile.
Le lien ecclésial entre les semences du Verbe discernées dans les rencontres de partage d'Évangile et le 100 pour 1 qu'elles produisent, peut-être rejoint dans l'action de grâce des rassemblements chrétiens et communautés paroissiales.
Souvent en paroisse, on juge un comportement en fonction d'une morale, d'une fidélité à la loi, plus que comme la suite de Jésus-Christ. Suivez-moi dans ma pauvreté, mon humilité (Mc 10, 43). Les sarments sur le cep de vigne, portent beaucoup de fruits, pour la gloire du Père (Jn 15). À la vendange on ne distingue pas ce qu'à apporté chaque grain de raisin, sinon la qualité du vin.
N'y a-t-il pas une distance incompréhensible pour nos contemporains, entre la paroisse seul lieu pour accéder à la vie sacramentelle, au service de la prière… (mais avec des églises fermées, des accueil lointains) et la vie si riche d'Évangile où ils plongent sans connaître la source Jésus-Christ ?
L'Évêque est vu comme un Préfet, un chef administratif, plus que comme le porteur de la grâce de communion de l'Évangile dans le vécu des personnes d'un territoire et de l'ecclésial à la dimension de toutes les Églises. Il enseigne la foi, il préside la prière, il veille à la vie sociale, à l'attention aux plus fragiles, et à l’apostolat. Comment ouvrir avec lui ce chemin synodal ?
Notre chantier, c’est le quotidien
Quel appels de l'Esprit, pour nous les croyants ? Où je rencontre des pauvres ? Où Dieu me les donne ?
Notre chantier, c'est le quotidien : 1/Sortir faire un projet. 2/Donner du temps à quelqu’un. 3/ Rencontrer, écouter, (par exemple à l'arrêt de bus ou en visite sur un navire, ou à l'hôpital) un dialogue d'humanité, de bon voisinage. 4/ Gratuité, est-ce qu'on se reverra ?
Jean-Louis Souletie*, prêtre, théologien (voir Prêtre du prado n° 160, page 35) nous propose l’Apprentissage du pluralisme de manière apaisée. Accueillir comme un don chaque rencontre sur mon quartier. Chacun a reçu un don à mettre en oeuvre, dans une attitude fraternelle, dans une diversité étonnante, rencontre citoyenne apaisée. Rencontrer des personnes en vérité.
Le Conseil Citoyen fait la relecture de ces activités et discerne les besoins des familles, accueille le témoignage d'une responsable d'une équipe de foot-ado. Organise des rencontres pour refuser la fermeture de La Poste. Réuni des voisins pour jardiner, ramasser les ordures autour d'un quartier.
Des collectifs et associations accompagnent : la Maison de quartier, où chacun est chez soi avec les autres, accompagné par une équipe qui propose des rencontres : ce matin pour des 8-10 ans foot avec Y. de Accoord (22 centres socioculturels à Nantes). Sabah invite les familles à une journée à la mer Guérande-La Turballe ; déjà 70 inscrits.
Je regarde la vie de mon quartier j’aurais plein d’exemples à donner. Mais, je dois le dire, des pauvres, ce n'est pas à partir de ma paroisse, que je les rencontre. Citoyens, avec eux, sur le quartier, ensemble nous sommes dans le même bateau, appelés à ramer ensemble : Il n'y a pas que la loi du plus fort, compétition. La nature nous montre l'entraide, l'altruisme, l'oubli de soi comme force qui construit la vie. Comment rendre à quelqu'un sa dignité, davantage sujet de son histoire ?
La question pour les chrétiens rassemblés dans ma paroisse est d'abord de sortir, d'aller à la rencontre, de donner du temps. Les malades, les migrants, les femmes seules , les familles à la rue ne sont pas dans nos églises. Migrants, moins on les voit, plus on a peur d'eux, ont dit certains électeurs et quelques chrétiens ! Il faut les renvoyer chez eux. Renvois-les disent les apôtres à Jésus pris de compassion pour les foules (Mt14,16). Jésus va changer leur mentalité : donnez-leur vous-même à manger. Les personnes qui les rencontrent s'émerveillent de leur courage pour vivre le quotidien. Leur langage, leur espérance fait penser aux psaumes.
Dans nos eucharisties on ne semble pas souffrir de leur absence, c'est seulement évoqué parfois à la prière universelle.
Porter le signe de l'alliance dans l'espace public, mais le porter jusqu'au bout, en le recevant de ceux qui ne comptent pas. En bus ou sur le quartier, c'est souvent eux qui prennent l'initiative de la relation en réponse à un bonjour. Il serait normal de les présenter au Seigneur dans ma prière, de rendre grâce pour leur vie.
Jésus ressuscité nous rejoint. La Mission est dans le mouvement de la conversion, les disciples d'Emmaüs ont surmonté l'incrédulité, ils font retour à Jérusalem. Avancer sur la voie étroite de la croix, portée par chacun.. La communion de tous les dynamismes dont nous sommes témoins, ce n'est pas la paroisse qui la réalise ; n'est-elle pas réalisée par l'Evêque? C'est lui qui fait l'Eglise, l'unité au nom du Christ.
Guy Dubigeon, Nantes
* J. Souletie, proposa de vivre un apprentissage du pluralisme