Chrétien, tu porteras dans ce siècle incertain le témoignage des mains inutiles et du front baissé et des paupières closes - avec le Christ Jésus

Publié le par Michel Durand

Chrétien, tu porteras dans ce siècle incertain le témoignage des mains inutiles et du front baissé et des paupières closes - avec le Christ Jésus

Robert Divoux a déposé dans les boites courriels de ses contacts ceci : Un vitrail… Une méditation de Gilbert Cesbron, datant de 1952, chacune et chacun de nous peut la réactualiser…

Ce Vendredi est là…

 

À Notre-Dame-de-Toute-Grâce, au plateau d’Assy (Hte-Savoie)

un vitrail de Georges Rouault

 

En 1952, la méditation de Gilbert Cesbron :

 

DERELICTUS…

 

Il est assis et il attend.

Seul, la tête un peu penchée déjà, les mains inutiles et posées ouvertes sur ses genoux. Il est assis dans le coin le plus retiré d'une église de montagne, et il attend. C'est tout au fond que se joue son destin, et si vous croyez qu'il regarde de ce côté !…

Vous le reconnaissez ? Mais si ! cent fois vous l'avez vu assis de la sorte dans les couloirs des maternités, les salles d'hôpital aux heures de visite, les parloirs des prisons - l'homme taciturne et seul et qui attend.

Regardez-le... Mais c'est vous-même que vous voyez ! Car dans ce monde où vous croyez vivre, toujours vient l'instant où vous êtes assis, tout seul, avec vos mains inutiles, et où des hommes à uniforme ou à lunettes d'or, beaucoup trop gros ou beaucoup trop maigres, hommes d'argent, hommes de sang, hommes d'eux-mêmes, croient décider de votre sort, au loin.

Un jour ceux-là seront assis à leur tour dans l'antichambre de Dieu, la tête basse et le regard fuyant.

Mais Lui, la tête ainsi penchée et les paupières closes, sera assis à côté d'eux. Car il n'a jamais abandonné l'assassin, ni son bourreau. Et dans chaque cellule, sous l'ampoule nue qui brûle toute la nuit, il était assis, l'homme invisible, et il attendait l'aube en silence, lui aussi…

Parce que, malgré les deux cents automobiles du roi Farouk, malgré Miss Univers et son tour de poitrine, malgré les dizaines de millions gagnés par un crochet du gauche, une passe de cape rouge, un jeton posé au hasard sur un tapis vert, malgré la civilisation des Présidents, l'essentiel de la vie, l'image même de ce siècle sera toujours un homme seul, assis, les mains inutiles, les paupières baissées, et qui attend…

Seul... il se croit seul ! Il ne sait pas que son frère et Seigneur Jésus est à ses côtés : afin que jamais plus la nuit des oliviers ne s'étende sur la terre, et jamais plus la trahison de Gethsémani. Et afin que ce mot derelictus - abandonné de tous - perde à jamais son sens, et que se lève enfin le soleil d’Emmaüs...

Car ils sont venus « avec des lanternes et des bâtons », avec des mitraillettes et des voitures tous phares éteints, ils sont venus vous arrêter au petit jour. Ils sont venus et ils reviendront, eux ou d'autres, leurs prétendus ennemis, leurs frères de sang. Et votre cœur battra fou comme celui de l'Homme à la robe blanche mais du moins, sachez-le, vous ne serez plus seul. Policiers de tous les régimes, uniformes noirs, hommes de la nuit, c'est le Christ que vous arrêtez aussi depuis 2.000 ans, à l'heure pâle où l'on trahit, où l'on fuit, où l'on meurt…

Chrétien, tu porteras dans ce siècle incertain le témoignage des mains inutiles et du front baissé et des paupières closes : tu porteras le témoignage de l'Agneau devant les policiers, leurs juges et leurs bourreaux, devant les tribunaux militaires ou populaires et dans les camps de mort.

Comme Lui, tu porteras ce témoignage du silence, après avoir lutté dans l'armée des Pauvres, des Pacifiques, des Débonnaires, des Assoiffés et Affamés de Justice, lutté jusqu'à la mort - pas celle qu'on donne ! celle qu'on reçoit, mais pas une seule seconde avant que Dieu ne l'ait permis…

Alors, guenille humiliée, loque en forme d'homme, cadavre torturé, sanieux, cancéreux au faux soleil de la Terre, toi chrétien glorieux tu le verras enfin se lever pour marcher au-devant de toi ! Tu le verras ouvrir ses yeux, ouvrir ses lèvres, t'ouvrir ses bras ! Tu le verras face à face, immense, debout, transfiguré, Celui qui attend et prie et se tait, sous des couleurs de nuit et de sang, dans le coin le plus retiré de l'église d'Assy, en France.

Gilbert CESBRON (1952)

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