Partout sont tes mystères

Publié le par Michel Durand

Je voudrais vous parler d’une impression insoupçonnée que j’ai eu, il y a quelques jours, pendant une réunion de personnes réfléchissant sur leur foi.
Une soif de connaissance, une avidité de comprendre, une volonté de percer le réel me laissa perplexe. Est-ce que, quand je présente le contenu de la profession de foi chrétienne, le « credo », je m’exprime avec une certitude tel que tout doute devient impossible ? Une obligation de croire, une évidence pour croire ? Si oui, cela me ferait peur, car j’exprimerai avec certitude ce qui n’est que doute, mystère.
Je sais que la tendance actuelle oriente vers les affirmations certaines. La volonté, toute nouvelle, de donner au mot « prosélytisme » un sens positif en est une preuve. En fait, le christianisme étant regardé avec dérision, on ressent fortement le besoin de définitions sans failles. Et cela est logique, propre à la tradition théologique. La foi est, ou doit être, sans cesse en quête de compréhension, d’intelligence. Aussi, est-il sain que par les images, les comparaisons, les allusions, les parallèles psychologiques on aborde un discours qui explique Dieu. Mais, jusqu’où aller dans cet éclaircissement,
Cette soif de certitude à obtenir était largement, au cours de la soirée dont je fais échos, alimentée par la lecture du livre de François Varillon, Joie de croire, joie de vivre.
Selon René Rémond, Varillon, pour le rapport entre l’intelligence et la foi, était convaincu de l’impossibilité de parler de Dieu d’une façon adéquate. Pourtant, il parlait de Dieu et ne supportant pas les phrases floues, les approximations dangereuses, il travaillait, longuement, ses expressions pour affirmer Dieu. La crainte de mal parler de Dieu disparaissait devant la nécessité de parler de lui. Plus qu’un devoir, parler de Dieu fut, pour lui, un besoin. « Besoin de parler de celui dont il vivait, avec qui il vivait, qui était le principe de son action ». Il faut parler de lui. Et on y arrive !
À mon sens et selon la relecture que je percevais du groupe où je me trouvais, les textes que j’avais sous les yeux parlaient de Dieu avec une telle certitude que son mystère me semblait totalement évacué. Il m’apparaissait, qu’à suivre François Varillon, on pouvait tout connaître de Dieu. C’est cela qui glissa en moi une impression de mal à l’aise : d’un côté la reconnaissance qu’il faut bien dire quelque chose du divin et de l’autre la conviction qu’on ne peut rien en dire… alors qu’une attente immense de tout appréhender s’exprimait sans complexe.
Je ne pense pas que mon appréhension fut partagée, même si l’un des membres estima que chez Varillon, le mystère n’existe pas ; il disparaît sous l’affirmation de ce que Dieu est.
Portant, à l’issue de la rencontre, quelqu’un fit la lecture de cette belle prière attribué à Grégoire de Naziance (4ème s. )

O toi l'au-delà de tout
N'est-ce pas là tout ce qu'on peut chanter de toi ?
Quelle hymne te dira, quel langage ?
Aucun mot ne t'exprime.
A quoi s'attachera-t-il ?
Tu dépasses toute intelligence.

Seul, tu es indicible, car tout ce qui se dit est sorti de toi.
Seul, tu es inconnaissable, car tout ce qui se pense est sorti de toi.
Tous les êtres, ceux qui pensent et ceux qui n'ont point la pensée,
te rendent hommage.

Le désir universel, l'universel gémissement tend vers toi.
Tout ce qui est te prie, et vers toi tout être qui pense ton univers
fait monter une hymne de silence.

Tout ce qui demeure, demeure par toi;
par toi subsiste l'universel mouvement. De tous les êtres tu es la fin;
tu es tout être, et tu n'en es aucun. tu n'es pas un seul être;
tu n'es pas leur ensemble ; tu as tous les noms et comment te nommerais-je,
toi qu'on ne peut nommer?

Quel esprit céleste pourra pénétrer les nuées qui couvrent le ciel même?
Prends pitié, 0 toi l'au-delà de tout n'est-ce pas là tout ce qu'on peut chanter de toi ?


Elle rejoint cet hymne d’Ephrem :
Partout, Seigneur, sont tes mystères,
mais partout tu restes inconnu :
ton mystère est-il dans la hauteur ?
Elle ne perçoit pas que tu es là.
Ton mystère est-il dans la profondeur ?
Elle ne saisit pas qui tu es.
Ton mystère est-il dans la mer ?
À la mer il reste caché.
Ton mystère est-il sur la terre ferme ?
Elle ne sait pas que c’est toi.
Béni soit le caché manifesté !
  • La foi, nous avons moins à la démontrer qu’à la montré.

Publié dans Eglise

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