Progressisme et révolution - 2
Je propose dans cette catégorie une vieille réflexion sur le sens des mots progrès, évolution ou révolution.
Où se situe l'Evangile ?
En premier, le progrès interrogé.
En second, existe-t-il une limite au progrès ?
En troisième, avec qui me retrouver ?
Enfin, quel chemin prendre pour une transformation dans le sens de l'Evangile ?
Deuxième temps : les limites du progrès.
Jusqu'où peut aller le progrès?
Jusqu'à quand sera-t-il possible d'équilibrer les éléments du monde, c'est-à-dire de l'Occident qui continue à se construire sur le dos des pays pauvres ? Jusqu'à
quand sera-t-il possible d'équilibrer les éléments du monde en vue d'obtenir un progrès ?
Je ne pense pas que l'infini puisse vraiment exister en ce domaine comme il existe en d'autres. Ou même, s'il existe, cela ne peut-être que différent, c'est-à-dire que l'on pourrait déceler un changement, une marche en avant, donc un progrès, sans que pour autant il y ait une amélioration. A quoi sert à l'homme d'atteindre l'infini du progrès si cela ne lui confère pas le bonheur ? Une amélioration existe-t-elle sans que la plénitude du bonheur l'accompagne ? Vous reconnaissez, ici, une paraphrase de l'Evangile.
L'optimisme du deuxième Concile du Vatican, lorsqu'il traite des réalités terrestres, bonnes en soi - elles ne demandent qu'à être développées - l'optimisme de Vatican II aurait-il emboîté le pas de l'optimisme progressiste ? C'était justice, évidemment, de montrer aux Camarades que la foi, la référence en Dieu, en l'Inconnu, lointain et prochain, incompréhensible et abordable, ne détournait pas le chrétien de son devoir envers la cité terrestre. Cela dit, je pense qu'il conviendrait d'ouvrir un chapitre pour tenir compte des appels, venant du sein même de l'athéisme, à une vision plus réaliste du monde. Me voilà en plein paradoxe. Ce sont ceux-là même qui me jugent rêveur que j'accuse d'irréalisme à cause de leur vision par trop optimiste sur le monde.
Pourra-t-on soutenir un débat sur ce thème ?
Nous échangeons si peu dans nos communautés, dans nos groupes et mouvements, entre membres d'options différentes !
Oui, je considère irréalistes certaines attitudes parce que, en fait, sous couvert de progressisme, elles font le jeu du pouvoir en place. Comment prouver cela ? Des exemples seraient bienvenus ; ils seraient sûrement réclamés par ceux que je situe au banc des accusés. L'expérience me manque. Par ailleurs, la contestation est telle, l'écoute si relative, quand quelqu'un s'exprime de la sorte, qu'il faut se lever de bon matin pour devenir crédible. Ce que je ne fais pas ! et je ne dois pas être le seul.
André Glucksmann, toujours dans "Les Maîtres Penseurs" (1), reconnaît le courage des prêtres qui ont tenu une place décisive dans la résistance à l'occupation nazie, à la guerre coloniale en Algérie. "Rares sont les luttes contre les injustices où on ne les rencontre pas au hasard des quartiers pauvres et des usines perdues." "Sans eux, l'air serait irrespirable en France". Il note ensuite qu'avec ce courage, ils se constituèrent, dans la mouvance de Mai 1968, en plate-forme pour revendiquer autoritairement le droit au travail, au mariage, à l'engagement politique. Ils veulent obtenir pour mieux accomplir leur mission ce que Hegel appelle les "bonnes moeurs", les trois points "nécessaires à la stabilisation de l'Etat moderne et à la normalisation des populations". La religion, perdant toute pointe contestatrice devient "le garant de l'ordre public". Il en est ainsi de certains curés misant tout leur espoir sur la Gauche du Programme Commun. André Glucksmann cite le manifeste de quarante ecclésiastiques demandant aux chrétiens de voter Mitterrand "pour la libération de l'homme". Et que font les évêques, en Italie ? En plus des sermons ad hoc, ils font distribuer, par leurs curés, des crayons de couleurs aux enfants des paroisses pour que la Démocratie Chrétienne se maintienne !
Tout se passe comme si les partis attendaient "que les curés basculent" pour prendre l'Etat par l'Eglise quitte, ensuite à reprendre l'Eglise par l'Etat." Eglise compromise !
Et de citer Maurice Clavel, hurlant son angoisse de ne plus trouver où est le Libérateur, l'Unique, le Vrai.
" Non de Dieu ! Comment communiquer ma stupeur ? Une page blanche comme ma voix ? J'écarte de cette affaire historico-métaphysique le malheureux candidat (Mitterrand) qui n'en demandait pas tant - encore qu'il nous invitât par un slogan à "changer la vie" avec lui, ce qui n'était pas gros ; mais enfin, il ne prétendait accomplir dans sa modeste personne que Mai 68 et Arthur Rimbaud 1 Il ne délivrait des douleurs de l'enfantement que le siècle...
Tandis que vous, les quarante (ecclésiastiques), d'un seul communiqué, de dix lignes dans le monde, vous rétroactivez deux mille ans en son Annonciation !
Vous allez d'un vol d'aigle de la Croix à la rose... L'homme, Libérez l'homme ! Enfin, Pères, Pétain, pour Gerlier, n'était que la France" (2).
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(1) Editions Grasset , Paris 1977 , p. 219 ss.
(2) Le Cardinal Gerlier s'est ouvertement prononcé pour le Maréchal Pétain. Du reste, l'ensemble de l'épiscopat français demeura favorable au régime de Pétain, ce qui amènera beaucoup de gens, prêtres et laics, à se poser le problème de l'obéissance vis-à-vis de la hiérarchie.
Je ne pense pas que l'infini puisse vraiment exister en ce domaine comme il existe en d'autres. Ou même, s'il existe, cela ne peut-être que différent, c'est-à-dire que l'on pourrait déceler un changement, une marche en avant, donc un progrès, sans que pour autant il y ait une amélioration. A quoi sert à l'homme d'atteindre l'infini du progrès si cela ne lui confère pas le bonheur ? Une amélioration existe-t-elle sans que la plénitude du bonheur l'accompagne ? Vous reconnaissez, ici, une paraphrase de l'Evangile.
L'optimisme du deuxième Concile du Vatican, lorsqu'il traite des réalités terrestres, bonnes en soi - elles ne demandent qu'à être développées - l'optimisme de Vatican II aurait-il emboîté le pas de l'optimisme progressiste ? C'était justice, évidemment, de montrer aux Camarades que la foi, la référence en Dieu, en l'Inconnu, lointain et prochain, incompréhensible et abordable, ne détournait pas le chrétien de son devoir envers la cité terrestre. Cela dit, je pense qu'il conviendrait d'ouvrir un chapitre pour tenir compte des appels, venant du sein même de l'athéisme, à une vision plus réaliste du monde. Me voilà en plein paradoxe. Ce sont ceux-là même qui me jugent rêveur que j'accuse d'irréalisme à cause de leur vision par trop optimiste sur le monde.
Pourra-t-on soutenir un débat sur ce thème ?
Nous échangeons si peu dans nos communautés, dans nos groupes et mouvements, entre membres d'options différentes !
Oui, je considère irréalistes certaines attitudes parce que, en fait, sous couvert de progressisme, elles font le jeu du pouvoir en place. Comment prouver cela ? Des exemples seraient bienvenus ; ils seraient sûrement réclamés par ceux que je situe au banc des accusés. L'expérience me manque. Par ailleurs, la contestation est telle, l'écoute si relative, quand quelqu'un s'exprime de la sorte, qu'il faut se lever de bon matin pour devenir crédible. Ce que je ne fais pas ! et je ne dois pas être le seul.
André Glucksmann, toujours dans "Les Maîtres Penseurs" (1), reconnaît le courage des prêtres qui ont tenu une place décisive dans la résistance à l'occupation nazie, à la guerre coloniale en Algérie. "Rares sont les luttes contre les injustices où on ne les rencontre pas au hasard des quartiers pauvres et des usines perdues." "Sans eux, l'air serait irrespirable en France". Il note ensuite qu'avec ce courage, ils se constituèrent, dans la mouvance de Mai 1968, en plate-forme pour revendiquer autoritairement le droit au travail, au mariage, à l'engagement politique. Ils veulent obtenir pour mieux accomplir leur mission ce que Hegel appelle les "bonnes moeurs", les trois points "nécessaires à la stabilisation de l'Etat moderne et à la normalisation des populations". La religion, perdant toute pointe contestatrice devient "le garant de l'ordre public". Il en est ainsi de certains curés misant tout leur espoir sur la Gauche du Programme Commun. André Glucksmann cite le manifeste de quarante ecclésiastiques demandant aux chrétiens de voter Mitterrand "pour la libération de l'homme". Et que font les évêques, en Italie ? En plus des sermons ad hoc, ils font distribuer, par leurs curés, des crayons de couleurs aux enfants des paroisses pour que la Démocratie Chrétienne se maintienne !
Tout se passe comme si les partis attendaient "que les curés basculent" pour prendre l'Etat par l'Eglise quitte, ensuite à reprendre l'Eglise par l'Etat." Eglise compromise !
Et de citer Maurice Clavel, hurlant son angoisse de ne plus trouver où est le Libérateur, l'Unique, le Vrai.
" Non de Dieu ! Comment communiquer ma stupeur ? Une page blanche comme ma voix ? J'écarte de cette affaire historico-métaphysique le malheureux candidat (Mitterrand) qui n'en demandait pas tant - encore qu'il nous invitât par un slogan à "changer la vie" avec lui, ce qui n'était pas gros ; mais enfin, il ne prétendait accomplir dans sa modeste personne que Mai 68 et Arthur Rimbaud 1 Il ne délivrait des douleurs de l'enfantement que le siècle...
Tandis que vous, les quarante (ecclésiastiques), d'un seul communiqué, de dix lignes dans le monde, vous rétroactivez deux mille ans en son Annonciation !
Vous allez d'un vol d'aigle de la Croix à la rose... L'homme, Libérez l'homme ! Enfin, Pères, Pétain, pour Gerlier, n'était que la France" (2).
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(1) Editions Grasset , Paris 1977 , p. 219 ss.
(2) Le Cardinal Gerlier s'est ouvertement prononcé pour le Maréchal Pétain. Du reste, l'ensemble de l'épiscopat français demeura favorable au régime de Pétain, ce qui amènera beaucoup de gens, prêtres et laics, à se poser le problème de l'obéissance vis-à-vis de la hiérarchie.