Les approches présentées ne touchent pas aux racines

Publié le par Michel Durand

La 82ème session des Semaines sociales de France qui s'est tenue à Paris les 16-18 novembre 2007 brosse un tableau que nous ne pouvons ignorer si nous souhaitons aborder dans le dialogue la question fondamentale des changements de modes de vie. Changements qui ne peuvent se contenter d'un petit toilettage de surface.

Le tire de la session est « Vivre autrement - Pour un développement durable et solidaire ». L'extrait que j'ai déjà publié sur ce blogue avant d'avoir terminé la lecture du livre, l'intervention d'Elena Lasida : « une interrogation pour les chrétiens », trace, me semble-t-il, les contours de l'ensemble de la session. De nombreux aspects concrets sont abordés dans les ateliers. Il est très utile de voir comment, dans le quotidien il est possible de mettre en œuvre des solutions aux problèmes soulevés.

Mais je trouve que les approches présentées ne touchent jamais aux multiples et profondes racines. Je devrai dire à l'unique racine : le désir de profit, la liberté du marché, le désir de croissance, bref, la foi en un développement possible à l'infini, l'adoration du progrès. Des petites flèches sont assénées à cette croyance. Elles ne sont pas assez incisives.

L'air diffusé dans la rédaction du rapport fait une part trop belle aux évolutions possibles, sans que les habitudes du passé soient fortement remises en cause. Ainsi, Jérôme Vignon, dans la conclusion, écrit : « nous osons nous tourner vers ces sociétés françaises et européennes qui doutent encore d'elles-mêmes, pour leur dire que sous le Grenelle, avec le Grenelle, il y a en effet, une Bonne Nouvelle, selon la formule de Elena Lasida.

Oui, il est possible d'organiser collectivement une diminution de la consommation des ressources non renouvelables ou menacées, de renoncer ensemble à certaines facilités de transports, de chauffage, de production des déchets, si l'on veut bien découvrir, dans cette retenue, une chance offerte par de nouveaux styles de vie personnelle et professionnelle. En renonçant à élargir son emprise sur les biens patrimoniaux communs, notre existence peut gagner en profondeur et en réelle qualité humaine ».

A mon avis, il s'agit de beaucoup plus.

L'optimisme de Jérôme Vignon semble ne pas avoir entendu certains appels émanant de la session quand il dit qu' « il faut se confier au génie créateur de l'homme, à sa capacité d'inventer, grâce à l'action publique, grâce à la politique qui trouve avec le développement durable une nouvelle grandeur ».

Parmi ces appels (ou avertissements) je note celui d'Etienne Klein qui dresse un tableau sévère de notre situation actuelle : « on peut faire appel à de sources d'énergies de plus en plus concentrées comme la fusion nucléaire. Mais malgré de possibles ruptures technologiques encore lointaines, elles ne peuvent constituer  à elles seules une réponse unique, face au défi planétaire que représente l'utilisation de l'énergie, si nous ne modifions pas notre comportement dès aujourd'hui ».

Jean-Pierre Favennec : « Ce que nous savons des réserves ultimes nous permet de dire que ce mode de développement n'est absolument pas soutenable »... « Il est probable que nos petits-enfants auront beaucoup plus de difficultés si nous ne modifions pas en profondeur nos comportements dès maintenant ».

Bernard Laponche : « Avant, on demandait au producteur de produire davantage, maintenant on demande au consommateur d'être acteur et de réduire sa consommation ».

Si Jérôme Vignon suit facilement la voie d'Elena Lasida alors qu'elle marginalise l'objection  de croissance : « Face aux limites environnementales auxquelles nous sommes aujourd'hui confrontés, de nombreuses vois s'élèvent en faveur de moins : moins de consommation, moins de production, moins de croissance... », il semble ne pas avoir écouté Henri Madelin : « La période nouvelle dans laquelle nous entrons exige des changements culturels. Comme en ski nous devons faire une conversion, tourner pour changer de direction dans le sens de la pente. Mais la peur du vide  et les habitudes nous empêchent de la faire ».

Il se peut, du reste, qu'un jour, je recopie son intervention.


Publié dans Eglise

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