Robert BEAUVERY ; Septembre
64450 Saint Cyr au Mont d’Or
Aux Amis, Communautés qui s’associent à mon séjour hebdomadaire, le vendredi
Au Centre Anti-cancéreux Léon Bérard à Lyon
Ainsi qu’aux internautes.
Chers tous,
L’intitulé habituel de nos courriers mensuels va disparaître. En effet, brusquement, le mercredi 19 Août, à 17 h. le rhumatologue du Centre m’apprenait que cessait immédiatement toute thérapie relative au cancer – d’ailleurs, il ne restait plus que quatre séances ! – et qu’il y avait urgence à opérer une fracture du col du fémur et d’introduire une prothèse à la hanche gauche. Le lendemain, j’étais hospitalisé à la clinique du Tonkin, opéré et équipé de la prothèse. Le tout en 36 heures ! une semaine après, j’étais confié à la Pinède. J’ai eu du mal à assumer la rapidité de ces changements !
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1. Peut-être une lumière ?
Durant les 48 heures qui ont suivi l’opération, un état d’âme indéfinissable, inexpérimenté jusqu’ici a occupé le champ de conscience, d’une façon permanente et parfois même en surface. Qu’en dire avec des mots ? Vide ? nuit ? noir ? Un noir lisse sans aucune aspérité susceptible de déclencher une sensation, une impression, une réflexion. Un noir plat, horizontal, sans profondeur, sans ténèbres abyssales qui disent en creux la lumière transcendante. Un noir silencieux sans parole, sans message audible. Le vide, la nuit, le noir, le silence… où je ne tenais aucun rôle, comme si, présent, j’étais inexistant, néant.
S’agissait-il d’un état d’âme produit par le psychisme d’un homme ébranlé, opéré, drogué par des antalgiques puissants… c’est probable, sinon certain ! Cependant, et non pas en dehors du travail du psychisme humain, mais au-delà de celui-ci, une lumière venue d’En-Haut a pu être transmise… c’est possible, « rien n’est impossible à Dieu » cf. Lc.1,37. Un appel à faire mienne l’exhortation de Paul adressée à Philippe : « que chacun ne regarde pas à soi mais aussi aux autres. Ayez en vous les mêmes sentiments que le Christ, Lui de condition divine s’est dépouillé… il s’est abaissé… jusqu’à la mort » Un appel à faire le vide, le silence en moi non pas à la manière d’un stoïcien mais à la suite de la « k e n o s e » de Jésus ?
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2. Allons ailleurs … pour que j’y proclame l’Evangile c’est pour cela que je suis venu Mc. 1,38.
Les disciples ne sont pas prêts à quitter là où ils ont été bien accueillis, où ils sont retenus par la foule enthousiaste… Je n’étais pas prêt moi non plus, à quitter le Centre Léon Bérard où je m’étais confortablement installé dans le cadre, l’esprit, et auprès des personnes. Tout n’était pas entièrement pur au point d’être tenté d’y rester et d’y établir ma tente, cf. M. 9,5, oublieux que j’étais que ma vraie demeure est ailleurs, cf. He. 11,13-40.
Un exemple concret m’a été donné par les nombreux « stagiaires » qui m’ont soigné à la clinique du Tonkin. Eux aussi, de « stage » en « stage » parfois d’année en année. (une femme de ménage, avec licence universitaire en poche, 25 ans, attend encore un emploi fixe !) passent à « allons ailleurs » sans grande espérance…
Dans l’histoire, l’Eglise, conduite par l’Esprit Saint a été appelée, comme son Maître et Seigneur, elle aussi, à aller ailleurs, par exemple : bien établie dans l’empire romain, malgré quelques persécutions sporadiques, elle fut sollicitée à passer aux barbares par St Augustin ; et, encore, au XIXè s. le P. Chevrier, sans se désolidariser de l’Eglise diocésaine, à franchir le Rhône pour quitter la presqu’ile et rejoindre le monde prolétarien de la Guillotière. Et aujourd’hui qu’en est-il ?...
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Tant est amer l’exercice de la patience, tant en sont doux les fruits…
Ce proverbe m’a été confié par un kiné pendant que je m’impatientais sur des engins destinés à soigner ma jambe. Deux séances par jour et dont les résultats ne sont pas immédiatement expérimentés. Non plus en salle de kiné, à la porte de la chapelle, il est aussi question de patience, message adressé à tous ceux qui la fréquentent : « Que rien ne te trouble, que rien ne t’effraie – tout passe. Dieu reste. La patience sublime tout. Qui a Dieu ne manque de rien. Dieu lui suffit »
Thérèse d’Avila
Conclusion
J’ai autant besoin de votre intercession aujourd’hui qu’au début de ma thérapie pour avancer vers le vide de moi-même, la disponibilité à aller ailleurs et pour entrer plus avant dans le mystère de la patience sublime.
Bien affectueusement
P.S.
1. Ce courrier ne sera pas le dernier mais peut-être l’avant-dernier
2. Les visites et le coup de fil me sont très agréables, cependant, ils me fatiguent un peu, pour l’instant En revanche, les petits mots sont tout bienfaisants… et je puis, les vôtres, me les approprier. Merci !