Dans l'espérance d'une Eglise selon l'Evangile

Publié le par Michel Durand

Vers la disparition de l’Eglise de France ?
Claude Plettner, éditrice
Forum La croix 9/10 juin 2007-06-12


Est-il encore besoin d’expliquer pourquoi j’alimente ce blogue : en manque d’Eglise ?
Si oui l’article de Claude Plettner arrive au bon moment.
Je trouve très juste sa méditation et je suis heureux de vous l’offrir à la lecture. Je serai désormais à l’affût de tout ce qu’elle peut publier en ce sens. Pourquoi vouloir une autre Eglise ? « Les catholiques traditionalistes ont su se faire écouter de Rome (on en parle de plus en plus avec le fameux motu proprio de la messe tridentine). Il est grand temps que les catholiques de tous bords qui refusent ce scénario fassent aussi entendre leur voix ».
Ravenne, Mosaïque, la pêche miraculeuse.

L'Église catholique existera-t-elle encore ici, dans trente ans ? Hypothèse improbable pour certains : elle a affronté d'autres gros temps et est ancrée depuis si longtemps dans notre paysage. Ils se rassurent au motif que cette institution, si elle est autant malmenée que les autres, n'est pas tout à fait comme les autres. D'autres se réjouissent : son statut minoritaire dans la société et la fragilisation de son «appareil» sont la chance d'un renouveau.
Or, les statistiques sont là : rouges... écarlates ! Et quelques signes avant-coureurs laissent entrevoir une possible disparition. L'effondrement, lui, est déjà là. Il suffit de voir la désaffection de milliers de bâtiments religieux en France. Si l'on n'est pas seulement «chrétien culturel», dénicher une église ouverte, un.dimanche à la campagne, tient du parcours du combattant. Des communautés vivantes s'y rassemblent encore, y compris en l'absence de prêtre.
Mais où, ce jour-là ? Et à combien de kilomètres ? De son côté, une génération de chrétiens urbains déserte des assemblées âgées, réunies autour d'un curé fatigué ou d'un jeune prêtre semblé sorti d'un autre siècle. Il en va autrement ici ou là. Mais est-ce significatif ?
Il n'est guère plus aisé d'être catholique avec certains de ces jeunes croyants, ressemblant si peu à l'ordinaire de la jeunesse qui ne se marie plus, ignore tout de Dieu, cherche des repères mais pas des certitudes. On comprend la quête d'identité et de lieux confortant cette génération qui prend des coups. Mais les aînés qui les accompagnent réalisent-ils assez que les replis défensifs préparent peu aux dialogues sereins, aux dissidences paisibles?
Nombre de catholiques se demandent comment être de cette Église qui, s'éprouvant minoritaire, réaffirme la doctrine et rappelle la discipline. Les prises de position de la hiérarchie ne suffisent pas, bien sûr, à expliquer le désamour des hommes de ce temps pour le christianisme. Les raisons en sont autrement plus profondes et complexes. Tout de même: pourquoi cette absence de réflexion et de débat interne quand il s'agit, de façon responsable et solidaire, d'appeler de ses vœux une autre parole sur les divorcés-remariés, les femmes, la contraception, l'homosexualité - cette réalité qui concerne aussi clercs et les religieux -, les ministères ? Quant aux questions bioéthiques, n'avons-nous vraiment le choix qu'entre le tout et le presque rien ? Plus d'un théologien se contorsionne ou s'autocensure pour assumer des situations éthiques ou culturelles radicalement neuves.
Nombreux encore sont ceux qui se demandent dans quel monde vit leur Église : pourquoi, dans la religion de la parole, ces discours inaudibles, ces condamnations qui stérilisent la réflexion ? ou ces arguments d'une philosophie obsolète se référant, entre. autres, à la loi naturelle ou à un sous-thomisme.
Questions d'autant plus vives que le christianisme s'est bâti au carrefour de cultures et de visions du monde étrangères aux siennes : un saint Paul savait être juif avec les juifs, païen avec les païens et en rupture avec eux tous. Il annonçait en un langage neuf « la jolie de la croix» au cœur des grandes mégapoles intellectuelles et commerciales du Bassin méditerranéen.Il en parlait les langues. en connaissait la philosophie, les mœurs et les divinités. Il n'était ni à côté, ni simplement arc-bouté contre.
La foi chrétienne demeure porteuse d'une vision originale de l'homme. Sans viser à se rendre acceptable, il lui revient de dire sa pertinence, son heureuse annonce - intelligente à plus d'un titre -, dans bien des débats du moment.
Aussi est-il impossible de se résoudre à son « exculturation» (selon le concept forgé par Danièle Hervieu-Léger), à sa déshérence. Et il ne nous suffit pas que les chrétiens croissent en Inde, en Afrique ou aux Philippines. Car si la laïcité et la sécularisation ont surgi en Occident, et nulle part ailleurs, c'est en lien avec la Bible et le judéo-christianisme. Nul hasard à cela. Plus qu'aucune autre religion, ces racines-là en portaient la possibilité même si cela ne s'est pas fait sans résistances et ombres au tableau. Dès les premières pages de la Genèse, le Créateur pose face à lui un univers autonome. Et les mots du Christ, « Rendez à César ce qui est à César » ou «Mon Royaume n'est pas de ce monde », ouvrent l'espace où les religions consentent à l'affaiblissement face au pouvoir politique. L'Évangile témoigne d'un Dieu désarmé.
Si l'Église disparaît sous nos yeux ici, alors sombre avec elle la possibilité d'être croyant dans des sociétés laïques et sécularisées. Et sombre une possibilité de naissance pour l'humanité, envers et contre tout, hors de la tristesse.
Nous voilà à la croisée des chemins. Ou bien l'Église accompagne les passages du monde ancien à un monde nouveau, à travers une crise qui ne l'épargne pas ; ou bien elle n'est toujours pas remise de la crise antimoderniste du XIXe siècle. Et elle se marginalise alors toujours plus, au risque de passer pour une secte. Les catholiques traditionalistes ont su se faire écouter de Rome. Il est grand temps que les catholiques de tous bords qui refusent ce scénario fassent aussi entendre leur voix.

Publié dans Eglise

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