Benoît XVI, "Lumière du monde" - 1
L’appel à la conversion, sans interrogations suffisantes sur les structures, me laisse perplexe
Dans la communauté paroissiale de Saint-Polycarpe des Pentes de la Croix Rousse (comme ailleurs, je suppose), les livres concernant la foi chrétienne et l’Église circulent. Certes, ils pourraient passer davantage encore de mains en mains. Mais, ce n’est déjà pas mal. Les ouvrages mis à la disposition de tous à la maison paroissiale sont consultés.
La semaine passée, Fabienne m’a donné à lire l’entretien de Peter Seewald avec Benoît XVI, « Lumière du monde ». Je viens de le refermer.
Dans un vocabulaire simple, des pages agréables à lire donnent l’essentiel des sujets qui préoccupent le pape et l’Institution Église. Rien de nouveau. Je fus surpris de tant de transparence sur la perception de la crise dans l’Église. En fait, selon l’auteur, c’est plutôt la société qui est en crise ; crise qui se répercute sur l’Église. Si la société se convertissait, assurément cela irait mieux pour l’Église. Elle se convertirait avec plus de succès.
Il n’est pas toujours agréable de lire des critiques des prêtres qui sont fautifs. On se demande même comment cela peut exister. L’appel à la conversion, sans interrogations suffisantes sur les structures, me laisse perplexe. Et je demeure non convaincu sur l’actuel et désormais permanent usage du concept de nouvelle évangélisation.
Au crédit de la perversion du clergé, je pourrais citer un film mexicain, vu à la télévision, il y a deux ou trois ans, qui montrait les maîtresses des prêtres, jeunes et vieux et l’obligation pour une femme d’avorter afin que le prêtre puisse continuer son ministère. Tout cela avec beaucoup de repas trop alcoolisés. Fantasme d’un cinéaste anticlérical ou réalité ? Au moins objet de réflexion qui devrait inviter à modifier les modes de formation. Benoît XVI revient plusieurs fois sur le discernement dans le choix des séminaristes.
De la première à la dernière page, les mêmes propos reviennent sur les prêtres et les baptisés qui ont failli à leur mission. « N’est-on pas forcément un peu assombri (je dirai déprimé) de constater à quel point l’Église n’a cessé de s’éloigner de chemin que lui a confié le Fils de Dieu ? » - Oui, répond Benoît XVI, nous venons de le vivre en ce temps de scandales : on est vraiment triste de constater la misère de l’Église et à quel point certains de ses membres ont échoué dans la succession de Jésus-Christ ».
Certes, il est de suite affirmé que le Christ, médecin, n’abandonnera pas l’outil « Église ». Il suscite toujours des saints. Mais, l’Église n’est pas faite que de célèbres saints ! Il me semble que dans cet entretien, ce sont plutôt les méfaits qui sont évoqués, les problèmes, les péchés, les déviances du monde et de l’Église. Pessimisme d’un regard réaliste ?
Parfois, les questions me gênent plus que les réponses. On dirait que les interrogations enferment le propos dans ce qui ne va pas. Il aurait été possible, me semble-t-il, d’écrire un dialogue en regardant par le menu quelques témoignages de baptisés vivant de l’Évangile. Mais le pape rencontre vraisemblablement plus d’évêques répondant à des questions embarrassantes qu’échangeant sur l’engagement apostolique des fidèles du Christ.
Je me rappelle d’un passage du livre (je ne retrouve hélas pas la page) où Peter Seewald semble vouloir mettre le soupçon sur les lectures historiques, critiques de la Bible qui sont pratiquées depuis très longtemps ; exégèse qui évacuerait l’attitude de foi. Benoît XVI répond en soulignant très nettement toute l’importance, le bienfait de ces recherches intellectuelles. Elles font avancer l’intelligence de la foi dans un dialogue « foi et raison ». La foi doit présider à la lecture de la révélation mais sans avoir peur de la recherche humaine.
Je peux donc dire que je suis en accord avec les réponses de Benoît XVI. Là où je pointerais un malaise, c’est dans la distance inévitable entre l’énoncé abstrait d’une pratique chrétienne et le concret de la vie. Les sujets sont abordés par le haut, dans la logique de l’énoncé du catéchisme. Le Christ, ne nous montre-t-il pas l’exemple d’un dialogue ponctuel, d’un regard de miséricorde, sans s’occuper en premier de Loi ? On va me répondre qu’une société, une institution, une Église ne peuvent exister sans règle.
Disant cela, je pose le doigt sur, la ligne délicate de l’entretien pastoral face à l’obéissance dogmatique. « Lumière du monde, le pape, l’Église » possède la vérité. Tout ira mieux quand le monde, où rien ne va plus, où les valeurs fondamentales ont disparu , se tournera vers l’Église, malgré sa crise interne.
En cette méditation, je place la question de l’obéissance à la hiérarchie, de l’équilibre de l’acte pastoral entre respect d’un dogme et écoute pleine de miséricorde.
Rigorisme ou laxisme ? Tout le problème de la casuistique.
Ainsi, l’ensemble de l’entretien me serait apparu plus sympathique s’il ne s’était pas majoritairement situé au niveau des principes.
Comme je l’ai fait dans des articles précédents sur l’Église (le Vatican), je prends pour soutenir ma réflexion, la réalité vestimentaire. Je vois en lui un signe indélébile de la légalolâtrie :
« Le pape est toujours habillé en blanc. Ne porte-t-il pas quelquefois, au lieu de la soutane, un pull-over de détente ?
- Non. L’ancien second secrétaire adjoint au pape Jean-Paul II, Mgr Mieczyslaw Mokrzycki, m’a transmis la consigne en me disant : le pape a toujours porter la soutane, vous devez faire de même ».
Toutes les grandes questions (principalement en morale sexuelle) qui ont torturé l’Église depuis 2009 sont abordées. Il y a pourtant quelques passages sur l’économie. Face à mes recherches sur l’objection de croissance, j’ai été très touché de lire à la page 66 : LA CATASTROPHE GLOBALE
« Dieu vit tout ce qu'il avait fait : cela était très bon », est-il écrit dans la Genèse. On peut donc être effrayé par ce qu'est devenu entre-temps ce rêve d'une planète. La question est la suivante : la terre ne supporte-t-elle tout simplement pas l'énorme potentiel de développement de notre espèce ? Elle n'est peut-être même pas faite pour que nous y demeurions durablement... Ou nous nous y prenons très mal.
- Que nous ne resterons pas ici éternellement, les saintes Écritures nous le disent, tout comme l'expérience. Mais il y a sûrement quelque chose que nous faisons mal. Je pense que c'est toute la question du concept de progrès qui se pose ici. L'ère moderne a cherché sa voie parmi les concepts fondamentaux de progrès et de liberté. Mais qu'est-ce que le progrès ? Nous voyons aujourd'hui que le progrès peut être aussi destructeur. C'est pourquoi nous devons réfléchir aux moyens de faire en sorte que le progrès soit bien un progrès.
Il me faudra revenir sur cette interrogation de l’idée de progrès.