Comment aurai-je pu prier en le priant de sortir ?
Dimanche 4 décembre, avant et après l’eucharistie de 11 h à St Polycarpe, trois rencontres, trois rencontres m’ont profondément touché. Elles m’habitent encore.
Tout d’abord, 15 minutes avant le début de l’office, un homme d’une trentaine d’années remontant la rue St Polycarpe, puis la rue Abbé Rozier en poussant de grands
cris entre dans l’église. Totalement sous l’emprise de l’alcool, il avait du mal à mettre un pied devant l’autre. Vêtu d’un veston ouvert, en slip, avec des chaussures de type drag queen, il
sortait vraisemblablement d’une des boîtes gay cuire. Tatouages, piercing, une croix à son cou. En le voyant, j’ai ressenti une forte
émotion. Comment l’humain peut-il dépasser les limites du supportable. Comment a-t-il pu quitter son lieu de loisir que je connais par le free pass qu’il laissa tomber. Comment ses
compagnons ont-ils pu le laisser dans la rue sans vêtements suffisant pour être protégé du froid ?
Je ne peux le laisser ressortir. Je le prends par la main, puis le bras et enfin le corps et j’arrive à l’introduire dans la sacristie chauffée. Il s’assoit au sol ; je le couvre d’une des couvertures que nous avons en permanence en ce lieu pour cet usage. Tout fut fait rapidement et discrètement, les fidèles n’étant pas encore arrivés. Comment aurai-je pu célébrer la messe en le priant de sortir ?
Trop ému par cette rencontre, je n’ai pu m’empêcher d’en parler dans mon introduction à la pénitence : préparons les chemins du Seigneur ! N’est-ce pas sur le trottoir que cela s’accomplit ? Accueil de l’autre : rendez droit ses sentiers, convertissez-vous.
Il se réveilla trois heures après. Quand il découvrit sur mon explication qu’il était dans une église, il manifesta une réelle désapprobation et préféra sortir dans la rue pas encore très assuré dans sa marche.
Au cours de l’apéritif qui suit l’eucharistie, un jeune homme, habitant Versailles selon ses dires et venant visiter un ami, me fit ce commentaire après avoir sollicité quelques explications sur la disposition liturgique : autel au centre de l’Assemblée, Ambon dans la chair, homélie au milieu des gens : à Versailles, les prêtres me font penser que Dieu est totalement le tout autre. Vous, vous montrer que Dieu est tout proche, mais aussi tout autre. Je lui parle de transcendance dans l’immanence, selon mon vocabulaire habituel, et lui explique l’importance du vide autour de l’autel. La distance montre que tout en étant là, au centre des fidèles, Il est également ailleurs, autre part, autre. Il comprend, cela se s’est senti dans l’échange qui dura plusieurs minutes. Mais je ne sais pas s’il approuve cette façon de voir Dieu, le Christ, l’Église.
Enfin la troisième rencontre, un homme d’âge mûr. Il était venu voir la BASA, le souffle et me connaît par ce blog.
Je ne rapporte que sa première phrase, reçue aussi avec beaucoup d’émotion : dans cette eucharistie, tout est juste, adéquat… je commente : paroles, musiques, gestes, participation de tous...
J’espère le retrouver sur la toile comme il me l’a promis.
Certes, noter cette parole gratifiante peut être occasion de vantardise. Je le confesse. Je la verse néanmoins dans le panier du discernement.