Père Alfed Ancel, supérieur général du Prado, évêque auxiliaire à Lyon
Dans les années 50, le Père Ancel, supérieur général du Prado, évêque auxiliaire à Lyon, a obtenu du Vatican, la possibilité de s’immerger au milieu des ouvriers. Son unique souci était de présenter à tous ces gens, donc en commençant par les plus pauvres et les plus éloignés de l’Église, le message et le salut du Christ. Son attitude apostolique n’était fondamentalement pas autre que celle d’Antoine Chevrier qui quitta le ministère paroissial pour vivre avec les pauvres de la Guillotière, à deux pas de l’église Saint-André.
Aujourd’hui, il n’est plus (ou moins) question de monde ouvrier, de sous-prolétariat, ce peuple dont l’Église s’est éloignée au cours des siècles parce que les chrétiens -évêques, prêtres et fidèles laïcs- étaient trop marqués par des habitudes, des modes de vie issus de la morale bourgeoise des XVIIIe et XIXe siècles. Aujourd’hui, c’est à des populations, tout milieu social confondu, beaucoup plus importantes en nombre, dont l’Église se trouve éloignée plus encore que par le passé, que l’Évangile demande de s’adresser.
Comment parler à l’homme et à la femme actuels sans vivre proche d’eux ? Comment leur offrir la saveur de la Bonne Nouvelle du Christ, du Ressuscité, sans communier à leurs attentes ? Sans écouter leurs désirs et en tenir compte ?
Il y a des gens qui tout en ayant une forte demande spirituelle refusent la réponse qu’apporte l’Église parce que celle-ci, au cours de son histoire, a posé trop de gestes opposés au message christique. Même si le peuple n’a pas connaissance du serment antimoderniste que le clergé était obligé de prononcer au moins jusque dans les années 60, il garde dans sa mémoire collective l’idée que les chrétiens s’opposent au monde moderne. Et les médias sont toujours, ou souvent, disposés à mettre en avant les traces actuelles de ce désamour du monde. Processions et dentelles exhibées par le clergé font l’affaire.
En terme plus théologique, je souligne ici la différence qui existe entre une théologie dogmatique descente et une écoute, ascendante, de l’Esprit qui nous parle à travers le quotidien de l’humanité. Alfred Ancel, pour comprendre les gens avec qui il vivait étudia attentivement le vocabulaire employé et chercha à comprendre l’impact du communisme sur eux.
Dans cette lige pastorale, aujourd’hui, nous, les baptisés conscients de notre baptême, nous recevons la mission d’écouter ce qui se dit, par exemple dans les diverses associations soutenant la dignité personnelle. Elles sont nombreuses sur les Pentes de la Croix Rousse. Il convient aussi de tenir compte de la sensibilité des artistes de tout art qui, dans leur création, donne à entendre le vécu et le ressenti de chacun. En ce sens, le souci pastoral de l’Église ne peut se limiter à la réception des personnes qui viennent pour demander un sacrement. Il y a tous les autres, ceux qui ne demandent rien à une Institution jugée non crédible.
Parlons finance.
Il est clair qu’une communauté paroissiale située dans une zone de non-chrétienté aura du mal à payer tous les frais qu’occasionne la tenue d’une activité pastorale avec des gens qui ne se sentent pas concernés par la vie de l’Église. La difficulté sera d’autant plus réelle que les bâtiments à gérer, historiques, sont vastes avec de nombreuses contraintes d’entretien et de sécurité. Pour vivre, cette paroisse ayant peu de cultes ne peut que compter sur la solidarité des communautés financièrement plus à l’aise. L’idée d’une péréquation s’applique normalement au service des groupes qui ne peuvent être autonomes. Il me semble impossible, même si je l’ai entendu, que l’on puisse dire à une équipe d’animation pastorale : « il faut arrêter cela tout de suite, si vous n’avez pas assez de sacrements qui vous permettent d’être financièrement autonome, il faut vite fermer ». Cette considération comptable est valable à propos de la marche d’une entreprise, mais pas pour une mission chrétienne.
Tel est mon avis. Mais où en débattre ? Avec quels critères d’évaluation ? Un audit a été commandé à une entreprise par l’évêque sur la vie des paroisses. Quel est leur cahier des charges ? Ce dernier comprend-il une attention aux présences des chrétiens dans un monde hors Église ? Les rares rencontres que nous avons eues ne permettent pas de répondre à ces questions.