Début du XXe : Verrai-je le jour où, pendant la sainte messe, je me retournerai, pour dire « Dominus vobiscum » et où quelqu’un me répondra
Il se peut que j’aie déjà publié ce poste ; je ne sais plus et je ne souhaite pas prendre le temps de contrôler, honteux de ne pas honorer mon engagement d’écrire au moins tous les deux jours.
Un ami, prêtre du Prado, en fait, mon actuel conseiller spirituel (j’emploie cette expression bien que cela m’impressionne toujours de reconnaître à 70 ans passés, l’existence d’un accompagnateur personnel) me conseilla la lecture d’un ouvrage* sur Romano Guardini. Bénéficiant du calme des vacances de Noël, je prends enfin le temps de le lire.
J’éprouve une grande joie au travers de cette fresque historique qui montre le parcours existentiel et intellectuel de cet homme du début du XXe siècle. Je comprends avec admiration et reconnaissance pourquoi j’ai gardé un agréable souvenir des lectures de ce théologien que je faisais, me semble-t-il, dans les années 60. Impossible de retrouver la date exacte et je suis incapable de dire avec précision ce que j’aurai pu lire de lui. Mais, ce que je découvre aujourd’hui, c’est la correspondance du pourquoi je me suis engagé dans l’Église avec le désir du service sacerdotal et la pensée de cet auteur. Je citerai, par exemple , le désir d’ouverture vers le monde tel qu’il est ; l’importance de s’orienter vers le futur sans s’enliser dans des considérations passéistes ; vivre en vérité le culte liturgique…
Alors que j’abordais la dernière année du lycée dans l’enseignement catholique, je me rappelle une conversation passionnée et douloureuse avec un prêtre, qui m’humilia publiquement parce que je soutenais que la célébration du sacrement du baptême ne pouvait se vivre intelligemment, pour nous Français, qu’en langue française. Pour lui, seul le latin conférait le sacrement. Cela me paraissait à l’époque (et toujours) une aberration innommable. Devant mon insistance, ce prêtre, préfet des études me semble-t-il, entra dans une colère plus que sonore. J’en fus profondément troublé ; cela doit être pour cela que j’en garde le souvenir.
Voici ce qu’écrit Hanna-Barbara Gerl-Falkovitz : « Pendant la période où Guardini était vicaire, ses expériences de la liturgie, ses rencontres avec les jeunes – et ses relations avec ses supérieurs hiérarchiques – gagnaient en profondeur. Nous avons déjà mentionné la messe quotidienne célébrée devant le Saint-Sacrement exposé, ce qui choquait douloureusement l’idée que Guardini se faisait de l’Eucharistie comme « Pâques du Seigneur ». De l’année où il terminait ses études à Fribourg, est conservée une note manuscrite, écrite après la visite d’une chapelle funéraire baroque : «Verrai-je le jour où, pendant la sainte messe, je me retournerai, pour dire « Dominus vobiscum » et où quelqu’un me répondra, qui ne sera pas le petit enfant de chœur qui ne comprend rien à ce qu’il dit ? »
Romano Guardini (1885-1968) - Sa vie et son œuvre, Hanna-Barbara Gerl-Falkovitz, Salvatore, 2012, 550 pages.
Biographie de Hanna-Barbara Gerl-Falkovitz
Hanna-Barbara Gerl-Falkovitz est docteur en philosophie. Ancienne directrice d'études au Château Rothenfels, elle a enseigné aux universités de Munich, Bayreuth,
Tübingen et Eichstâtt. De 1993 à 2011, elle était titulaire de la chaire de philosophie de la religion et de religion comparative à l'université de Dresde. Depuis lors, elle dirige l'Institut
européen pour la philosophie et la religion à la Philosophisch-Theologische Hochschule Benedikt XVI à Heiligenkreuz, près de Vienne.
Elle est coéditrice de l'édition italienne des œuvres complètes de Romano Guardini et des Œuvres d'Édith Stein.