Désobéir par obéissance à Dieu
Certes Saint Paul a dit qu’il fallait obéir à l’empereur. Malgré cela, entre obéir à César ou à Dieu (Via sa conscience) il n’y a pas photo ! C’est ce que j’ai essayé de dire à Martine De Sauto. Je trouve son article très respectueux de ce que, entre autres, j’ai pu dire. Ce dossier de La Croix mérite toute notre attention (vendredi, samedi 13 novembre 2011). C’est en lien avec l’Evangile de ce jour, Oser agir ; poser parler ; oser affirmer ses opinions…
- À l’image des « indignés », nombreux sont ceux qui agissent pour un monde plus juste.
Manifestation des « indignés » sur le parvis de la cathédrale Saint-Paul, en plein cœur de la City à Londres, le 2 novembre. (Photo de La Croix)
- Parmi eux, des chrétiens, contraints parfois à l’objection de conscience. Quelle obéissance fonde leur action ?
Partages injustes. Promesses non tenues. Punitions ou récompenses imméritées. Dès l’enfance, les raisons de s’indigner ne manquent pas. L’âge venant, elles s’élargissent à d’autres formes d’injustice, de violence et d’humiliation. Le mouvement des « indignés », qui s’est invité dans l’actualité, s’en fait le relais, à sa manière brouillonne.
« Nous voulons protester avec tous ceux qui, comme nous, savent au plus profond d’eux-mêmes qu’un autre monde est possible », expliquent dans un manifeste les jeunes chrétiens qui ont rejoint le mouvement à Wall Street. Cette indignation initiale ne peut cependant pas être le seul et le dernier mot. La minute de vérité, pourrait-on dire, c’est l’action. Chacun à sa mesure.
C’est ainsi que, parce qu’il voulait « oser risquer l’utopie, avec et pour l’homme » et contribuer à construire une société « plus solidaire, plus équitable et plus juste » que Germain Sahri, aujourd’hui âgé de 57 ans, a fondé il y a bientôt trente ans la communauté Emmaüs de Lescar-Pau, devenue l’une des plus importantes de France.
Le courage de s’engager
Lorsqu’ils s’engagent ainsi, les chrétiens le font souvent au nom de leur foi et par obéissance à Dieu. Quitte à ce que cette obéissance les mène à l’objection de conscience, à l’image du Christ qui s’oppose à tous les pouvoirs et apprend ce qu’il en coûte d’incarner à contre-courant l’obéissance du Fils unique. Toute l’histoire du christianisme est ainsi jalonnée d’actes de désobéissance par obéissance à Dieu.
« À chaque instant, dans chaque situation, je suis celui dont on requiert l’action, l’obéissance (…). Il me faut agir, il me faut obéir, il me faut être le prochain de l’autre », écrit par exemple, dans Le Prix de la grâce, le pasteur Dietrich Bonhoeffer qui, opposé au nazisme, fut condamné à mort et pendu en 1945.
Aujourd’hui encore, partout dans le monde, d’autres chrétiens cheminent à la suite de ces témoins. En France, ils sont nombreux ceux qui puisent dans l’Évangile et la doctrine chrétienne de l’Église le courage de s’engager. Non-violents mais obstinés, ils sont aux côtés des migrants en qui ils voient des « frères », découvrant peu à peu que « c’est le visage même du Christ vivant qu’(ils) rencontre(nt) ».
Désobéissance civile
Comme d’autres, y compris des familles, le P. Michel Durand, prêtre du Prado, curé de la paroisse Saint-Polycarpe à Lyon, héberge ainsi depuis plusieurs années des sans-papiers qu’il ne peut « en conscience » laisser dehors.
« La question de la désobéissance civile était déjà au cœur d’Antigone , la tragédie de Sophocle, rappelle-t-il. L’attachement au Christ la renforce. Comme prêtre du Prado, les pauvres sont mes maîtres. C’est la raison pour laquelle je prends le risque réfléchi d’être hors la loi. C’est aussi pourquoi j’ai participé à la fondation de l’association Chrétiens et Pic de pétrole, dans laquelle de jeunes chrétiens cherchent dans les sources chrétiennes des repères pour affronter les différentes crises que nous traversons. »
« La désobéissance civile est une décision individuelle, prise en conscience, mais elle doit s’inscrire dans une logique collective pour faire bouger les choses et faire changer la loi », précise François Soulage, président du Secours catholique (1).
L’avenir de l’homme compromis
Au nom de cette obéissance à Dieu librement consentie, d’autres n’hésitent pas à aller à contre-courant du monde et de ce qui semble pour beaucoup un progrès, chaque fois que l’avenir de l’homme leur paraît compromis. C’est le cas des médecins qui refusent de pratiquer une interruption volontaire de grossesse, en invoquant la clause de conscience.
Confrontés à des situations complexes et graves, notamment dans les domaines médical et bioéthique, beaucoup vivent cependant bien souvent l’inconfort d’un « double écartèlement éthique », selon l’expression utilisée par le professeur Christian Brégeon, ancien président du Centre catholique des médecins français, dans un texte d’une grande humilité titré « Le dilemme du médecin chrétien » et publié sur le site de l’association.
« Quand je suis sollicité par des parents pour donner mon avis après un diagnostic qui les oblige à faire un choix, explique le P. Philippe Deterre, prêtre de la Mission de France et maître de recherche au CNRS en immunologie, je commence par poser des questions et écouter comme le Christ qui demande aux pèlerins d’Emmaüs : de quel événement s’agit-il ? Puis j’indique les enjeux pour l’enfant, comme pour eux, et je donne les repères de l’Église, avant de rappeler ce que Jean-Paul II a redit sur tous les tons : le lieu de la décision humaine, c’est la conscience. »
(1) Auteur avec Geneviève Médevielle d’« Immigration. Pourquoi les chrétiens ne peuvent pas se taire » (Éd. de L’Atelier, 96 p., 10 €).
MARTINE DE SAUTO
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