L’évangélisation ne peut qu’être nouvelle, car elle est sans cesse Bonne Nouvelle.
St-Polycarpe. Inauguration de la 8ème Biennale
d'art sacré actuel. Lyon, septembre 2009
Il m’est arrivé d’entendre dire (et j’ai certainement déjà témoigné de cela en ce lieu) que la transmission de la foi ne posait aucun problème. En effet, il suffit que, dans une famille, les enfants voient leurs parents prier. Les enfants feront de même, étant spontanément instruits par les adultes. L’Église se forme par une action interne de diffusion de la foi.
L’histoire de l’Église et de la théologie nous montre, par contre, que la communication de l’Évangile ne se réalise pas toujours de la sorte. Il existe des jeunes qui n’ont jamais entendu parler, par exemple, de la résurrection, tout simplement parce que leurs parents ignorent cette réalité ou, la connaissant, affirment absolument ne pas y croire.
Constatant cette différence entre ceux qui ne savent pas ou ne croient pas et ceux qui adhérent au Christ et à l’Église, la tradition théologique a distingué deux modes d’action pastorale, celle ad intra et celle ad extra. Le disciple du Christ fidèle à son baptême et développant la mission confiée par Jésus : « prêcher la Bonne Nouvelle à toute la création » ne se comportera pas de la même façon s’il se trouve en pays conquis au Christ ou non. Mais, nous savons que les pays dits de chrétienté n’existent plus, ce qui invite fortement à réfléchir sur son mode de présence chrétienne dans le monde d’aujourd’hui.
En effet, aujourd’hui, quand un jeune adulte décide d’épouser les modes de pensées et les convictions des chrétiens, alors qu’il n’avait aucune référence de ce type dans son milieu familial d’origine, il s’avance vers le baptême et reçoit celui-ci à l’intérieure d’une communauté qui sera chaleureuse et pleine d’attention, sans avoir la possibilité d’en parler à ses proches. Souvent, il lui a été difficile, voir impossible d’en parler à ses propres parents. Et par respect pour ceux-ci, il est apparu non opportun de les inviter à la célébration liturgique du baptême.
D’où me viennent ces pensées ?
Tout simplement de conversations que j’ai eues cette semaine avec quatre personnes m’avouant leur difficulté à être acceptée dans la famille avec cette conviction que le Christ est plus qu’important dans leur vie ordinaire. Ces jeunes adultes n’en veulent pas à leurs parents de ne pas avoir été initiés dès l’enfance aux saveurs évangéliques, mais ils auraient bien apprécié être acceptés, sinon compris dans leur nouvelle démarche de foi. L’un deux me dit ne pas avoir réussi à passer l’information de son baptême sans une certaine maladresse, voire violence. Un autre me dit que son père, ne voyait pas comment son fils pouvait vivre avec des conceptions si différentes. Ce dernier, pour gagner en liberté, ressentait qu’il ne pouvait que rompre avec la famille. Un autre, à l’occasion du baptême de sa première fille, m’exposa la réaction de la grand-mère originaire du Chili : « on a été communiste toute notre vie, ce n’est pas maintenant que je vais entrer dans l’Église ». Il est alors bien difficile d’inviter les parents à la célébration d’un baptême, voir de son propre baptême.
En conséquence, sur un territoire précis, il me semble que les deux actes traditionnels de la mission ad extra et ad intra devraient être soutenus.
Quand le « public » se trouve majoritairement en dehors de l’Église, celle-ci risque fort de ne pas avoir de nombreuses demandes de sacrement. Elle sera alors en manque d’activités types « ad intra » d’où une faiblesse financière évidente. Mais nous savons qu’une pastorale ne peut se mesurer à la seule dimension d’autonomie financière.
C’est ce que j’écrivais il y a quelques semaines suite à certaines réunions parlant de la restructuration pastorale de l’arrondissement. La réflexion des théologiens allemands Le manifeste "Kirche 2011, Ein notwendiger Aufbruch" (" Église 2011 : un renouveau indispensable") me semble très opportune. Lisons :
§ 2. Paroisse
Les paroisses chrétiennes doivent être des lieux dans lesquels l’on partage des biens matériels et spirituels. Mais la vie paroissiale est en train de s’éroder. Sous la pression du manque de prêtres, on met en place des unités administratives de plus en plus grandes – des paroisses XXL -, dans lesquelles la proximité et l'appartenance peuvent à peine être ressenties. Les identités historiques et les réseaux de sociabilité construits au cours du temps sont abandonnés. Les prêtres sont «envoyés au casse-pipe» et s’épuisent. Si on ne leur fait pas confiance, les fidèles ne se décident pas à participer aux responsabilités et à prendre leur place au sein de structures plus démocratiques de direction de leur communauté. Le ministère ecclésial doit servir la vie de la paroisse, et pas l'inverse. L'Église a aussi besoin d’hommes mariés et de femmes aux ministères ecclésiaux.
Plus concrètement
Voici ma réflexion formulée à propos de la communauté paroissiale Saint-Polycarpe dont j’ai reçu la charge. Cela peut paraître très abstrait à celui qui ne connaît pas le quartier des pentes de la Croix rousse et ses engagements historiques. Je suis disposé à répondre à toutes les questions, car je pense très profitable d’élaborer une théologie pastorale à partir du vécu quotidien, de la pratique.
Ce qui existe désormais au centre de Lyon, Nord du deuxième arrondissement :
Le curé de la plus grosse paroisse (St Nizier) prendra en charge en septembre les paroisses de Saint-Vincent et de Saint-Paul. Il s’engage à respecter pour un an la méthode de catéchisme du diocèse utilisée de longue date par la catéchiste en place. Après cette année, il avisera ce qui est le meilleur et pourra opter pour la méthode qui lui est propre ; c’est-à-dire celle de la communauté de l’Emmanuel.
Ce qui se dit
St Polycarpe ne peut demeurer paroisse parce que c’est, selon la pratique ordinaire d’une paroisse, vraiment une trop petite paroisse. À l’issue de cette nouvelle année, il faut y mettre une communauté de prière (Moines de St Gervais, par exemple). Si on n’en trouve pas, les gens iront où ils veulent ; St Nizier est la plus proche. Il ne peut pas y avoir un prêtre desservant dans toutes les églises
On peut aussi unir St Polycarpe à St Bonaventure, sans que cela soit paroissial.
Ce que je dis
Indépendamment de ma personne, de ce que je ferai après St Polycarpe, j’estime que l’Église à Lyon se doit d’entretenir une présence ecclésiale orientée vers les personnes qui sont éloignées de l’Évangile et/ou de l’Église, les artistes, les militants, les associations humanitaires (RESF, CDS), l’homme, la femme en quête d’un spirituel quelque peu diffus… toutes des réalités fortement représentées sur le quartier.
Arts cultures et foi (ACF) bénéficient avec les engagements de Confluences-Polycarpe d’un ancrage missionnaire très concret dans l’agglomération. L’outil que représente St-Polycarpe est indispensable pour que soit réalisée cette mission.
Si une communauté se présente, il importe donc qu’elle maintienne les contacts de réseaux mis en place en lien avec ACF et qu’elle entretienne l’ouverture culturelle développée dans St Polycarpe.
La présence d’Église ad extra mérite d’exister au moins autant que la présence ad intra.
Que faire de mon avenir est-il demandé ? - Je ne suis pas disposé, pour le bien de l’Église et de l’Évangile, à abandonner pure et simplement, les contacts pastoraux acquis à la suite de longues années dans les divers réseaux artistiques et militants où je me trouve inséré. Or ces contacts ont besoin d’une incarnation ; celle qu’offre, actuellement l’outil St Polycarpe. Par ailleurs, collaborer avec un nouveau curé nécessite le partage d’une théologie commune.
ce qui revient très souvent
St Polycarpe ne peut pas durer comme paroisse, il faut arrêter cela, y mettre une communauté de prière ; tu ne peux pas rester ici indéfiniment. St Polycarpe à lui seul coûte trop cher.
Ce que je n’entends pas
la reconnaissance des activités d’évangélisation à partir des réalités humanitaires et culturelles, des réseaux actifs dans les personnes bénéficiant de l’infrastructure de St Polycarpe (Théâtre, Confluences, BASA, Cercle de silence, chrétiens et objection de croissance…), unique à Lyon. Si ce lieu n’est pas le meilleur, rien n’a été dit de concret sur l’endroit optimal.