LES RENCONTRES DE JESUS
Il aurait été mieux de publier cete article dans le ligne de Isaïe et Jésus
Enfin, le voici :
JESUS ET L’AVEUGLE DE NAISSANCE : Jn. 9,1 à 10,21
REMARQUES PRELIMINAIRES :
- La rencontre de l’aveugle de naissance par Jésus et les disciples n’est pas décrite pour elle-même : elle entre dans le genre « signe » à travers lequel il est révélé d’une part la parole messianique et divine et Jésus et d’autre part l’endurcissement des « juifs » incrédules.
- D’un « signe » à l’autre, il y a progression. Ainsi le paralysé de la piscine est handicapé depuis 38 ans … que depuis 38 ans ! l’aveugle, lui, n’a jamais joui de l’usage de la vue depuis sa naissance… depuis toujours. Quant au « signe » suivant, le 7è et dernier, le corps de Lazare mort repose au tombeau … depuis 4 jours déjà ! Jn. 11, 1-54.
- Malgré la progression des « signes » et quel qu’en soit le caractère inouï, l’intelligenzia des maîtres en Israël – les faux bergers ! – s’enfoncent dans le refus mortifère du vrai Berger et, en même temps, dans leur propre condamnation, cf. Jn. 9, 41.
- Le rôle que joue l’aveugle guéri, personnel et actif : celui d’un témoin dans sa chair et dans ses paroles, irrécusable, et exceptionnel dans l’établissement du « signe », le sixième !
- I. L’AVEUGLE DE NAISSANCE
De l’ensemble de sa situation, on peut retenir deux points :
1.1 Contrairement au paralysé de la piscine de Bethséda qui n’avait personne pour l’aider, lui n’est pas abandonné à son triste sort : il bénéficie encore et toujours de la présence confiante et solidaire de ses propres parents ; il est connu et reconnu par les gens du voisinage familial ; il est vu, sinon regardé, par beaucoup d’autres à sa place habituelle assis pour mendier.
1.2. Une suspicion pèse sur lui…
La situation précaire du mendiant est une chose, en définitive supportable ; la situation morale est une autre chose, plus difficilement supportable.
Sur lui et sa famille immédiate pèse une opinion de suspicion, répandue et admise dans la culture religieuse ambiante selon laquelle une infirmité quelconque, et, en particulier, la cécité, sont les fruits amers d’un péché initial, connu ou secret.
Les disciples eux-mêmes participent à cette manière de voir les choses. Mais ils ont eu le réflexe libérateur de s’en ouvrir à leur maître : « Rabbi, qui a péché pour qu’il soit né aveugle, lui ou ses parents. » v.2.
En revanche, les pharisiens eux radicalisent cette opinion et ils n’hésitent pas à déclarer péremptoirement à l’ancien aveugle, fût-il guéri : »Tu n’es que péché depuis ta naissance et tu viens nous faire la leçon ? » v. 34.
2. LA PREMIERE INTERVENTION DE JESUS
On peut l’analyser en cinq points :
2.1. Celle-ci, comme les précédentes est initiée par la proximité de Jésus qui peut regarder de près non pas pour contempler la beauté et la bonté de l’œuvre créatrice de Dieu, cf. Gn. 1,25, mais pour bien situer la place de son regard de re-création au bénéfice du corps humain amputé d’un organe essentiel : la vue.
2.2. Pour la première fois dans l’Evangile l’action est précédée d’une instruction adressée aux disciples, les premiers témoins, à savoir : la guérison sera manifestation de l’œuvre de Dieu opérée par celui-là même qui est la lumière du monde nouveau : celui de la re-création.
A eux seuls est confiée cette clé de lecture … pour l’instant.
2.3. Jésus commence par donner les soins infirmiers.
Il emprunte une thérapie coutumière à l’époque, à base de salive et de boue appliquées sur les yeux qui ne voient pas et, en l’occurrence, qui n’ont jamais vu. Thérapie de re-création à base de terre qui peut faire penser à l’utilisation de la glaise humidifiée par de l’eau lorsque Dieu créa l’homme : le modela à la manière d’un potier, Gn. 2, 7. Ici, la salive du Verbe incarné, Jn. 1, 14, remplace l’eau primordiale pour rétablir le corps d’un homme dans son intégrité originelle.
2.4. Enfin, il parle à l’aveugle : « va te laver à la piscine de Siloé »… Certes, ses eaux sont reconnues comme bénéfiques, depuis de nombreux siècles, cf.Is. 8, 6 ; Cependant, l’évangéliste interprête le nom de Siloé en « envoyé » les eaux de l’envoyé. Qu’il y ait une référence aux eaux baptismales, connues et pratiquées sacramentellement dans la primitive Eglise, c’est probable : le baptême étant conçu comme une illumination des yeux de baptisé.
2.5. Jésus et ses disciples disparaissent. Ils n’attendent même pas le retour de l’intéressé. Ce dernier sait dire aux autorités le nom de l’auteur de l’acte de guérison : celui qu’on appelle Jésus, v.11 ; mais il est incapable de dire où il s’est retiré, v.12. Ce qu’il expérimente, en sa chair remise à neuf, c’est la solitude au milieu de ceux qui l’interrogent, sans bienveillance .
3. TELLE UNE BREBIS ESSEULEE AU MILIEU DES LOUPS.
3.1. Les pharisiens
En l’occurrence les loups sont les pharisiens, qualifiés de faux bergers voleurs, brigands, mercenaires, dans la parabole du chapitre suivant, 10, 1.8.12. Entre eux l’unanimité n’est pas parfaite pour reconnaître l’origine divine du « signe » ou pour la rejeter, v.16.
Pour sortir du manque d’unanimité quant à l’interprétation du « signe », ils vont, dans leur malice, essayer de trouver des arguments pour nier l’existence historique du fait lui-même, par exemple : celui qui est là devant eux, voyant, est-il à identifier à l’aveugle, assis et mendiant ? ou bien est-il une autre personne qui n’a jamais été aveugle ? v.18 ; d’où convocation des parents, v. 19-22 ; l’intimidation, v.23 ; ultime interrogatoire du bénéficiaire du « signe », v.24 … et pour finir son expulsion, son excommunication : il est trop gênant, v. 34.
3.2. La brebis manifeste l’œuvre de Dieu.
L’aveugle n’a pas que découvert la vue matérielle des êtres et des choses. Il a acquis une intelligence remarquable – peut être acquise dans les eaux de Siloé, de « L’ENVOYE » ? – qui ne manque ni d’analyse théologique ni d’humour. Par exemple, tout-à-fait maître de lui, il peut poser la question aux pharisiens excédés : « N’auriez-vous pas le désir de devenir aussi ses disciples ». v. 27.
Il n’en finit pas de raconter le déroulement de la guérison à ceux qui l’ont connu aveugle, v.11 ; aux pharisiens, une première fois, v.15, peut-être une seconde fois, v.24-25. Il participe à sa manière, celle du témoin par excellence, à la manifestation de l’œuvre de Dieu, en l’occurrence inouie : « on n’a jamais entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux d’un aveugle de naissance ». v.32. Selon lui, les relations seules entre Jésus et Dieu peuvent rendre compte de cette exceptionnelle « œuvre », Jésus est « de Dieu », v.31. Il parle comme un vrai disciple, v.28, comme s’il avait entendu « l’instruction » donnée par Jésus aux siens avant d’entreprendre la guérison, cf. v.2 à 4.
4.LA NOUVELLE RENCONTRE …
A la différence de la première, v. 1-7, qui ne s’adressait qu’à l’aveugle, celle-ci s’adresse et à l’aveugle guéri, v. 35-39, et aussi aux pharisiens, 9, 40 – 10, 21.
4.1. Le motif suggéré du retour de Jésus auprès de l’homme est son expulsion par les pharisiens, les mauvais bergers d’Israël qui rejètent une brebis que le Bon Pasteur vient rejoindre, v.34 et 35.
4.2. Néophyte, la brebis est appelée à accueillir un complément au contenu de l’objet de la foi : le mystère déjà entrevu, du Fils de l’homme … Appel immédiatement entendu – comme les première parole d’aller se laver à la piscine de Siloë ! – et traduit en acte de foi : « Jésus Seigneur et il se prosterna devant lui ».
4.3. Désormais confidente, la brebis reçoit du Berger la révélation du « pourquoi » de sa venue dans ce monde, v. 39 ; 10,5.14.16. ; et en même temps, commence pour elle avec lui un chemin d’amitié, cf. Jn.15,15 dont le terme n’est d’autre que la VIE.
4.4. Présents à la rencontre, les pharisiens ont entendu les paroles que Jésus adressait à l’aveugle guéri et désirent un complément d’information : « serions-nous des aveugles nous aussi ! « La réponse sera développée à travers la parabole du berger, 10, 1-21. Sa réception sera des plus mitigées : « Ces paroles provoquèrent à nouveau la division parmi les « juifs ».
« Beaucoup d’entre eux disaient : il est possédé, il déraisonne pourquoi l’écoutez-vous ? Mais d’autres disaient : ce ne sont pas là propos de possédé ; un démon pourrait-il ouvrir les yeux d’un aveugle « Jn. 10,21.
CONCLUSIONS :
1) Jésus prend l’initiative de « passer », de voir, de s’approcher, de soigner avec les mains et la salive, d’envoyer l’aveugle à la piscine de Siloë… pour le guérir.
2) Il n’agit pas seul : il est accompagné de disciples. Il faut qu’ils voient, entendent tout ce qui est visible et audible d’une part, et, d’autre part, il faut qu’ils soient initiés à l’Invisible de l’œuvre de Dieu réalisée par leur maître le Berger dont ils seront les successeurs dans le temps.
3) En ce monde, il laisse le « voyant » désormais seul, devant les pharisiens, devant un monde hostile, haineux, cf. Jn. 15,18 – 16.4. non qu’il soit abandonné par le pasteur ! mais qu’il commence tout de suite l’apprentissage de la suite de Jésus et la participation à son itinéraire. Celui du Berger qui offre sa vie pour ses brebis, Jn. 10, 11.16.17.
4) La force qui lui assure la poursuite du chemin, c’est sa profession de Foi « je crois Seigneur et il se prosterna devant lui » 9,38.
5) Peut-être que la pastorale de préparation au baptême chrétien ; de réception du sacrement ; de l’accompagnement du néophyte serait le cadre indiqué pour se laisser guider par l’action de Jésus près de l’aveugle d’abord et du « voyant » ensuite.
R. Beauvery.