Pour un baptisé chrétien, se mettre à la suite du Christ n’est pas une option. C’est essentiel pour atteindre l’heureuse et joyeuse vérité
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Je suis très heureux d’avoir rencontré à la sortie de mon adolescence le texte d’Antoine Chevrier sur le Véritable disciple de Jésus-Christ. Comment, quand on veut obtenir le bonheur, ne pas être disciple de Jésus, le Christ ?
Pendant mes études théologiques, j’entendais parler de sequella Christi, une expression que l’on ne peut effectivement traduire avec exactitude en français. Ce mot évoque quand même la séquelle ; ce qui met les uns à la suite des autres, ou qui entraîne une conséquence, une suite. Avec le mot séquence, dans le contexte cinématographique, on pense à une suite de scènes qui se succèdent pour former un tout.
J’aime bien le mot séquelle, car il sonne à mes oreilles avec une grande légèreté. Il me semble (ai-je bonne mémoire, je ne prends pas le temps de vérifier) que la traduction française de l’œuvre du théologien allemand Jean-Baptiste Metz*, utilise le mot suivance. Je trouve vraiment trop lourd ce mot, mais n’exprime-t-il pas tout ce qui est en jeu ? « La suivance n’est pas réservé à des “spécialistes”, en l’occurrence ceux qui ont fait des vœux dans un ordre religieux », écrit Pierre-Yves Materne. (Voir cet article précédent)
J’ouvre aujourd’hui le Nouveau Testament en m’arrêtant sur cette invitation fondamentale lancée par Jésus qui demeure difficile sinon à comprendre, du moins à mettre en pratique.
« Qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi. Qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi. Qui ne prend pas sa croix et ne suit pas derrière moi n’est pas digne de moi. Qui aura trouvé sa vie la perdra et qui aura perdu sa vie à cause de moi la trouvera » (Mat. 10, 37-39).
Le mot « trouver » est ici à prendre dans le sens de « gagner, obtenir, se procurer ».
« Qui veut en effet sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera. Que servira-t-il à l’homme de gagner le monde entier, s’il ruine sa propre vie ? Ou que pourra donner l’homme en échange de sa propre vie ?» (Mat. 16, 25-26).
Je note encore que Jésus dit :
« Nul ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent » (Mat. 6, 24).
Se mettre à la suite de Jésus, être dans sa séquelle, c’est tout simplement choisir le domaine de l’amour, de la rencontre, de tout ce qui façonne l’être et perfectionne la qualité des relations interpersonnelles. C’est, en contre point, s’écarter de la tentation de tout posséder, d’avoir sans cesse plus, d’augmenter la taille de ses richesses matérielles, de refuser toute limite à ses productions et avoirs. Avec son A majuscule, servir l’Argent, c’est adorer un dieu Mammon qui n’est autre que le diviseur, celui qui sème le désordre.
« Alors Jésus lui dit : “retire-toi, Satan ! Car il est écrit : c’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, et à Lui seul que tu rendras un culte » (Mat. 4, 10).
Suivre l’Evangile du Christ dans cette perspective de renoncement aux biens matériels excessifs, accueillir la suivance du Christ dans son appel à vivre sobrement est, à mon avis, très important aujourd’hui afin de résister à la volonté politiques de dirigeants qui ne pensent qu’à augmenter sans cesse la croissance économique sans se soucier des misérables qu’engendre leurs décisions. L’accroissement des revenus de la terre n’est que l’accroissement de leur propre richesse. Contre la tendance à vouloir des greniers toujours plus vaste, Jésus invite à se mettre à sa suite, car la puissance qu’il propose est sans limite alors que accumuler des provisions est illusoire : c’est nuit même, Dieu te prendra la vie :
« Et il leur dit cette parabole : « Il y avait un homme riche, dont le domaine avait bien rapporté. Il se demandait : “Que vais-je faire ? Car je n’ai pas de place pour mettre ma récolte.” Puis il se dit : “Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j’en construirai de plus grands et j’y mettrai tout mon blé et tous mes biens. Alors je me dirai à moi-même : Te voilà donc avec de nombreux biens à ta disposition, pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence.” Mais Dieu lui dit : “Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ?” Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d’être riche en vue de Dieu » (Luc 12, 16-21).
Suivre Jésus, agir dans la ligne de son action, réinventer pour maintenant un mode de vie qui soit conforme à sa pensée, c’est mettre en œuvre la Bonne Nouvelle du salut :
« Porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, guérir ceux qui ont le cœur brisés » (Luc 4, 16-22).
Pour cela, il convient de s’abandonner à la Providence :
« C’est pourquoi je vous dis : Ne vous souciez pas, pour votre vie, de ce que vous mangerez, ni, pour votre corps, de quoi vous le vêtirez. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que les vêtements ? Regardez les oiseaux du ciel : ils ne font ni semailles ni moisson, ils n’amassent pas dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Vous-mêmes, ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? Qui d’entre vous, en se faisant du souci, peut ajouter une coudée à la longueur de sa vie ? Et au sujet des vêtements, pourquoi se faire tant de souci ? Observez comment poussent les lis des champs : ils ne travaillent pas, ils ne filent pas. Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’était pas habillé comme l’un d’entre eux. Si Dieu donne un tel vêtement à l’herbe des champs, qui est là aujourd’hui, et qui demain sera jetée au feu, ne fera-t-il pas bien davantage pour vous, hommes de peu de foi ? Ne vous faites donc pas tant de souci ; ne dites pas : “Qu’allons-nous manger ?” ou bien : “Qu’allons-nous boire ?” ou encore : “Avec quoi nous habiller ?” Tout cela, les païens le recherchent. Mais votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. Ne vous faites pas de souci pour demain : demain aura souci de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine » (Mat. 6, 25-34).
Dans sa course effrénée vers un « toujours plus », le monde d’aujourd’hui a vraiment besoin de comprendre l’appel à mettre l’absolu dans l’Amour de Dieu, appel à suivre Jésus-Christ de plus près, au lieu de croire que des techniques seront obtenus pour assouvir une soif sans limites de nouveaux biens matériels. Les écolos disent « moins de biens pour plus de liens » et ils ont raisons.
Suivons Jésus dans son invitation à vivre sobrement.
Suivons le en sachant vivre le détachement des membres de la famille car ceux-ci peuvent nous entrainer hors du chemin du Christ. Et les liens familiaux ne sont pas à absolutiser puisque seul Dieu requiert un amour absolu.
Suivons le jusqu’à prendre sa croix, c’est-à-dire ne pas se dérober devant le martyr s’il se présente.
J’ai toujours eu de mal à comprendre ce verset et je n’ai pas souvenir d’en trouver une explication auprès des exégètes. Les notes de la Bible de Jérusalem n’en disent rien. De quelle croix s’agit-il ? Est-ce l’instrument de mise à mort que le pouvoir romain réservait aux esclaves, aux étrangers qui n’étaient pas citoyens de l’Empire ? La guillotine ou la chaise électrique de cette époque ? Mais comment Jésus savait-il qu’il serait exécuté de la sorte sur une croix ? Il me semble que les évangélistes, pour souligner l’absolu de la suivance du Christ, place la réalité de la croix mortel afin de montrer clairement les exigences de la mise à la suite du Christ. L’absolu de Dieu impose qu’on lui donne sa vie fut-ce de manière violente comme le montraient, autour de Jérusalem à l’époque du Christ et de ses disciples, les croix, tronc d’arbre fixé à l’horizontal sur un pieu vertical planté en terre. Suivre Jésus jusqu’au bout comme Jésus lui-même alla jusqu’à rendre le souffle sous la condamnation des hommes.
« Alors Jésus leur déclare : « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit.
Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. Maintenant mon âme est bouleversée. Que vais-je dire ? “Père, sauve-moi de cette heure” ? – Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père, glorifie ton nom ! » Alors, du ciel vint une voix qui disait : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. » En l’entendant, la foule qui se tenait là disait que c’était un coup de tonnerre. D’autres disaient : « C’est un ange qui lui a parlé » (Jean 12, 23-29).
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* « La théologie fondamentale pratique de Metz repose sur une alliance entre la mystique et la politique qui se vit sur le mode de la suivance ». Pierre-Yves Materne, La condition de disciple, p. 61
Lire aussi :
« Il leur disait à tous : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera. Quel avantage un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il se perd ou se ruine lui-même ? Celui qui a honte de moi et de mes paroles, le Fils de l’homme aura honte de lui, quand il viendra dans la gloire, la sienne, celle du Père et des saints anges (Luc 9, 23-26).