Une Église nait de la présence active et aimante de ses membres fussent-ils des étrangers contraints au refuge loin de chez eux
Samedi 15 octobre 2016. Helsinki.
Je veux être prudent. Je dis : « il me semble », mais en fait je pense : « je suis certain ». Oui, il me semble que ce samedi 15 octobre de l’année 2016, dans la plus grande église d’Helsinki, nous avons vécu un très grand moment historique.
Pour le culte catholique à Helsinki, capitale de la Finlande, il y a deux bâtiments-église, la cathédrale (très petite en taille) et l’église Sainte-Marie, un peu plus grande. L’église Sainte-Marie était pleine de fidèles chrétiens. Il y avait trop de gens debout. L’évêque catholique du lieu, Mgr Teemu Sippo a ordonné prêtre Léonard et Jean-Claude, deux hommes originaires d’Afrique. Cameroun et Rwanda.
J’étais présent en ce lieu pour me trouver physiquement auprès de Jean-Claude. Face au trajet à faire, pendant de longs jours je me suis dis que l’union par la prière, la proximité par la pensée serait suffisante. Mais je me suis heureusement décidé à faire le pas, malgré les signes d’une grippe visiblement disposée à me terrasser.
Nous avons vécu un moment historique !
Dans cette petite é(E)glise, des chrétiens venant du monde entier étaient là. De Chine, d’Italie, d’Amérique, d’Afrique… Toutes les langues (ou presque) étaient parlées. Chants, danses, prières, lectures, commentaires relevaient de cultures différentes, et le tout se développa dans une merveilleuse harmonie. Il faut dire, sans tricher, que la cérémonie fut sérieusement préparée. Quelle belle qualité du chant ! Les quelques prêtres « blancs » qui étaient là ne pouvaient que se laisser emporter par les expressions musicales venues d’au-delà de la Méditerranée et du Sahara. Autrement dit, l’universalité de l’Église manifesta au nord de l’Europe, terra quasi incognita, toute sa splendeur.
Et qui apporta cette suppression des frontières ?
Pour répondre à ma question, je me place du côté de Jean-Claude : un petit peuple de Rwandais ayant dû fuir sa terre natale, parcourant des milliers de kilomètres, pour échapper, dans la mesure du possible, aux méfaits attisés par les présences occidentales « colonisantes ».
L’Église du Christ n’est pas romaine. Elle est « du Christ ». Elle n’est ni grecque, ni russe, ni bulgare, ni gallicane, ni anglicane. Elle est catholique ! Cela veut dire qu’elle ne peut plus n'être que romaine puisqu’elle est universelle. Vraiment, je ne comprends pas que l’on puisse encore parler d’Église catholique romaine.
Beaucoup de théologiens, de penseurs, de princes d’Églises et/ou d’États parlent d’œcuménisme, d’universalité de l’Église. Les symposiums et colloques, conciles ou réunions de prières se multiplient. La tendance à rester entre soi selon ses anciennes puissances historico-impériales demeure. Les pauvres, les petites églises, les communautés étrangères restent à la marge. Or, ce samedi 15 octobre, c’est à partir d’un petit groupe de réfugiés que la catholicité de l’Église du Christ manifesta toute sa réalité sur une terre finlandaise plutôt inconnue des Européens. Saint-Pétersbourg est connu. Suède et Norvège sont citées. Ne parle-t-on pas plutôt que très rarement de la Finlande ? Seulement 5 millions d’habitants. Or, c’est sur cette terre de forêt boréale, au rude climat hivernal que sont venus* du centre de l’Afrique orientale des fidèles du Christ et que se dévoilât le visage de la catholicité de l’Église. Il se découvrit pleinement au moment où l’un des siens, après des années de voyages incertains, de mutations involontaires et d’enracinement assumés, accepta de faire le pas afin d’être dans le presbytérat, un autre christ. Autrement dit : une communauté de réfugiés, dans une Église minoritaire en terre luthérienne, accompagnant dans la suite du Christ –Sacerdos alter Christus- l’un de ses fils, exprima selon sa culture accueillie par tous la catholicité de L’Église. Celle-ci ne peut plus être que romaine.
En cela donc, je ressens que cette journée fut historique. Ce n’est pas à partir des chefs d’Eglises que le mouvement ascendant s’accomplit, mais du peuple.
* non par choix,