Pour ne pas troubler les jeunes, faut-il nier les fruits d’incarnation mis en évidence par Vatican II ? Restaurer le piédestal sacerdotal ?
28 septembre 2016 : Le pape François rencontre des séminaristes venant du Séminaire pontifical français de Rome, lors de l'audience pontificale hebdomadaire qu'il conduit au Vatican. / M.MIGLIORATO/CPP/CIRIC
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* voir ci-dessous le commentaire qui l’accompagne
À l’issue de la rencontre annuelle du Prado, anniversaire de la naissance de la famille pradosienne un 10 décembre, parlant avec diverses personnes et rassemblant divers souvenirs, une fois de plus m’est venu à l’esprit cette question : l’Église ne peut-elle être qu’opportuniste ?
Je précise que, dans le mot Église ici employé, il est davantage question des cadres de l’Église que de l’ensemble de membres baptisés. Autrement dit, l’Église vue dans son Institution.
1 quelques définitions
L’opportunisme est « l’attitude consistant à régler sa conduite selon les circonstances du moment, que l’on cherche à utiliser toujours au mieux de ses intérêts » (Larousse). « L'opportunisme est une conduite qui consiste à tirer le meilleur parti des circonstances, parfois en le faisant à l'encontre des principes moraux ». C’est un courant politique qui s’est développé à l’époque de Jules Ferry (fin XIXe siècle) se caractérisant par la recherche du soutien populaire pour soutenir des réformes. Il s’opposait ainsi au radicalisme.
Le radicalisme est l’attitude d’esprit marquée par la doctrine soutenue par « ceux qui veulent une rupture complète avec le passé institutionnel » (Larousse). Cela manifeste une intransigeance absolue.
Dans ma jeunesse, via le milieu familial, j’ai régulièrement entendu dire que l’Église n’était qu’opportuniste. Il n’y avait pas de vérité en elle, mais des alliances selon les circonstances. De Pétain à de Gaule pour demeurer du bon côté. Ainsi, le rebelle, le terroriste devient un vaillant combattant, si la cause qu’il défend rencontre le bonheur de la victoire de son chef. Mon père disait : « chez les curés, il n’y a qu’une chose de bon, leur cave à vin ». Terroriste avec Pétain. Héros avec de Gaulle.
Si l’on est trop dans le pragmatisme opportuniste, quelle place laisse-t-on à la Vérité ? Mais, si l’on s’accroche trop à la Vérité comment ne pas sombrer dans l’aveuglement de l’intransigeantisme qui ouvre les portes à l’intégrisme ?
Laxisme ou intransigeance ?
Pascal souleva la question dans sa critique du laxisme des casuistes (jésuites des Provinciales). À mon avis, la question demeure. Dans les Pensées, il écrit : « Il faut donc que la vraie religion nous enseigne à n’adorer que lui et à n’aimer que lui. Il faut n’aimer que Dieu et ne haïr que soi ». L’attachement à Dieu, au Christ serait la seule réponse. Est-ce que cela provoque à l’intransigeance ? Si je me pose cette question au sein de l’Église, je me la suis également posé en dialoguant avec des écologistes radicaux découvrant la force de l’Évangile, notamment à propos de la condamnation du Dieu argent, Mammon. Il doit y avoir alors, quelque chose de fondamental. En tout domaine, vouloir à tout prix le vrai, le juste, le bon, le bien et entrer en intransigeance ou accepter les errements et s’enliser dans le laxiste laisser faire ?
2 – Impossible transition pastorale d’une génération à une autre
Suite à des échanges concernant dans l’Église les difficultés, voir les impossibilités, d’unir les générations, je m’interroge donc de nouveau face à cet éternel dilemme de l’entente des vieux et des jeunes,
Quand des anciens réveillés par le Concile Vatican II dans leur attachement au Christ décident un colloque pour réfléchir l’avenir de l’Eglise (je pense au colloque à Lyon de la Conférence des Baptisés de France, Eglise 2030) les jeunes du groupe Altercathos invités à témoigner n’ont pas souhaité venir. Dans l’autre sens, quand les Altercathos invitent, est-ce que la génération Vatican II se présente ? Le constat est qu’il n’y eut aucun de moins de 60 ans –et je suis large dans l’estimation des âges- à la rencontre sur l’Église en 2030 organisée par la CBF.
Dans les réunions chrétiennes qui regroupent les aînés de l’Eglise, souvent le constat est formulé (y compris par des prêtres) que les jeunes (laïcs et clercs ou religieux) ont désormais plus tendance à citer le concile de Trente que Vatican II.
La mode n’étant plus à l’enfouissement, à l’incarnation dans un peuple, une culture, un courant d’opinion, etc… mais à l’affirmation de l’identité catholique avec se lois et pratiques, pour gagner la confiance et l’adhésion des jeunes génération en quête de certitude, faut-il se convertir à leur mode de pensée, quitte à employer un vocabulaire entièrement puisé dans la valise des libéraux de l’économie libérale étatsunienne ? Je cite en exemple et preuve au service de ma réflexion le vocabulaire utilisé par la Lyonnaise pastorale des jeunes : open church, alive campus, food truck le Syac, retour garden party, draw my live, swag et sainternet etc.
« Les jeunes parlent comme cela alors on s’adapte ». Incarnation ou compromission ?
Les jeunes séminaristes veulent des structures, des liturgies suivant à la lettre le rite. Improviser ? Ce serait alors sortir du sacré. Agir avec la liberté et la simplicité du langage quotidien, ne pas solenniser le culte, le vivre comme dans un dialogue en famille ? Ce serait ne pas répondre à l’attente du Christ. De Jésus-Christ ou d’une certaine institution ecclésiale ?
Les années pastorales des Petits frères et petites sœurs de Jésus sont terminées. L’enfouissement d’une Madeleine Delbrel n’a plus court. Et les religieu(ses) âgé(e)s s’entendent signifier par les membres des communautés nouvelles, de l’agneau, shalon, du puits de Jacob, des Apôtres de la paix, de l’Emmanuel… : mais que faites-vous encore là, pourquoi parlez-vous ainsi toujours de témoignages silencieux. Nous sommes là, bien visibles, jeunes et dynamiques ! Vous pouvez disparaitre.
Devant la difficile rencontre intergénérationnelle, je ne peux oublier de penser que me mettre au goût du jour -besoin d’un cadre qui s’impose à toute initiative personnelle- serait une compromission opportuniste.
En bref. Pour ne pas déplaire aux jeunes, il conviendrait d’abandonner certaines convictions forgées dans la fréquentation de l’Évangile. Je place en cette phrase la conclusion de ma réflexion afin d’ouvrir sur l’invitation à revivre intensément les révisions de vie selon la pédagogie de la très vieille action catholique, celle qui a forgé, en partie, Vatican II.
*Commentaire de Thegonnec 10/12/16 - 15h24
Et bien si la photo qui « illustre » votre article figure le prêtre de demain tel que notre église souhaite le former, nous avons du souci à nous faire. Ces hommes isolés, ensoutanés, sûrs d’eux, confits en dévotion, à la mine compassée reflétant davantage un pouvoir clérical sacralisé plus qu’un service de la Parole-en-acte dans l’eucharistie me sidère. C’est exactement l’image d’abbés dont nous ne voulons plus et qui n’a heureusement d’ailleurs strictement plus aucun avenir autre que de satisfaire ceux qui sont déjà rassemblés, abrités au chaud dans la bergerie. Très loin de la périphérie. Il serait bien que La Croix choisisse des images pertinentes, pas redondantes avec le texte, mais pas non plus en contradiction totale. C’est étonnant, car elle le fait excellemment d’ordinaire et bien mieux que bien des quotidiens.