D’Algérie. Mes rencontres avec les migrants. Un frère à aimer. Comment ces paroles se mettent en pratique dans le concret des rencontres ?

Publié le par Michel Durand

Niger: 34 migrants dont 20 enfants morts dans le désert en tentant de rejoindre l'Algérie

Niger: 34 migrants dont 20 enfants morts dans le désert en tentant de rejoindre l'Algérie

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Je termine aujourd’hui d’écrire les témoignages reçus d’Algérie. Il y a d’abord eu celui qui disait que les pays du nord ne vivaient égoïstement fermés leurs frontières. Puis est venu le récit d’un jeune Burkinabé qui, tout simplement voulait découvrir d’autes pays. 
Enfin un récit montrant la dignité de ceux qui vivent dans de grands dénuements.

Je donne maintenant à lire les témoignages de chrétiens recevant en Algérie des gens du sud du Sahara

Depuis cinq ans, j'ai pu dialoguer avec une quinzaine de migrants, et un peu -en arabe- avec deux familles nigériennes mendiant sur les trottoirs de Sétif : « Il y a deux ans, tu m'avais dit au-revoir la veille de ton rapatriement au Niger. Pourquoi es-tu revenu maintenant ? »
« Tu sais, au Niger, presque tout le monde a faim et même en mendiant toute la journée on ne peut pas acheter un petit repas pour les enfants et leur mère, tandis qu'en Algérie les gens sont généreux et le Croissant Rouge nous emmène tous les soirs dormir à l'abri du froid. »
Mais j'ai pu aller plus loin dans mes échanges avec Camerounais et Nigérians détenus dans les établissements pénitentiaires de mon secteur, où je me rendais tous les quinze jours : 7 hommes et 3 femmes dans l'un des centres, 3 hommes dans l'autre. Le directeur et les gardiens nous permettaient de nous réunir dans une petite salle pour prier ensemble, puis je pouvais dialoguer avec chacun individuellement dans un petit parloir, lui donner parfois des nouvelles de sa famille si nous avions eu contact par téléphone ou internet, et échanger sur ce qui l'avait touché dans la Parole de Dieu dans ces quinze derniers jours. Ces dialogues ont créé un lien très fort entre nous et c'est moi qui en profite maintenant qu'ils me savent « en petite forme ». Mi-janvier, j'ai ainsi reçu deux lettres écrites début décembre dont j'extrais quelques lignes :
d’Éric : « Mon Père, je suis triste de ne plus vous voir, mais le P. Roland nous a dit hier que vous irez peut-être à la réunion nationale des aumôniers début février. Alors je vous demande de leur dire toute ma reconnaissance pour leur écoute et leur attention, pour l'amour et la lumière que leurs visites nous apportent dans ces moments difficiles que nous traversons... » 
de Katrin : « Bonjour mon Père, je te souhaite Joyeux Noël, bonne et heureuse année... Je viens de relire, dans Mt 2, 23 'La Vierge enfantera un fils, on l'appellera Emmanuel, Dieu avec nous' alors je prie chaque jour pour que le Seigneur soit avec toi, avec ta famille, avec ceux qui souffrent dans tous les hôpitaux et les prisons du monde. Ta fille Katrin. »

P. Maurice Moreaux


Migrants ou expatriés ?
Beaucoup de gens quittent leur pays pour un autre, en recherche d'une vie meilleure. Ils ont souvent de réelles compétences, et les mettent utilement au service de leur pays d'accueil. S'ils ont un bon passeport, ils sont les bienvenus, ils peuvent entrer avec un visa, obtenir un titre de séjour et être payés correctement. On les appelle des « expatriés ».
S'ils n'ont pas un bon passeport, ils ne peuvent obtenir de visa et de titre de séjour, on leur reproche d'être là, et ils sont mal payés. On les appelle des « migrants ».
Avons-nous raison dans nos communautés chrétiennes d'utiliser ces distinctions ?


Vus de Batna

Un frère à aimer et à aider. Tout à fait d'accord. Reste à voir comment ces belles paroles se mettent en pratique dans le concret des rencontres.

Si Batna n'est pas une ville de résidence habituelle pour les migrants isolés, elle est pour eux une halte vers une destination encore hésitante : aller plus loin ou repartir au pays d'origine ? Souvent nous sommes étonnés qu'ils nous demandent de l'argent pour repartir vers Tamanrasset alors que, déjà, ils viennent du Sud. Les a-t-on mal orientés ? Ou ignorent-ils la géographie de l'Algérie ?
Lorsque l'un d'eux sonne à la porte de la paroisse, il est assez vite repérable : par sa manière de se présenter, par son âge, plus assez jeune pour être un étudiant. Ce jour là, je suis d'accueil. Je me dois de le recevoir le mieux possible.
Tout d'abord est-il francophone ? Si oui, sa demande est comprise sans ambiguïté : il veut de l'argent pour prendre un moyen de transport.
Après l'avoir écouté énoncer sa situation critique, ma première réaction est de lui expliquer que nous n'avons pas assez de moyens pour répondre à ses besoins et de l'inviter à aller voir à la mosquée ou au service du Croissant-Rouge. En général il les connaît mieux que moi et me dit qu'il a justement été orienté ici parce qu'il est chrétien.
Je lui propose de se restaurer : une boisson chaude est toujours appréciée, mais sa vraie demande porte sur de l'argent liquide et quelquefois sur des habits surtout au début de la saison froide.
À bout d'arguments, il m'arrive de faire appel à une personne amie présente dans la maison pour mieux discerner et évaluer la pertinence de nos résolutions antérieures. Force est de constater que nos frères algériens sont souvent plus réticents que nous. Notre réponse dépend pour beaucoup du nombre de visites semblables au cours de la même semaine et quelquefois dans la même journée. Bien sûr il arrive que notre nouvel ami reparte réconforté. Nous pouvons aussi nous quitter en baissant la tête : lui retrouvant son errance, sans doute un peu déçu de ne pas avoir obtenu autant qu'il le souhaitait ; moi, reprenant mes activités, un peu penaude face à mes maladresses en pensant à toutes les exhortations générales sur l'accueil des migrants, même si je continue à les lire et à les apprécier. Plaise à Dieu qu'elles m'inspirent un comportement toujours plus aimant et plus ajusté à chacun.

Hélène

Publié dans Eglise, Politique, migration

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