Le problème le plus criant est pour ceux qui ne sont pas reconnus comme mineurs. Ils ne disposent d’aucune ressource & ne peuvent que rester
L’anniversaire d’un jeune mineur isolé entouré, entre autres, du père Wender (à g.). / Pascal Bastien pour La Croix
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Je viens de lire dans le quotidien La Croix, le témoignage de l’aumônerie étudiante de Strasbourg. J’en retire une grande joie. Il est beau de voir que cette paroisse universitaire s’est organisée pour devenir un havre des mineurs isolés. Je ne vois rien de tel à Lyon. Et pourtant, je connais des bâtiments paroissiaux, des locaux d’aumônerie ou d’Institutions religieuses sous occupés.
Je pense souvent au Liban. Pour accueillir leurs voisins syriens qui se comportèrent pourtant dans un passé récent comme leurs ennemis, ils poussèrent les meubles dans des coins afin de dégager de la place. C’est un collègue pradosien du Liban qui s’exprime ainsi pour parler de l’accueil des communautés religieuses de diverses confessions.
Je donne à lire cet article, car il montre bien comment il est possible de s’organiser pour mettre en pratique l’Évangile. Dimanche 13 janvier, j’inviter à cela dans mon homélie. Il se peut que cela n’ait pas plu à tout le monde. J’ai constaté que trois personnes sont sorties pendant ce temps.
Voici l’article de Élise Descamps, à Strasbourg (Bas-Rhin)
La paroisse universitaire de Strasbourg, havre des mineurs isolés
Le centre Bernanos, siège de l’aumônerie étudiante de Strasbourg, héberge une trentaine d’adolescents ayant fui leur pays, et non pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance. Un engagement qui fédère 200 bénévoles parfois très éloignés de la foi.
« Je suis né le 25 du troisième mois de 2003 ». À Strasbourg, ce mercredi après-midi, Mamadou, Malien de 15 ans, s’entraîne à écrire et lire son nom, d’où il vient, sa date de naissance, avec Marie, orthophoniste retraitée. Dans la grande pièce voisine, une poignée de trentenaires – illustratrices, auteure jeunesse, médecin… – et étudiants sortent guitare, feuilles et crayons. Nele, étudiante allemande de 18 ans, joue au Uno avec Mohamed. Un couple de bénévoles est venu avec ses enfants en bas âge, qui donnent le sourire aux jeunes réfugiés…
Une ruche de bonnes volontés
Depuis deux ans, le centre Bernanos, local de l’aumônerie des étudiants de Strasbourg, et foyer de onze chambres louées à des étudiants catholiques, en plein quartier universitaire, bruisse d’une activité supplémentaire : l’accueil de migrants adolescents venus seuls en France. La solidarité était déjà dans son ADN : y sont distribués chaque semaine 200 colis alimentaires à des étudiants en difficulté. Désormais, on y est habitué à côtoyer toute l’année de jeunes réfugiés, pour la plupart africains.
« Un jour d’hiver, Joseph, Camerounais de 15 ans, m’a demandé l’hospitalité. Il dormait dans la rue. J’ai alors découvert la problématique des mineurs isolés. Je lui ai installé une chambre dans une petite pièce. D’autres sont arrivés », raconte le père Thomas Wender, curé de la paroisse universitaire, fusion il y a un mois de l’aumônerie et de la communauté de paroisse du quartier de l’Esplanade.
De fil en aiguille, la pièce servant de chapelle aux étudiants s’est transformée en dortoir, avec des matelas posés au sol, deux lits superposés ont investi une petite pièce supplémentaire, et des casiers à clé ont été mis à leur disposition. En plus de ces 28 hôtes, de 15 à 18 ans, cinq sont accueillis dans des familles. À Strasbourg, le centre Bernanos est le seul lieu d’hébergement pour les recalés de l’Aide sociale à l’enfance. Le conseil départemental lui-même y oriente certains jeunes. Et les bénévoles soutiennent, avec Themis, l’association dédiée, les recours juridiques contre le Département !
Garder l’esprit du provisoire
« Au bout de dix minutes, sans nous examiner, le conseil départemental nous a estimés majeurs. Après tout ce que nous avons subi pendant notre voyage, que ferions-nous sans le père Thomas ? », confient Mohamed et Ibrahima, accusant une baisse de moral. Le sourire revient à l’évocation du collège et du lycée, qu’ils doivent commencer le lendemain. Grâce à un étroit accompagnement, une vingtaine de jeunes ont pu être inscrits, majoritairement en établissements privés catholiques. « Dans un établissement très coté, la mère d’un camarade de classe ayant des responsabilités à la BNP a obtenu des fonds de la banque. Cela va nous être utile », loue le père Wender.
Un camp islamo-chrétien
Membres de l’aumônerie, paroissiens, mais aussi de très nombreuses personnes éloignées de l’Église grossissent sans cesse les rangs des 200 bénévoles, répartis en commissions – alimentation, soutien scolaire, loisirs… – où ils unissent compétences et réseaux. Aller chercher des denrées à la banque alimentaire, proposer des randonnées dans les Vosges ou sorties culturelles, organiser des moments conviviaux, plancher sur les dossiers juridiques, aller rencontrer des députés européens, mener campagne pour récolter des dons… : autant de besoins qui s’organisent suite à une grande réunion publique organisée par le père Wender. Et certains retrouvent le chemin de l’église, attirés par cette atmosphère de solidarité.
« Cette action soude notre communauté paroissiale. Je constate une envie forte de passer à l’acte. Et ici règne l’esprit d’initiative », commente Marie-Hélène, paroissienne engagée.
Cet été, un camp islamo-chrétien a été organisé pour souder les liens entre les jeunes réfugiés et ceux de l’aumônerie. Tous se retrouvent après la messe des jeunes du dimanche soir pour chanter danser et partager des tartes flambées, avec le souci d’en confectionner une partie sans lardons. Et ceux qui obtiennent finalement une prise en charge par le Département gardent le centre Bernanos comme port d’attache. Ajmir, l’Afghan, a même obtenu, selon son souhait, d’être placé par l’aide sociale à l’enfance… au presbytère, le père Wender reconnu comme son tiers digne de confiance.
Les recalés de l’aide sociale à l’enfance, les plus fragiles
Les « mineurs isolés non accompagnés » sont des migrants n’ayant aucun responsable légal sur le territoire français. En tant qu’enfants, ils ne dépendent pas des règles d’entrée et de séjour des étrangers et ne peuvent être expulsés. S’ils sont reconnus comme mineurs, l’Aide sociale à l’enfance, service des conseils départementaux, les prend en charge, en les hébergeant dans des centres départementaux de l’enfance, ou en hôtel, notamment. Le problème le plus criant est pour ceux qu’elle ne reconnait pas comme mineurs. N’entrant pas non plus dans les dispositifs de demande d’asile, ils ne disposent d’aucune ressource.
Élise Descamps, à Strasbourg (Bas-Rhin) - La Croix