Dieu se trouve du côté des sans-grandeurs, des sans-puissances, des sans-raisons, Dieu que révèle la faiblesse, la sienne. Et Dieu vainqueur
« Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » (Lc 19, 28-40)
« Je n’ai pas caché ma face devant les outrages, je sais que je ne serai pas confondu » (Is 50, 4-7)
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? (Ps 21, 2a)
« Il s’est abaissé : c’est pourquoi Dieu l’a exalté » (Ph 2 6-11)
Passion de notre Seigneur Jésus Christ (Lc 23, 1-49)
Deux liturgies, deux rituels pour ce dimanche des Rameaux, 5e dimanche de Carême avant la semaine sainte qui va se conclure par la célébration de la résurrection du Christ : veillée pascale et jour de Pâques.
Vendredi saint. Terrible journée ; terrible nuit où toute espérance est morte.
Je me sens appelé aujourd’hui à regarder l’Église, à regarder notre Assemblée dans ce quartier de Lyon en me situant au plus profond de la nuit noir suivant l’arrestation et la condamnation à mort de Jésus, Fils de Marie et Verbe divin fait chair pour nous parler avec nos mots humains.
Qu’avons-nous entendu ? Qu’avons-nous compris ? Que pratiquons-nous de la saveur évangélique ?
Oui, à la suite de la proclamation de l’Évangile de la Passion, me voilà au plus noir du noir du Vendredi saint. La désespérance la plus complète.
http://www.enmanquedeglise.com/2015/04/un-dieu-qui-meurt-d-amour-demande-un-acte-de-foi-absolu-alors-que-nous-sommes-au-plus-noir-de-l-abandon-d-un-vendredi-saint.html
Cette pensée me vient d’Émile Granger, prêtre éducateur à Saint-Etienne dans les années 80 qui partageait à 100 % la vie de jeunes délinquants. Il disait :
« Je contemple cette scène de l’Évangile où Pilate fait revenir au prétoire celui qu’on lui a livré : “Ecce Homo”, voici l’homme, celui de tous les temps qu’on peut bafouer et qui est mis à mort, Jésus solidaire de nous tous à cette heure-là et dans les siècles ».
« Dieu, du côté des sans-grandeurs, des sans-puissances, des sans-raisons, Dieu que révèle la faiblesse, sa faiblesse. Et cela non à cause d’une théorie, mais d’un cadavre pantelant ».
Le Seigneur Jésus est serviteur, “esclave”, jusque dans le mode de sa mort. Et, nouveau paradoxe, c’est justement cet état d’esclavage, de sous-humanité aux yeux des citoyens de l’époque, qui le manifeste complètement humain. Ce n’est pas seulement nos idées sur Dieu qui sont bousculées, mais bien aussi nos idées sur l’humanité.
Le père Émile Granger disait : « Mes compagnons de route m’ont fait davantage comprendre ce visage étrange d’un Dieu qui est tellement démuni. Seule la foi peut le soutenir, mais c’est son message. “Le Christ ressuscité ne meurt plus” ».
Au regard sur ce condamné à mort, j’associe le regard que je porte aujourd’hui, sur l’Église mondiale et ses déviances. Regard sur l’ensemble de l’humanité, sur une Europe qui place des lois économiques au-dessus de l’accueil de tout homme.
Il y a 9 ans, Pierre Lathuilière, dans son homélie du dimanche des Rameaux, s’exprimait en termes presque semblables :
Oui, il y a un problème de pédophilie… Oui, il y a un problème du célibat des prêtres… Oui, il y a un problème plus fondamental encore à savoir la parole même de l’Église ». Oui, depuis les premiers temps de l’Église, depuis les apôtres cette parole est dévaluée par l’indignité de ceux qui la proclament.
Prenons-en pour preuve l’incohérence rencontrée à la porte de Jérusalem entre une foule d’amateurs de Jésus, le Messie de Dieu - Dimanche des Rameaux (des palmes), et une foule réclamant sa mise à mort. Dimanche de la Passion.
Regardons ce crucifié. Un moulage, je pense, en bronze (ou autre métal), qui date de l’époque de la mise en place de l’autel ; symbole du Christ, fait de béton, une matière peu noble posée sur une pierre blanche de belle qualité.
Le crucifié. Son corps est chétif. Sa tête frêle. Ses bras ne sont pas musclés. En fait, on ne les voit pas, car, ce crucifié est habillé. Il porte une tunique. Celle du prêtre, l’unique grand-prêtre qui intercède chez Dieu au bénéfice de toute l’humanité. Il est faible. Sans arrogance. Nous sommes au plus profond des profondeurs du Vendredi saint. Au plus noir de la nuit d’un humain. Détresse absolue. Il est anéanti, mais il ouvre ses bras. Il accueille malgré sa faiblesse -ou grâce à se faiblesse- toutes personnes, la tête haute.
Mort il est le vivant salvateur. Je vous invite à bien observer que ses bras ne sont pas en V mais à l’horizontale dans la position du Père accueillant sans triomphalisme les uns et les autres, ses créatures.
Si nous acceptons la désespérance parce qu’elle est bien présente, nous n’en restons pas là. Suite à l’anéantissement, nous répondons à l’appel que Dieu nous adresse de nous retrouver dans la gloire de son éternité.
Regardons dans la croix de l’échafaud la gloire que le Créateur nous offre. Antoine Chevrier le dit :
« Nous ne sommes pas des êtres abandonnés par Dieu. Nous avons un Dieu qui est véritablement un Père, qui aime ses enfants et veut les instruire et les sauver » (VD, p. 61-63).
La croix est finalement une croix glorieuse.