Roger, depuis ce dimanche 7 avril, tu as passé le cap de tes 100 ans. Un 7 avril 1919, tu as à ouvert les yeux sur le monde. Au Prado en 49
Comme promis, voilà une page souvenir de l’eucharistie souhaitée par Roger Giraud dans la maison où il vit, l’Éhpad Louise Thérèse.
Je place en premier une petite vidéo. La qualité de l’image est problématique l’appareil que j’ai utilisé n’est pas de première jeunesse ; sa qualité est qu’il tenait dans ma poche. Et, avec l’absence de pied, tout bouge en permanence. Mais le son est audible. Bref, un bon souvenir.
Suite à cette vidéo, je place le texte de Philippe Brunel, responsable du Prado de France. Nous avons ainsi intégralement son homélie.
Enfin je "colle" quelques notes glanées ces derniers jours.
Puis quelques photos prises durant l'eucharistie et à l'apéro.
quelques minutes de l'eucharistie dans la chapelle de la Maison Louise-Thérèse
Messe des 100 ans de Roger GIRAUD
Maison Louise Thérèse à Écully - 9 avril 2019
Homélie Ph. Brunel – Jn 8,21-30/Nb 21,4-9
Frères et sœurs, c’est avec joie que nous sommes réunis pour cette messe un peu particulière.
Une messe toute simple, mais une messe pour dire un merci tout spécial au Seigneur, à l’occasion de l’anniversaire de naissance de notre frère Roger GIRAUD.
Et oui ! Car Roger, depuis dimanche, tu as passé le cap de tes 100 ans. C’était à Paris le 7 avril 1919 (je crois), que tu as commencé à ouvrir les yeux sur le monde. Mais très vite avec tes parents, vous êtes venus vivre à Villefranche... Et donc, ce dimanche 7 avril 2019, tu as fêté cet anniversaire en paroisse et avec ton diocèse de Lyon ...
Mais tu as voulu aussi le fêter ici, dans cette maison Louise Thérèse où tu vis ; je crois que c’est une manière de remercier en même temps toutes celles et tous ceux qui y habitent avec toi, les autres résidents et aussi les sœurs, la direction et le personnel de soins ou de services de cette maison...
Et nous, nous sommes plusieurs prêtres du Prado à être heureux de venir partager avec toi, avec vous, cette eucharistie.
On a entendu il y a un instant Jésus nous dire dans l’évangile : « Celui qui m’a envoyé est avec moi ; il ne m’a pas laissé seul ». Bien sûr, il parlait de son Père, de Dieu.
Mais finalement, peut-être que c’est aussi ce message que tu nous délivres, Roger, en ayant souhaité fêter tes 100 ans ici, au cours d’une autre eucharistie.
« Celui qui m’a envoyé est avec moi. Il ne m’a pas laissé seul » : il s’agit là encore du Père, de Dieu. Mais il s’agit aussi de Jésus-Christ, celui qui t’a appelé et envoyé comme prêtre, Roger. « Il ne t’a pas laissé seul ».
100 ans, ce n’est pas rien ! Ce n’est pas facile à imaginer. En tout cas, moi qui suis né en 1965, j’ai un peu de mal ! J’ai du mal à m’imaginer le contexte et le parcours que cela peut représenter.
Par exemple, comment était la France en 1919, au sortir de la Première Guerre ? Comment était le monde ? Et l’Église ?
Et 30 ans plus tard, en 1949, lorsque tu es devenu prêtre et que tu as tout de suite décidé de rejoindre le Prado, comme beaucoup d’autres à cette époque, grâce notamment à la personnalité du Père ANCEL... J’ai un peu de mal à imaginer comment était le Prado.
Toi, dès que tu as été ordonné prêtre, tu as été envoyé pour t’impliquer dans l’évolution de ce que l’on a appelé au Prado : « la rééducation ». Tu as été, avec d’autres, l’un des acteurs directs de ce passage de « l’œuvre de la première communion » (qui venait directement du Père Chevrier) à la mise en œuvre de moyens nouveaux de « rééducation », qui tiennent compte des jeunes tels qu’ils étaient devenus. Et aussi de leurs réels besoins vitaux.
Il y a quelques jours, je suis allé au Musée de la résistance pour visiter une exposition très intéressante sur la jeunesse pendant la 2e Guerre mondiale. Et j’ai mieux compris pourquoi le Prado a fait ce passage de « l’œuvre de la première communion » à « la rééducation ».
On était alors dans un contexte difficile, où une grande partie de la jeunesse était profondément marquée et meurtrie par ce qui venait de se passer pendant la guerre ; une jeunesse souvent livrée à elle-même et blessée familialement ; avec une très forte délinquance juvénile, qui ont conduit les autorités à faire appel aux mouvements de jeunesse et à toutes les institutions existantes, pour faire face à cette situation nouvelle.
Et le Prado y a pris sa part, en tâchant d’y apporter une réponse adaptée et en restant toujours animé du regard du Christ sur ces jeunes et d’une pratique inspirée par l’évangile.
Toi, Roger, tu y as mis beaucoup de toi-même ! Et pendant de nombreuses années - au moins 17 ans -, qui ont marqué profondément ton ministère de prêtre, et de prêtre du Prado... D’abord, comme directeur du centre de FONTAINES-St MARTIN, puis de SALORNAY, mais aussi en œuvrant au « Siège central de Prado rééducation », où je crois tu as aidé à fonder des maisons de rééducation du Prado jusqu’à Bordeaux et à Nantes.
Même si, ensuite, tu as aussi été en paroisse (à Villeurbanne, à Monplaisir, à Ste Thérèse de la Plaine...), et même si tu as rendu d’autres services à la famille spirituelle du Prado (au séminaire de Limonest, avec l’Institut Féminin du Prado, avec un certain nombre de laïcs amis du Prado), je crois tout de même que le Seigneur a vraiment été avec toi, en particulier, pour que le Prado serve la vie de cette jeunesse meurtrie par la guerre. Pour servir la vie de beaucoup de jeunes qui risquaient d’être gagnés par le venin de la petite délinquance.
Avec d’autres, tu as aidé le Prado à demeurer attentif à la réalité de leur vie et de leurs besoins. Mais, c’est bien le Seigneur qui était avec vous, qui était avec toi, pour que ces jeunes restent en vie (à l’image des Hébreux mordus par les serpents dans le désert, dont nous a parlé la première lecture).
Alors oui, rendons grâce au Seigneur, dans cette messe.
C’est Lui qui nous appelle toujours, qui nous envoie et qui est avec nous, pour servir encore et encore la vie des hommes et des femmes, tels qu’ils sont.
Prions pour notre monde et pour notre Église d’aujourd’hui. Prions aussi pour le Prado. Prions pour notre frère-évêque Gabriel PIROIRD qui avait rejoint cette maison et qui vient de décéder, que l’Église va accompagner demain dans la foi, à la chapelle du Prado.
Prions aussi pour tous les dirigeants actuels, les bénévoles et les éducateurs des Maisons du Prado Rhône-Alpes qui, j’en suis témoin, cherchent encore et toujours à mieux servir la vie des jeunes cabossés par notre société d’aujourd’hui.
Comme le disait le Père Chevrier : « Nous ne sommes pas des êtres abandonnés de Dieu ».
Non, il ne nous a pas laissés seuls.
Pendant ces 100 dernières années, Roger, il ne t’a pas laissé seul !
Merci de nous le rappeler par cette eucharistie.
Amen !
Anniversaire de Roger Giraud
Quelques notes prises par Michel Rose, Louis Magnin et moi-même sur son parcours.
Naissance le 07 04 19 à Paris dans une famille ouvrière. Il sera fils unique.
Scolarité en primaire à Villefranche. Après le certificat, il fait un apprentissage de menuiserie.
Il travaille en menuiserie.
Il fréquente la JOC.
Il fait son service militaire à Marseille où il a eu un grave accident qui l'a beaucoup affecté.
La maman de Roger n'était pas baptisée. Malade (ou accidentée) elle a dû aller en maison de repos où elle a rencontré une chrétienne convaincue qui a témoigné de sa foi. Elle décide alors de se faire baptiser.
Roger exprime son désir de devenir prêtre.
Je pense en septembre ou octobre 1940, il va au séminaire de vocations tardives à Chessy les mines - Rhône, où il restera 3 ans. Après Chessy, Roger passe 2 ans au séminaire du Prado puis 4 ans au séminaire Saint Irénée.
Il est ordonné prêtre le 29 juin 1949. S’engage dans le Prado, engagement temporaire, la même année.
À cette époque, l’association des prêtres du Prado connait une croissance remarquable. En effet, les séminaristes en lien avec le Prado étaient une trentaine en 1945 , puis 195 en 1948*. Au moment où le Père Ancel succédait au Père Laffay, en 1942, il n'y avait que 67 prêtres inscrits dans la Société, ils étaient déjà 442 en 1954.
C’est le moment où le Prado commence à sortir de Lyon.
Alfred Ancel s’interroge pour discerner si cette expansion répond à la volonté de Dieu. Olivier de Berranger rapporte cette phrase : « Vous dirai-je le fond de ma pensée ? L'avenir montrera si elle est conforme à la volonté de Dieu. Il me semble que, pour installer vraiment le Prado dans les différents diocèses, il faudrait que, dans chacun, existent à la fois une œuvre de première communion (ou œuvre similaire) et une école cléricale. L'œuvre de la première communion nous maintiendra au service des pauvres, des humbles, des déshérités, des pécheurs ; l'école cléricale nous répétera sans cesse et d'une manière vivante l'idéal sacerdotal du Père Chevrier. », à savoir former des prêtres pauvres pour les pauvres au milieu des pauvres.
Roger Giraud entre au Prado dans cette orientation alors que se fait sentir une nécessaire mutation. Effectivement, suivre le modèle d'une « œuvre de Première Communion » et d'une « œuvre cléricale » telle que transmise depuis le Père Chevrier n’est guère transposable hors de Lyon tout en étant, également peu durable à Lyon même.
Soulignons-le. L’œuvre auprès des plus démunis en cette période de guerre et d’après-guerre était largement répandue soit parmi les évêques soit parmi les représentants de l'ordre public. Commence l’ancrage dans le séculier.
En 1933 : le Père Charnay, supérieur du Prado avant le Père Laffay, avait eu l'initiative d'établir une « œuvre agricole » à Salornay, sur la commune d'Hurigny, en Saône-et-Loire. A. Ancel était à Limonest et se questionnait sur cette initiative. « Elle ne tiendra que si elle vint de Dieu », disait-il.
L’œuvre de Salornay tient bon. Ce sera le premier centre de rééducation. « Le Centre de rééducation » du Prado, et fut reconnue très tôt par l'académie de Mâcon comme « éminemment sociale » Alfred Ancel est venu inauguré un bâtiment à la barbe des Allemands.
Le jeune supérieur du Prado n'avait pas hésité à allouer, pour cette construction, une somme importante mise de côté par Francis Laffay avant 1939. Les talents du Père Jaillet furent tels que la somme devait être intégralement remboursée.
Selon Louis Magnin, le premier ministère de Roger sera de fonder le foyer de rééducation de Fontaines Saint-Martin. Il en a été le directeur dans la ligne de la continuation de la « série » du Prado.
D’après Olivier de Berranger, lorsque Francis Laffay quitta Salornay en 1952 après vingt ans de présence, il laissa à son successeur, Roger Giraud, des locaux capables de recevoir 130 garçons et des ateliers de menuiserie, imprimerie, mécanique, reliure, cordonnerie, tonnellerie, maçonnerie, boulangerie, qui s'étaient ajoutés à l'école d'agriculture des origines cf. Prêtre du Prado, n° 23bis, février 1955, p.26
Une telle initiative mis du temps pour être acceptée par les pradosiens. On se demandait si on ne s’éloignait pas trop de la vocation à faire le catéchisme aux pauvres et abandonnés, hors Église. Les fonctions à l’intérieur de l’œuvre étaient-elles suffisamment précisées ?
Pour Roger (d’après Louis Magnin) à Fontaine sur Saône, ce fut une période très difficile. Il était dans une situation complexe : il était à la fois l'aumônier de cette maison et le directeur qui embauchait le personnel.
De plus, le processus de restructuration de la rééducation a été éprouvant pour Roger dans cette période d'après-guerre qui était une période de délinquance juvénile.
Olivier de Berranger : Que se passe-t-il à la “Maison mère” » ?
Là on se montre très conservateur des pratiques mises en place par A. Chevrier.
Même le vêtement des enfants de la Première Communion n'avait pas été modifié depuis 1927. En 1939, l'uniforme qu'ils portaient pour le grand jour de la cérémonie était encore la blouse à carreaux, comme en 1860.
En 1947, le Père Ancel se résoudra à introduire des modifications beaucoup plus fondamentales.
cf. Le Prado, n° 45, janvier 1948 - transformation de l’œuvre de la première communion : « Depuis 1860 jusqu'à 1914 le monde avait évolué lentement. La guerre de 1914 et surtout celle de 1939 ont précipité cette évolution. Le monde, même le monde des enfants, n'était plus le même. Il fallait en prendre conscience. Nous étions obligés d'en tenir compte ».
La prise de conscience opérée au Prado n'avait rien d'abstrait. Elle ne partait pas d'abord d'une analyse de la société d'après-guerre. Une Véronique Devaux par exemple, qui était la sœur chargée de la « série » des filles, comme on disait, fit remarquer en 1945 au Père Ancel combien étaient insuffisants les six mois traditionnels pour assurer une catéchèse à des enfants élevés vaille que vaille dans une atmosphère déchristianisée. D'autre part, dès avant la Libération, des demandes de plus en plus pressantes furent adressées au Prado, tantôt par les pouvoirs publics tantôt par certains évêques, pour une prise en charge de la jeunesse délinquante. »
Roger a passé 17 ans dans la rééducation. Il a continué à réorganiser la rééducation. Il a contribué à fonder d'autres maisons à Bordeaux, à Nantes. Il a pris la direction de Salornay qui existait déjà.
Toutes ces maisons étaient sous la juridiction du ministère de l’Éducation nationale et du ministère de la Justice, comme la maison de Fontaines Saint-Martin.
Il a vécu son ministère d’une façon qu'il n'avait pas prévue : lui, de famille ouvrière, travailleur manuel, se retrouvait fondateur de maisons.
Célèbre des baptêmes en 1961 - 1962 à St Alban = vu sur les registres
Quand il quitte la rééducation, vers 1969/70, il devient curé dans le diocèse de Lyon dans lequel il était incardiné.
Il connaît la paroisse Sainte Thérèse de la Plaine,
la paroisse de l'Espérance à Villeurbanne,
celle de Sainte Jeanne d'Arc et
de Saint Maurice de Monplaisir.
Il a une difficulté de santé qui lui vaut une opération du cœur.
Fils unique, il a donné du temps tous les dimanches pour sa mère qui est restée veuve.
C'était sa décision : puisque sa mère était seule, Roger allait passer la journée du dimanche avec elle.
Sa maman a été couturière et a assuré la lingerie dans une maison de rééducation.
Roger a toujours été dans le Prado.
Il a connu le Prado par le Père Ancel qui était venu prêcher une retraite à Chessy, plus tard il a connu le Prado par le séminaire de Limonest dont le Père Huguet était supérieur.
Il a fait son noviciat 10 ans après son ordination, en 1959.
Il s'est engagé au Prado pour sa vie spirituelle et apostolique.
Il a favorisé le rayonnement du Prado.
Il a eu le souci de la fidélité et de la vocation du Prado.
Au niveau de la spiritualité, il a travaillé les écrits du Père Chevrier.
Il a insufflé l'esprit du Prado à des laïcs qui avaient la sensibilité du Prado.
* Voir Olivier de Berranger, Alfred Ancel, un homme pour l’Évangile, 1898-1984, Centurion, p.112-113