De la contemplation à la création pour le philosophe ; du disciple au missionnaire pour le théologien, l’homme vit au quotidien l’alternance
Il y a un mois environ, Jean Barbier envoya un courriel au secrétariat lyonnais des prêtres du Prado pour déposer une information sur son ouvrage philosophique intitulé, L’alternance féconde. Une philosophie de la contemplation et de la création. Cerf Patrimoine, décembre 2019.
Je l’ai rencontré et nous avons longuement échangé. Il désire présenter son livre dans le cadre du Prado, par exemple au cours d’une rencontre du mardi, l’Évangile regarde le monde. Bien sûr, avant de préciser date et thème de cette conférence-débat, je me dois de lire cette étude qui se présente comme résultant d’une thèse universitaire.
Au Prado, il me semble qu’il faille le dire, nous ne sommes pas très portés à suivre les méandres de la recherche philosophique. La Parole de l’Évangile ne suffit-elle pas ? Elle est au moins plus directe pour indiquer et expliquer ce que, missionnaire nous avons à vire. Mais, devant ce regard, je me suis toujours senti appelé pour dire que comprendre l’homme tel qu’il est, avec les raisonnements qui lui sont propres, a grandement son importance. Une importante occasion de dialoguer avec celles et ceux qui ne partagent pas la foi en un Créateur. Vive la philosophie !
Seulement, avais-je raison de parler ainsi et de m’entretenir avec ce docteur avant de l’avoir lu ? Certes, je veux parler de son livre. Celui-ci ne serait-il comme l’expression de tout son être ? En écoutant Jean Barbier, je me suis rappelé les dialogues que j’avais eus avec les peintres et sculpteurs exposant à l’espace Confluences-Saint-Jean, puis Confluences-Polycarpe. La personne qui expose son œuvre artistique ou sa création littéraire s’expose elle-même. Plus qu’un objet (peinture, livre), placé devant les yeux des gens, c’est son âme même qui est montrée.
Donc, j’ai pris plusieurs jours de lecture, plus exactement quelques après-midi de ce temps de confinement. Et, j’en fus plein de joie. Le plaisir de parcourir plusieurs siècles de philosophies comme si je révisais les enseignements reçus pendant ma formation et les études postérieures considérées comme indispensables pour comprendre le temps présent.
Tout homme ressent le besoin de créer. Plus que faire un objet utile pour le quotidien, il souhaite réaliser une œuvre qui lui soit propre, un outil signifiant une part de lui-même. Or, pour qu’il en soit ainsi, la contemplation s’avère nécessaire. Il me semble, en cet instant, avoir toujours eu cette conception de la vie. Si le travail salarié pour avoir de quoi vivre est utile, il n’est que relatif. Alors, il est bienvenu de le réduire autant que possible pour laisser la place à une tâche épanouissante, la réalisation d’une œuvre. Voir : Faut-il encore travailler : éléments pour une réflexion théologique sur le travail et le repos (Les Cahiers de l’Institut catholique de Lyon).
Le repos est absolument nécessaire à la contemplation et celle-ci engendre la création.
Pour exprimer théologiquement la pensée philosophique de Jean Barbier je parlerai de « disciple - missionnaire ». Expression que nous employons désormais très souvent dans les sphères pradosiennes.
« Car le Père Chevrier avait bien compris que pour devenir un bon apôtre, il ne faut jamais cesser de chercher à vivre en Véritable disciple. Dans ce but, l’Étude fréquente et contemplative de l’Évangile, la prière et l’oraison, la proximité avec les petits de ce monde et la vie fraternelle sont les dimensions qui orientent vers Jésus-Christ l’existence quotidienne de tous ceux qui prennent le Père Antoine Chevrier comme guide. Aujourd’hui, le pape François nous encourage à vivre “en sortie” vers toutes les “périphéries existentielles” de notre monde. Il insiste pour que nous apprenions à mieux écouter les pauvres et à les prendre au sérieux, car « ils ont beaucoup à nous enseigner”… Comme le bienheureux Antoine chevrier, il souhaite “une Église pauvre pour les pauvres”. »
Dans son ouvrage, Jean Barbier a choisi la figure d’Antoine Chevrier pour apporter un témoignage très concret. C’est pour cela qu’il souhaite en parler au sein de la famille pradosienne. Il écrit, page 244 : « Dans le domaine de la charité, l’alternance entre contemplation et création-peut devenir quotidienne. La mise en place d’une discipline de vie est essentielle : s’obliger chaque jour à prendre part au pôle contemplatif comme au pôle d’action créatrice. Certains catholiques ont emprunté cette voie… Saint-François d’Assise… Nous nous concentrerons… sur une figure beaucoup moins connue. Il s’agit du père Antoine Chevrier, fondateur du Prado à Lyon, au milieu du XIXe siècle ». Méconnu, Chevrier est « un personnage exemplaire ». Il « a su être à la fois un grand contemplatif et le créateur d’une école, le Prado, qui a bénéficié et qui continue, 150 ans après sa fondation, à bénéficier au plus démunis ».
Tout est dit, dans cette citation du philosophe, pour exprimer le bonheur d’entendre dans la grande salle du Prado, Jean Barbier, un mardi de septembre ou d’octobre 2020 à 18 h 30.