Il faut passer par le corps pour aller jusqu’aux âmes, être protecteur des corps pour bien faire comprendre qu’on les aime, corps et âme

Publié le par Michel Durand

Antoine Chevrier - Camille Rambaud
Antoine Chevrier - Camille Rambaud

Antoine Chevrier - Camille Rambaud

Lettre n°18 (17) [3] écrite de la Citée en février 1859

AU FRERE CAMILLE,  qui vit A ROME par ses études en vue de la prêtrise

J.M.J. [Cité, fin février 1859]

Que la grâce et la lumière de Notre-Seigneur Jésus soit toujours avec vous et vous conduise toujours dans le vrai chemin que le Seigneur veut que vous parcouriez, malgré toutes les difficulté, elles s’effaceront toutes par la puissance de Celui qui conduit tout.

Nous recevons toujours vos lettres avec un véritable plaisir tout spirituel, et nous sommes bien consolés de penser que Dieu vous donnera toujours le courage et la persévérance.

Je remercie Dieu de ce qu’il m’a fait un peu comprendre cette vérité que mon devoir principal était de m’occuper plus spécialement des enfants de la maison, que ce devoir était aussi et plus important que tout autre, que ces enfants sont aussi bien les enfants de Dieu que les autres personnes, et que le bien est plus facile et plus réel auprès d’eux qu’auprès des autres, et plus convenable, plus approprié à mon caractère, mon esprit, que tout autre bien en réalité plus difficile et plus infécond: priez s’il vous plaît pour que  j’agisse selon la lumière et la grâce de Dieu. Le véritable zèle consiste toujours à chercher ce que les autres ne veulent pas ou semblent dédaigner, et ces pauvres enfants sont bien dignes d’intérêt et d’affection; je les aime davantage depuis que je suis plus au milieu d’eux et même, si je pouvais, je cesserais tout travail extérieur pour m’y occuper exclusivement, si je croyais que Dieu le demandât.

Il faut passer par le corps pour aller jusqu’aux âmes, il faut être le protecteur, le médecin de leur corps pour leur bien faire comprendre qu’on aime leur âme; l’amour de l’invisible se manifeste par l’amour du visible, du sensible. Hier soir, assez tard, j’ai fait une infusion à Joseph et à Ménétrier, j’ai compris que cela leur faisait plaisir, il faut s’attirer l’affection par tous les moyens. J’ai établi pour nos malades la lecture spirituelle, ou plutôt conférence spirituelle à 9 h du soir, j’en profite pour leur donner paternellement les petits avis à donner, et le matin à 6 h ½ je vais leur faire la prière et quelques courtes réflexions pour la journée; il faudra quelque temps pour les habituer à ces petits exercices, mais j’espère en venir à bout, ce n’est pas en quelques jours que l’on peut parvenir à corriger et à redresser ; on peut compter sur Joseph, François et Debouchonnet ; il y a bien à désirer pour les autres. Benoît est un bon garçon qui n’est pas dans l’intention de rester quoiqu’il soit sage. Il ne faudrait être sévère qu’autant que la négligence prolongée des uns nuirait gravement à la sanctification des autres ; j’ai confiance que tout ira bien : grâce, temps et patience, voilà ce qu’il faut.

Ma santé va bien, j’ai besoin de quelques ménagements, mais il faut mettre sa confiance en Dieu ; je refuserai, comme vous le dites fort bien, toutes douceurs étrangères, cela est contraire à la pauvreté et à l’esprit de mortification.

Ne soyez pas inquiet au sujet de la santé de votre père, sa santé va bien, son âme est toujours dans le même état. Je dirai, selon votre désir, deux messes par mois pour son âme, et il faut espérer que Dieu l’éclairera et lui fera miséricorde. Courage donc, mon bien cher frère en Notre-Seigneur j’éprouve une secrète joie de penser que la volonté de Dieu doit s’accomplir; prions et prions toujours, et confiance en lui seul. Sœur Amélie va bien, ainsi que Sœur Marie, Dieu achèvera ce qu’il a commencé en elle. A Dieu, mon frère, tout à vous et à l’œuvre.

A. Chevrier

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