ATD Quart-Monde dont le but est de donner la parole aux pauvres pour les associer aux politiques publiques est marginalisé par les élus
En ce jour, il me semble avoir toujours été sensible à la présence de l’Église, c’est-à-dire de l’ensemble des chrétiens, auprès des pauvres de ce monde. Au lycée, en classe de seconde et de première avec notamment la JEC (jeunesse étudiante chrétienne), j’ai le souvenir de nos échanges sur l’aide que nous devrions apporter aux pays pauvres. L’Église se doit d’être présente auprès des pauvres. C’est avec ce souci que j’ai lu avec grand intérêt un article paru dans Sélection du Reader's digest, sur le Père Antoine Chevrier.
Si mon souvenir est juste, ce fut la porte d’entrée me conduisant au Prado. Et dans cet Institut des Prêtres du Prado, on parle très souvent des pauvres. Les prêtres du Prado n’ont pas d’œuvres ou de pastorale propre, « pourtant, où qu’ils soient nommés, ils gardent une attention particulière aux gens simples et aux différentes formes de pauvreté (matérielle, physique, spirituelle, familiale, etc.). » Donc dans nos réunions, on parle souvent « des pauvres ». il nous fait être avec les « pauvres ».
Cette façon de parler m’a toujours quelque peu agacé, car, en fait, ne faut-il pas tout d’abord être proche des hommes et des femmes, proche des gens tels qu’ils sont ? Que l’Église, c‘est-à-dire nous tous, soit prioritairement proche du monde. Qu’elle soit bien présente dans ce monde, à ce monde. Or, j’observe qu’à cause des pratiques paroissiales, les communautés chrétiennes sont plus soucieuses de vivre les « sacrements » que d’écouter les appels de ses voisins. Je sais ne pas avoir entièrement raison de penser ainsi, quoique… Quels sont les sujets de conversation d’une EAP (équipe d’animation pastorale) ?
On dit que la paroisse est en soi missionnaire. Comment cela se manifeste-t-il ?
C’est ce genre de questionnement qui me pousse à dire que l’Église pour être proche des pauvres, doit tout d’abord être proche des hommes et des femmes, des humains qui vivent sur le quartier. Alors, avant de parler d’option préférentielle des pauvres, ou pour pouvoir en parler justement, mettons-en avant la présence de l’Église au sein des sociétés. Comme nous le lisons dans l’épitre à Diognète les chrétiens, vivent comme tout le monde ; ils n’ont pas de vêtements spéciaux. Ils sont « levain dans la pâte ».
C’est ainsi que je comprends bien l’option préférentielle en faveur des pauvres. L’article d’Alain Durand, frère dominicain, donne un juste regard sur le développement historique de cette expression. Article à lire avec grande attention pour entrer au sein de la doctrine sociale de l’Église. Voir ici, et suivre, si possible, si le temps le permet tous les liens que cette page présente.
À ce jour
En fait, à voir comment les pauvres sont sans cesse marginalisés, aujourd’hui je me dis que je n’avais pas raison de vouloir parler des hommes avant de considérer les pauvres. Être au sein du monde, proche des humains, ne rapproche pas obligatoirement des pauvres. Ceux-ci sont sans cesse éloignés des modes de vie majoritaire. J’imagine que l’individualisme l’emporte sur toutes les bonnes intentions et je me dis maintenant qu’aller vers les humains d’une manière globale ne conduit pas à une attitude fraternelle auprès des pauvres. Même si, pour moi, il est un peu tard de penser ainsi, c’est ce chemin à prendre malgré tout que je découvre désormais. Alain Durand termine ainsi son article « Il s'agit de mettre l'Église “en mouvement de sortie de soi, de mission centrée en Jésus-Christ, d'engagement envers les pauvres” » (EG 97). C'est de notre foi, en effet, que “découle la préoccupation pour le développement intégral des plus abandonnés de la société” » (EG 186).
Maintenant, il me faut dire pourquoi me viennent ces réflexions.
J’ai lu un article du quotidien La Croix qui développe comment les orientations politiques de la France marginalisent les pauvres au lieu de reconnaître leur intégrale dignité. Je ne peux que vous inviter à lire ceci : « Le gouvernement réduit la voix des plus pauvres au Cese », en date du 26 mars 2021.
Selon un décret publié jeudi 24 mars, les associations de lutte contre la pauvreté seront moins représentées au Conseil économique, social et environnemental (CESE).
Bernard Gorce :
Les plus précaires seront moins représentés au Conseil économique, social et environnemental (CESE) dont la composition doit être prochainement renouvelée. Dans un communiqué publié jeudi 24 mars, les 35 associations de solidarité du collectif Alerte déplorent que leur soit déniée « la juste représentation qu’elles sont en droit d’attendre », alors que la crise sanitaire fragilise les plus démunis. Parmi les 175 nouveaux sièges prévus, seuls deux sont dédiés aux représentants de la solidarité (pauvreté, hébergement d’urgence, demandeurs d’asile…), soit 1,14 % des sièges, décompte le collectif : « On est donc très loin d’une représentation juste des 15 % de personnes vivant sous le seuil de pauvreté en France ! »
Les organisations réagissent à la publication le jour même, au Journal officiel, d’un décret du premier ministre qui établit la liste des organisations représentées dans cette assemblée consultative. Or ce renouvellement s’inscrit justement dans le cadre d’une réforme de l’institution conduite, selon la majorité, pour la rendre plus représentative de la société civile et renforcer son rôle dans l’élaboration des politiques publiques.
Selon la loi votée en janvier, le conseil passe de 233 membres à 175. Le nombre de sièges des représentants de la protection de la nature et de l’environnement étant porté de 18 à 26, les trois autres grands ensembles du Cese voient mathématiquement leurs effectifs rabotés : 52 membres pour les entreprises ainsi que pour les syndicats et 45 pour la vie associative (Secteurs de la famille, de la jeunesse, de la solidarité…). Si la potion est amère pour beaucoup, elle l’est particulièrement pour ceux qui œuvrent pour les plus précaires.
Le décret publié jeudi reconduit le siège de la Croix-Rouge et celui qui revient au réseau Alerte, mais pas celui d'ATD Quart Monde, un acteur historique dont la marque de fabrique est précisément de donner la parole aux pauvres pour les associer aux politiques publiques.* C’est le rapport du P. Joseph Wresinsky de 1987 qui préfigura le revenu minimum d’insertion (RMI) ou celui de Geneviève de Gaulle-Anthonioz qui amena la loi de lutte contre l’exclusion de 1998. « Ne pas reconnaître le travail d’ATD montre que le combat contre la pauvreté ne compte pas pour ce gouvernement », tempête Marie-Aleth Grard, la présidente de l’association qui siégeait depuis 2008 au Cese.
Techniquement, Alerte peut désigner ATD pour occuper le siège qui lui revient mais cela sera au détriment d’une autre association comme Les petits frères de pauvres qui représentait le réseau dans l’assemblée sortante. Marie-Aleth Grard veut encore croire à un geste de l’exécutif qui peut, selon elle, revenir sur le décret d’ici l’installation du nouveau Cese au début du mois de mai.
* c’est moi qui souligne.