Jésus, je te donne mon cœur, pour que tu y mettes l’Amour du Père céleste et l'amour de tous les hommes, nos frères. Que ton esprit se développe
Temps de carême, toujours dans la ligne d’Antoine Chevrier
Christian Delorme :
Récemment … un séminariste du diocèse de Lyon en insertion dans l'ensemble paroissial de Caluire et Cuire, m'a fait découvrir la figure du Bienheureux Edouard Poppe (1890-1924), un prêtre belge mort très jeune qui avait pris pour modèle sacerdotal le Père Antoine Chevrier. Je n'avais jamais entendu parler de ce saint prêtre, et je me suis donc préoccupé d'en apprendre plus…
Voici un compte-rendu de ma recherche. Il me semble que cette relation, voire cette filiation entre les deux bienheureux, le Lyonnais et le Flamand, constitue un élément non-négligeable en faveur de la canonisation du Père Chevrier.
Le Bienheureux Edouard Poppe ( 1890-1924 ),
émule du Bienheureux Antoine Chevrier
Parmi les séminaristes et les jeunes prêtres d'aujourd'hui, en particulier en Belgique, mais aussi en France, beaucoup regardent en direction du Bienheureux Père Édouard Poppe, prêtre belge mort à trente-trois ans seulement et béatifié par le pape Jean-Paul II à Rome en octobre 1999. La jeunesse devenue éternelle de ce prêtre flamand, la beauté de son visage doux et rayonnant que nous ont laissé en héritage quelques photographes, et plus encore sa sainteté manifeste sont, en effet, de nature à enthousiasmer des jeunes gens épris d'absolu et désireux de donner entièrement leur vie au Christ Jésus.
Aussi courte a-t-elle été, l'existence terrestre du Père Édouard Poppe s'est avérée fort remplie, dense humainement et spirituellement. L'histoire de sa vocation et de l'accomplissement de celle-ci est réellement passionnante. Or un des points frappants de cette vocation est le rôle important que l'exemple du Père Antoine Chevrier y a joué, et cela mérite toute notre attention. Le pape Jean-Paul II en était lui-même fort conscient quand, lors de l'audience du 4 octobre 1999 à Rome, il a déclaré: « Le Père Poppe avait fait siens la devise et le désir de pauvreté et d'humilité du Bienheureux Antoine Chevrier : « Ma vie c'est Jésus-Christ ».
Édouard (« Wardje », en flamand ) est né le 18 décembre 1890, au bord de l'Escaut, dans la petite ville belge de Tamise ( Temse ), près de Gand, aîné d'une fratrie qui comptera onze enfants ( trois mourront en bas âge ). Son père, Désiré, tient une boulangerie et travaille dur. Quant à sa mère, Josepha, elle sera bien occupée avec tous ses enfants. La famille est très inscrite dans la foi catholique, la maman assistant presque chaque jour à la messe. D'ailleurs, deux garçons deviendront prêtres, et cinq filles seront religieuses !
L'enfance d'Édouard est celle d'un petit garçon naturellement heureux, mais aussi très remuant, espiègle et têtu. Scolarisé chez les Frères de la Charité, sa gaité et sa franchise sont remarquées par tous. La première communion qu'il reçoit à l'âge de douze ans, puis le sacrement de confirmation qui s'ensuit l'assagissent. À l'intérieur de lui-même s'éveille doucement une vocation de prêtre. Quand, au printemps 1904, son père s'ouvre à lui d'un projet d'agrandissement de la boulangerie et lui propose d'entrer en apprentissage chez un pâtissier, l'adolescent lui déclare sa vocation. Ses deux parents y consentent volontiers, dès lors qu'un prêtre ami leur affirme croire en l'authenticité de l'appel reçu par le garçon. Dès l'automne suivant, Édouard part pour le petit séminaire Saint-Nicolas à Wass. Il a quatorze ans.
Épuisé par son travail, Désiré Poppe meurt en janvier 1907, à l'âge de cinquante-six ans, laissant sa famille dans une situation précaire. Édouard, qui est âgé de seize ans seulement, envisage d'interrompre ses études, mais sa mère, en particulier par fidélité à son mari qui avait souhaité que son fils poursuive sa formation cléricale, décline son offre.
Moins de quatre ans plus tard, en septembre 1910, Édouard est appelé au service militaire, dans une compagnie universitaire où il a la possibilité de commencer ses études de philosophie. La vie en caserne, avec d'autres jeunes qui sont plutôt tentés de se moquer de son désir de sacerdoce et qui sont davantage attirés par la débauche, lui est très éprouvante. Progressivement, cependant, nourri de l'eucharistie, il apprend à regarder avec miséricorde ses compagnons, à les aimer et à se mettre au service des uns et des autres. Sa gentillesse et sa bonne humeur touchent le cœur de plusieurs, conduisant certains de ceux-ci à trouver ou retrouver une vie de foi. Durant ce temps d'études assez singulier, Édouard est avide de lectures spirituelles. La vie de la carmélite Thérèse de l'Enfant Jésus ( qui sera canonisée en 1925 par le pape Pie XI ) le touche profondément, en particulier la pratique d'une prière toute simple dont celle-ci a témoigné. En lisant « le traité de la vraie dévotion » de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, il est conquis par la spiritualité mariale de ce saint des XVIe et XVIIe siècles et la fait sienne. Surtout, l'exemple de Saint François d'Assise l'enthousiasme, notamment son amour pour la Croix de Jésus. Il deviendra d'ailleurs tertiaire de Saint François.
Au début de l'année 1912, Édouard est libéré du service militaire et il peut, avec grande joie, rejoindre le séminaire philosophique Léon XIII de Louvain, où il va préparer un doctorat en philosophie thomiste ( acquis en 1913 ). Son désir de servir Dieu totalement et pas « à moitié », sa soif de sainteté sont cependant rapidement mis à dure épreuve, d'abord parce que beaucoup autour de lui sont enclins à lui faire perdre ses illusions quant à une ferveur religieuse qui durerait toujours, mais aussi parce qu'il se trouve frappé par une sorte de sécheresse intérieure où la prière lui devient difficile. Son directeur spirituel l'encourage alors à contempler davantage la Croix du Christ et à y trouver « la paix joyeuse du sacrifice ». De fait, Édouard se laisse saisir par la relation qui, chez le Christ, lie la souffrance à l'amour.
La découverte du Père Antoine Chevrier
En septembre 1913, le jeune homme entre au grand séminaire de Gand pour y commencer ses études de théologie. Mais, moins d'un an plus tard, la Première Guerre mondiale éclate et, le 1er août 1914, Édouard est mobilisé comme infirmier. Presque aussitôt il est confronté, dans la région de Namur, à des combats qui font rage. Fin août, l'armée belge est contrainte de se retirer en direction du sud. Pas d'autres solutions pour les soldats mis en déroute que celle de s'engager dans de longues marches à pied. Épuisé par les soins donnés aux blessés et victimes de sa constitution fragile, Édouard finit par s'écrouler. Il est déposé à demi mort dans un fourgon d'ambulance aux environs de Bourlers, commune du Hainaut, et pense très sérieusement que sa mort est proche. Soigné par des religieuses dans un lazaret de fortune installé dans ce village, il fait la connaissance du curé, l'abbé Georges Castelain, qui le visite et qui, finalement, lui propose de le cacher en l'accueillant dans son presbytère le temps nécessaire. En effet, Édouard est toujours mobilisé, mais il a perdu ses papiers d'identité, il n'a pas d'argent, et il lui est dès lors impossible de circuler en territoire occupé par les Allemands. C'est ce prêtre, chez qui il reste jusqu'à début décembre 1914, qui fait découvrir à Édouard Poppe la vie et la spiritualité du Père Antoine Chevrier. Lors d'une retraite qu'ils font ensemble, en compagnie d'un autre prêtre, du 13 au 18 septembre 1914, le curé leur lit chaque jour des passages d'une vie du saint prêtre lyonnais du XIXe siècle. Édouard est profondément touché par ce qu'il entend et apprend de « l'apôtre de la Guillotière ».
Tous ceux qui, l'ayant connu ou ayant étudié son parcours, ont écrit sur Édouard Poppe l'attestent : le séminariste, à partir de cette retraite, a pris le Père Chevrier pour modèle, et il deviendra plus tard « un prêtre pauvre pour les pauvres » à son exemple. Dans les résolutions qu'il rédigera après son ordination diaconale ( reçue le 18 décembre 1915 ), on lit : « Le feu de mon amour ne peut diminuer. Seigneur, est-ce la crainte ou la vanité qui me font aspirer à devenir un prêtre fervent ? Je désire vivre pauvre comme le Père Chevrier et le Curé d'Ars, pauvre et mortifié » ( cité par Antoinette Buckinx-Luykx, dans son livre « Édouard Poppe, un prêtre » ). Dans son Journal, il écrira : « Pauvreté, ma sœur, mon épouse... Jésus, à Nazareth vous viviez pauvrement, vous travailliez de vos mains. Alors que le temps de prêcher était si précieux, vous avez estimé plus profitable aux âmes la pauvreté, l'humilité, l'oubli, la soumission pendant trente ans : sinon vous auriez prêché plus tôt, puisqu'à douze ans vous étonniez déjà les Docteurs par votre sagesse. Et moi, votre disciple, je rougirais d'être pauvre ? Vos apôtres, le Curé d'Ars, le Père Chevrier ont été pauvres, et ils ont converti les hommes, jusqu'aux plus riches. Pourquoi ne ferais-je pas de même ? » ( cité par le père Martial Lekeux, dans son ouvrage « La dure montée. Vie héroïque de l'abbé Édouard Poppe » ). Selon le père Odilon Jacobs ( dans «son livre « Édouard Poppe. La joie sacerdotale » ), très proche ami d'Édouard Poppe, celui-ci a lu au moins à deux reprises la biographie du Père Chevrier ( probablement celle écrite par Jean-Marie Villefranche? ). En 1979, Monseigneur Léonce-Albert Van Peteghem, alors évêque de Gand, écrivait que son prédécesseur durant les années 1910-1920, Monseigneur Seghers, et le cardinal Désiré Mercier, archevêque de Malines et primat de Belgique à la même époque, considéraient le Père Poppe « comme un émule du Curé d'Ars, comme un nouveau Père Chevrier » ( avant-propos de la troisième édition de la biographie du père Martial Lekeux ).
Grâce à l'intervention du cardinal Mercier, Édouard, soldat non-réformé de l'armée active, est libéré de ses obligations militaires au début de l'année 1915, et il peut rejoindre le grand séminaire de Malines, puis, en avril, retourner à celui de Gand. Un an plus tard, le 1er mai 1916, il est ordonné prêtre, à l'âge de vingt-six ans, par Monseigneur Van Rechem, évêque auxiliaire de Gand. Il s'est offert la veille au Coeur eucharistique de Jésus, comme « victime avec lui pour les pécheurs ».
Quelques jours plus tard, le jeune Père Édouard Poppe est nommé vicaire de la paroisse Sainte Colette de Gand, dans un quartier très ouvrier. Son curé, le Père Van der Mijnsbruggen, est un ancien militaire qui fait preuve d'une certaine rigidité, mais dont la piété est profonde et le cœur généreux. Édouard va l'aimer comme un père. Très vite, on s'en doute, il met en oeuvre son zèle apostolique, aborde les familles dans la rue, donne des images édifiantes aux enfants, salue les ouvriers à la sortie des usines. La guerre a rendu l'existence très difficile pour nombre de gens. La méfiance à l'égard de l'Église est forte, la pratique religieuse faible. Édouard a le cœur déchiré par la misère qu'il rencontre. La grande moitié de son traitement de vicaire passe en aumônes, et la petite moitié est donnée à sa maman. Il s'abstient de vin et de tabac. Profitant, un jour, de l'absence du curé et de celle de la bonne du presbytère, il décide d'aménager sa chambre comme le Père Chevrier l'avait fait auparavant. Il évacue les meubles en chêne ornés de têtes de lion avec anneau de cuivre entre les dents, se débarrasse du matelas de laine et même du lavabo, enlève la carpette et distribue à des familles nécessiteuses traversin, draps et couvertures, et presque toute la garde-robe dont l'avait pourvu sa mère. Quand tout fut fait, il ne restait plus dans la pièce qu'une paillasse étendue sur quelques planches, une chaise et une petite table en bois blanc, une cruche d'eau par terre dans un coin et un crucifix au mur flanqué de sentences spirituelles.
Grand et maigre, les épaules couvertes d'un large caban noir, le cou souvent entouré d'une longue écharpe de laine grossière de même couleur, un chapeau pelé sur la tête, le jeune vicaire est rapidement connu de tous dans le territoire paroissial qui compte quelque mille quatre cents familles, dont les trois quarts n'ont plus les moyens de s'acheter des pommes de terre, cette nourriture si essentielle en Belgique. Il entre dans les maisons les plus misérables, et les préventions des pauvres à l'égard de son statut clérical tombent progressivement. Il parvient à faire aimer le Christ et s'en trouve profondément heureux.
Un apôtre de la première communion des enfants pauvres
Mais son curé craint qu'il perde trop vite ses forces dans un tel apostolat et lui demande de moins s'exposer et de se concentrer sur les fidèles habituels. Édouard obéit avec tristesse. Son supérieur lui a cependant laissé la possibilité de continuer à aller visiter les malades et d'assister les mourants des familles ouvrières, et il fait toujours merveille dans l'accomplissement de cette mission.
Édouard prie beaucoup, passe de longs moments devant le tabernacle de l'église où il renouvelle ses forces. Dès son arrivée à la paroisse, il s'est vu confier par son curé le patronage des enfants. Il s'agit pour lui d'occuper sainement les enfants durant les temps de vacances, et il a le souci de joindre aux loisirs un peu d'instruction religieuse et d'éducation à la prière. Son charisme est tel, que les enfants viennent par dizaines et même par centaines. Chaque jour il leur délivre une petite instruction qu'il agrémente d'histoires amusantes, puis il leur donne une courte invocation à répéter plusieurs fois dans la journée. Son sens pédagogique lui fait confier des responsabilités aux plus turbulents, ce qui lui assure un bon climat. A tous ces enfants du monde ouvrier, il veut faire découvrir l'eucharistie, leur permettre de se sanctifier grâce à ce sacrement que le pape Pie X, avec son décret « Sacra Tridentina » du 20 décembre 1905, a voulu désormais accessible aux plus jeunes et reçu fréquemment. Pour eux, il met progressivement au point une méthode de catéchisme originale. Avec l'autorisation de son curé, le Père Poppe crée, durant l'année 1917, une Ligue de communion destinée à constituer « une association d'enfants qui aiment Jésus et qui veulent se sanctifier en se soutenant mutuellement et en donnant partout le bon exemple ». En quelques mois, quatre-vingt-dix enfants s'engagent dans ce mouvement, et en juin, pour la fête du Sacré Coeur de Jésus, vingt-et-un enfants de cinq à six ans, issus de famille pauvre, font leur première communion pour le bonheur de tous.
Le jeune vicaire se donne entièrement et ses forces le lâchent. A la fin du mois de juillet 1917, il est obligé de prendre un mois de repos chez les Soeurs de la Charité, à Melle. Quand il revient, son curé, par souci de sa santé, le décharge du catéchisme, du patronage et des réunions de la Ligue de communion, ce qui, bien entendu, ravage le cœur d'Édouard. Ce qu'il a construit en quelques mois s'effondre en son absence.
La vie paroissiale est devenue trop lourde pour la fragile santé du Père Poppe. Celui-ci est contraint de demander à son évêque un ministère plus léger. En octobre 1918, il est nommé directeur d'une maison des Soeurs de Saint-Vincent de Paul, dans le village de Moerzeke. Là vivent, entourés par neuf religieuses, quelque cinquante résidents : des personnes âgées, mais aussi des malades et des orphelins. La mère et deux sœurs de l'abbé viennent s'installer elles aussi à Moerzeke. Dans la paroisse de cette commune rurale, Édouard retrouve un de ses anciens condisciples qui est vicaire : le Père Léon de Keukelaere. Tous les deux décident d'observer tous les jeudis soirs une heure d'adoration du Saint Sacrement dans la chapelle de la maison des sœurs. Bientôt des résidents, en plus des sœurs, se joignent à eux, puis des enfants du village qui sont suivis par leurs parents. Édouard nourrit aussi un grand attachement aux anges gardiens, et particulièrement au sien qu'il a nommé « Petit Gabriel ». Quand il rencontre quelqu'un dont l'âme paraît en péril, il s'adresse d'abord à l'ange gardien de celui-ci, lui demandant d'assurer son rôle avec zèle. Lorsqu'il pénètre dans une assemblée, qu'il s'agisse d'une assemblée d'enfants ou d'une assemblée d'adultes, il n'omet jamais de saluer les anges gardiens des présents. Cette piété et cette politique pastorale du Père Poppe s'accompagnent d'une grande attention à la vie des ouvriers, aux problématiques sociales comme à celles de l'évangélisation des milieux populaires.
Le 11 mai 1919, Édouard Poppe est victime d'une crise cardiaque. On lui administre l'extrême-onction. Il est prêt à rendre son souffle à Dieu, n'ayant jamais demandé au Seigneur de vivre vieux, mais seulement que les hommes aiment celui-ci et que les prêtres ne cessent de se laisser sanctifier. A la surprise générale, et pour la joie de tous ceux qui le connaissent et l'aiment dans le village, il se rétablit. Le 8 juin, cependant, une crise plus grave que la précédente le terrasse. Alité durablement, il fait installer une planche sur son lit et s'adonne à un ministère épistolaire, écrivant en particulier à plusieurs confrères prêtres qu'il encourage à être toujours plus donnés au Seigneur et aux hommes. A un ami député, Edmond Rubbens, il a la préoccupation de rappeler l'importance de sa mission au service des ouvriers et de la justice sociale, l'assurant qu'il demande à Dieu que celui-ci l'aide à conformer ses convictions politiques et sociales à l'Évangile.
Au début de l'année 1920, les religieux prémontrés de l'abbaye d'Averbode, située dans la province du Brabant flamand, lancent en Belgique la Croisade Eucharistique, qui a pour but de faire appliquer les décrets du pape Pie X ( mort en 1914 ) sur la communion fréquente. Ayant entendu parler du Père Poppe et de la méthode catéchétique pour enfants qu'il a mise au point ( le père Poppe vient de publier un livre pour préparer les enfants à la première communion : « Le manuel de la catéchiste eucharistique » ), l'un de ces norbertins, le Père Vanmaele, vient le trouver à Moerzeke pour solliciter son concours dans la rédaction de l'hebdomadaire pour enfants dont il porte la responsabilité, le « Zonneland ». Désormais, Édouard écrira régulièrement pour ce journal et, autant que sa santé le lui permette, il présidera, dans la paroisse, les réunions pour enfants de la Croisade Eucharistique, sa mère s'occupant des inscriptions.
Formateur de prêtres
En septembre 1922, averti de la profondeur spirituelle de l'abbé Poppe et profitant d'une amélioration de son état de santé, le cardinal Mercier désigne celui-ci comme directeur spirituel des quatre cent cinquante séminaristes qui effectuent alors leur service militaire au Centre d'instruction pour brancardiers et infirmiers ( CIBI ) du camp militaire de Beverloo ( Bourg-Léopold ), dans le Limbourg. Le camp se trouve à presque cent kilomètres de Moerzeke. Ce ministère auprès de futurs prêtres, dans l'âme desquels il brûle du désir de contribuer à faire grandir le Règne de Dieu, comble de joie Édouard. Déjà en 1917, il avait été à l'origine, à la demande de séminaristes de Gand, d'un cercle sacerdotal et d'un règlement pour de tels cercles, et jusqu'à sa mort il portera le souci de la formation spirituelle des prêtres. Le père Poppe se montre exigeant à l'égard de ses dirigés ( qu'on appelle alors « les cibistes ), mais sa douceur et sa bonté conquièrent les cœurs de ces derniers, dont beaucoup reconnaissent en lui un saint. Plus tard, le cardinal belge Joseph Cardijn, fondateur en 1925 de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne, écrira que « l'influence que ( Edouard Poppe ) exerça ( au camp de Beverloo ) est restée légendaire ».
Mais la charge se révèle vite au-dessus des faibles forces du directeur. Fin décembre 1923, celui-ci retourne à Moerzeke, et il ne va plus pouvoir quitter la maison des sœurs. Désormais, Édouard Poppe mène une vie de grand malade, et l'essentiel de son apostolat réside dans une prière vive où la Vierge Marie tient une place importante. Le 1er janvier 1924, une nouvelle crise cardiaque le frappe, puis une autre le 3 février. Le prêtre, qui a atteint l'âge supposé du Christ Jésus au moment de sa Passion, comprend que sa vie sur terre arrive à son achèvement. Il se prépare dès lors au témoignage d'une mort parfaitement acceptée, s'abandonnant totalement à la Miséricorde de Dieu. Durant tout le printemps, malgré sa grande fatigue, il accueille avec chaleur les nombreuses personnes qui viennent le voir et solliciter sa bénédiction. Certains attendent longtemps leur tour, mais ressortent largement réconfortés de la chambre. Le 10 juin 1924 au matin, une ultime attaque d'apoplexie terrasse le père Poppe. Celui-ci reçoit une nouvelle fois l'extrême-onction, jette un dernier regard sur la statue du Sacré Coeur qui se trouve dans la pièce, et rend son souffle au Seigneur, les mains ouvertes comme pour une dernière offrande.
Le 16 juin 1924, les obsèques d'Édouard Poppe sont célébrées en présence de plus de deux mille fidèles. Cent vingt prêtres ont tenu, aussi, à être là, témoignant de l'influence déjà exercée sur leur vie sacerdotale par le jeune prêtre.
Christian Delorme, Lyon, 15 mars 2022
Références bibliographiques (livres et articles) :
Dom Antoine Marie Beauchef osb, abbé : Bienheureux Edouard Poppe, prêtre, site internet alexandrina.balasar.free.fr. Article non-daté.
Antoinette Buckinx-Luykx : Édouard Poppe, un prêtre, Éditions Centro Don Poppe, Rome, 1976.
Odilon Jacobs et Édouard Ned : Édouard Poppe. La joie sacerdotale, Life éditions, Pierreclos, 2021 (réédition d'un ouvrage paru pour la première fois en 1932).
Odilon Jacobs : Une âme d'apôtre. Édouard Poppe, prêtre, Éditions Lethielleux, Paris, 1937.
Pape Jean-Paul II : Béatification de six serviteurs de Dieu. Audience du 4 octobre 1999. Site internet du Vatican.
Martial Lekeux : La dure montée. Vie héroïque de l'abbé Édouard Poppe, Éditions Centro Don Poppe, Rome, 1979.
Fernand Van de Velde : Una vita sacerdotale fondata su contemplazione e azione, site internet Totus Tuus-pagine cattoliche, 14 mars 2005.
Notes :
Le papa de Édouard Poppe, Désiré, est né en 1851 et est décédé en 1907, à l'âge de cinquante-six ans. Sa maman, Josepha, est née en 1863 et est décédée en 1947.
La tombe du Père Édouard Poppe se trouve dans le village de Moerzeke et fait, bien entendu, l'objet de pèlerinages, particulièrement de séminaristes et de prêtres.
Le Bienheureux Edouard Poppe est commémoré, dans l'Église, le 10 juin, date de sa mort.
Antoinette Buckinx-Luykx ( 1903-1983 ) est une auteure belge d'ouvrages de spiritualité.
L'abbé Odilon Jacobs a été un ami personnel de l'abbé Édouard Poppe, depuis le séminaire.
Le père Edouard Martial Lekeux ( 1884-1962 ), ancien officier devenu moine, auteur et prédicateur renommé en son temps, a été un fervent admirateur du père Poppe dont il a publié une part des écrits spirituels avant de s'atteler à une biographie qui aura été son dernier livre.
Le père Fernand Van de Velde ( 1923-2015) a été le postulateur de la cause de béatification du père Poppe.
Le Centro Don Poppe, appelé aussi Centro di Propaganda del metodo eucaristico Don Eduardo Poppe, a été fondé à Rome en 1954 par le père Vanmaele et repris, en 1968, par le père De Roover qui y prépara le dossier de béatification du prêtre flamand. Les sœurs de Vorselaar ont longtemps soutenu financièrement le Centre.
Robert Daviaud :
En 1999, alors que je visitais les membres du Prado de Belgique, dans un kiosque de l'aéroport de Bruxelles, je tombe sur ce titre d'un journal: "Un disciple du Père Chevrier béatifié, le Père Édouard Poppe". Mon étonnement fut complet et m'a amené à l'époque à me renseigner sur ce prêtre. Il fut influencé fortement par Antoine Chevrier comme l'a indiqué le pape Jean Paul II, dans le sens de la pauvreté et de l'humilité du Christ et de la sensibilité pour les gens pour qui la vie est rude. Il fut également marqué par Thérèse de Lisieux et Louis Marie Grignon de Monfort.
Quelques mots d'Édouard Poppe:
"Ma spiritualité? Dites plutôt un Ave pour moi et ne m'interrogez pas sur ma spiritualité...
Ce que je sais, c'est qu'habituellement j'en cherche les fondements dans l'Évangile, la Sainte Écriture...
Elle s'identifie humblement à la vie de Jésus dans son Église, en dépendance de tous ceux qui tiennent la place du Christ.
Elle ne cherche pas sa matière dans des choses extraordinaires, mais dans les devoirs, les croix, les circonstances où Jésus nous place hic et nunc.
Elle nous porte au détachement le plus complet, extérieur et intérieur, à la plus pure conformité à Jésus,
de manière à nous changer en seconds Jésus, en petits frères envers notre prochain, amis ou ennemis.
Dans cette spiritualité, l'autel occupe le centre avec l'Agneau dessus, comme le Calvaire occupe le centre de l'histoire avec le Crucifié..."
(La joie sacerdotale, Abbé Édouard Poppe 1932))
Une très belle prière de ce prêtre: "Esprit de Jésus, soyez toute ma vie" (on la trouve facilement sur Internet)
Elle n'est pas sans être proche de celle du Père Chevrier "Nous devenons d'autres êtres en Jésus Christ..." (A. Chevrier, Chemins vers le silence intérieur, P. 88)
Luc Lalire :
Merci beaucoup, Christian.
Pour ce travail fouillé, et ces éléments importants rapportés par les biographes du bienheureux E. Poppe ! ça peut effectivement aider à la « renommée de sainteté » de notre Bienheureux Antoine à transmettre à notre postulateur, le Père Gianni.