Prier sans cesse et non prier beaucoup. L’évangile nous propose de prendre le chemin de Jésus qui est en réalité un chemin de conversion

Publié le par Michel Durand

la prière

la prière

Robert Divoux a sollicité les médias, format papier, au moins le quotidien La Croix, pour que l’article de cette page soit publié. N’ayant pas de réponse, il a lui-même envoyé à ses contacts sa réflexion. Je l’en remercie.

Suite à l’article en espérance de publication, Robert nous livre, en annexes, les éléments basiques de sa méditation et réflexion. Bonne lecture !

En 2015, Robert s’est entretenu avec un membre des Baptisés de France (Conférence Catholique des Baptisé-e-s Francophones), Pour lire; venir ici

 

 

PRIER SANS CESSE

 

Il y a quelques mois à la télévision je regardais la messe du dimanche. L’homélie se référait à la situation de notre Monde pour commenter l’évangile. Je réalisais alors qu’un seul message était martelé : « Face à tous ces problèmes que le temps actuel nous pose, nous devons beaucoup prier ». Aucune autre perspective n’était évoquée.

Au fond de moi j’éprouvais une certaine insatisfaction. Prier "encore plus" était-il la solution quand apparaissent des dysfonctionnements dans nos vies, et quand ils persistent ?

Cette insistance auprès des chrétiens pour les inciter à « beaucoup prier » – eux qui, comme tout le monde, voient leur temps occupé à gagner leur vie par le travail, eux qui ont des enfants ou d’autres personnes à prendre en charge (depuis le corps jusqu’à la nourriture intellectuelle), eux qui ont tout simplement à vivre de façon la plus épanouie possible pour eux-mêmes et pour leur entourage… - cette insistance résonnait comme une condamnation. Pour faire bref : « Vous ne mettez pas assez de prières dans la corbeille prévue pour la collecte. Faites-le, et votre situation changera ».

Cette façon de raisonner se posait à moi depuis des années. Un signe : en 2007 à l’occasion d’une rencontre d’Action Catholique j’avais écrit un texte sur ce sujet (voir à la fin : annexe 1). Mais 15 ans sont passés, et de nouveaux éléments de réflexion me sont apparus.

Premier élément : j’ai découvert que cette phrase « il faut beaucoup prier », citée couramment comme « parole d’évangile », n’existe pas dans l’évangile ! J’ai regardé 14 traductions (cf. annexe 2) : AUCUNE bible ne contient cette phrase ! Le plus souvent on trouve : « il faut toujours prier. », ou : « il faut prier sans cesse. »

Seulement ces deux expressions amènent à avoir une tout autre conception de la prière ; avec elles nous changeons de paradigme. « Prier beaucoup » nous incitait à avoir une visée marchande : je te donne tant, et en retour tu m’octroies la faveur demandée. Par contre s’il faut prier « sans cesse » il est clair que la comptabilité n’a plus sa place puisque la prière doit occuper tout notre temps. Mais alors, en étant réaliste, comment comprendre cette exigence qui, elle, est répétée dans l’évangile ?

On sait que s’il y a quelqu’un qui l’a mise parfaitement en pratique, c’est Jésus-Christ. Il sait le poids des mots, et l’on peut aussi être sûr qu’il mettait toujours sa parole en pratique. Dans son travail de charpentier ou seul dans la nature ; avec ses disciples, en famille, au milieu de la foule, à la synagogue ; en marchant sur les chemins ou quand il dormait dans la barque ; au cours des repas de fêtes et de ceux avec les pécheurs, ou encore durant ses jeûnes ; quand il parlait à tous, ou à une seule personne ; quand il était dans le Temple, quand il en chassait les vendeurs ; le matin, le soir, la nuit… dans chacun de ces instants il priait ! Il n’y a pas de doute : Jésus priait sans cesse !

Sans cesse il vivait une familiarité avec son Père et avec l’Esprit-Saint, sans cesse il collaborait avec eux. Toutes ses activités, nourries par cette familiarité, étaient des mises en œuvre de son amour du prochain, les femmes et les hommes du Monde entier. C’est ainsi que tous les instants de sa vie étaient en lui une véritable prière.

L’évangile nous propose de prendre ce même chemin qui est en réalité un chemin de conversion. Prier n’est pas une accumulation de gestes et de mots pour forcer Dieu à faire attention à nous (comme si Dieu pouvait nous oublier !). Prier est au contraire le moyen pour nous de rester ouvert à sa présence, de lui réserver un accueil émerveillé pour ce qu’il est ; un moyen de le remercier. Il est aussi demande de pardon et d’aide pour nous-mêmes et pour tous, au vu de notre faiblesse.

Notre prière est, selon les moments, une prière du cœur, informelle, plus ou moins consciente dans ses premiers instants, et devenant sous-jacente à notre agir… D’autres fois c’est un moment de prière personnelle, inventée par nous-mêmes ou utilisant des formules héritées du passé… Et puis il y a la prière liturgique, prière de l’Église réunie, qui est encadrée afin de permettre l’union des chrétiens en communauté.

Mais ce n’est jamais une formule magique, c’est un engagement de soi. L’évangile lui-même nous prévient : « Ce n’est pas en me disant : « Seigneur, Seigneur », qu’on entrera dans le Royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est dans les cieux. » (Matthieu 7:21)

 

Avant de conclure, mettons-nous à l’écoute d’une chrétienne du passé : SainteThérèse d’Avila. Elle entendait certaines de ses sœurs carmélites se plaindre d’être obligées de quitter leur prière à la chapelle (l’intérieur) pour aller travailler à la cuisine (les choses extérieures). Thérèse leur répond :  

« Quand l’obéissance vous occupera aux choses extérieures, ne vous affligez pas. Si c’est à la cuisine qu’elle vous emploie, comprenez bien que Notre-Seigneur est là, au milieu des marmites, qui vous aide et à l’intérieur et à l’extérieur. (…) Soyez certaines que plus vous ferez de progrès dans cet amour-là (celui du prochain), plus vous en ferez dans l'amour de Dieu. » (cf. Thérèse d’Avila - Les Fondations p. 35)

En paroisse ou à la télévision, le célébrant s’adresse à des laïcs. Ceux-ci ont donc à vivre cette familiarité avec Jésus dans une vie très concrète et multiforme (vie personnelle, familiale, sociale, et même dans certains domaines – en particulier le domaine politique – une vie très collective, puisque finalement toute femme, tout homme dans notre pays et dans le Monde nous est proche en Jésus-Christ).

Gommer en pratique ce concret de la vie pour ne se focaliser que sur la pratique d’un rituel de prières donne peut-être l’impression de donner un sens à sa vie. Mais penser ainsi être de « bons chrétiens » risque fort de n’être qu’une sorte de déguisement exprimant une morale générale, sans vraiment accepter de prendre les moyens de la confronter à la foi en Jésus-Christ, lui qui a orienté toute sa vie par amour pour tous (amour, fraternité, amitié, respect, solidarité…), et qui nous tend la main pour le suivre sur son chemin.

Dans La Croix du 20 janvier 2022, le cardinal Jean-Claude Hollerich (jésuite, archevêque de Luxembourg, président de la Comece - Commission des épiscopats de la Communauté européenne) écrit :

« … après réflexion, je vois bien que le passé de l’Église catholique n’était pas si glorieux. …je me rends compte aujourd’hui qu’il y avait déjà à l’époque, dans cette société, beaucoup de fissures et d’hypocrisie. Au fond, les gens ne croyaient pas plus qu’aujourd’hui, même s’ils allaient à l’église. Ils avaient une sorte de pratique dominicale culturelle, mais sans que cela soit inspiré par la mort et la résurrection de Jésus. Nous devons maintenant bâtir une Église sur la foi. »

 

Robert Divoux - 24 janvier 2022

 

 

annexe 1 écrite en 2007

 

« Il faut prier sans cesse. »

C’est Luc (en Luc 18, 1) qui rapporte ces paroles de Jésus à ses disciples :

« Il faut toujours prier. »

Il n’y a pas d’échappatoire dans ce texte, quelle que soit la traduction : « toujours… sans cesse… constamment… continuellement… »

Et la parabole qui suit ne fait qu’enfoncer le clou.

 

« Il faut prier »… on comprend.

Enfin… un peu !

Mais « sans cesse », « toujours », là on ne comprend plus.

Nous avons quand même à vivre !

Il faut bien un temps pour tout…

 

Prenons une de nos journées :

Je me lève et je me lave,

je parle à ceux qui m’entourent,

je m’habille, je déjeune : « Il faut prier » me dit Jésus.

 

Je pars au travail, seul ou avec beaucoup d’autres 

- À moins que je sois au chômage et que je parte pour en chercher -

je pointe, puis je force de tout mon corps, pendant des heures,

ou je reste rivé devant un écran, ou une machine à coudre :

« Il faut prier. »

 

Je fais du pain, ou le mur d’un immeuble ;

je soigne un bébé ; j’accompagne un vieillard ;

je vais à l’école, j’étudie à la fac ;

je balaie la rue ; je commande une équipe ;

je cultive mon champ, je soigne mes bêtes ;

je suis en réunion ; je voyage pour affaire…

« Il faut prier, et prier sans cesse. »

 

Je discute avec mes copines, mes copains, mes collègues

je me heurte à un chef, ou à un concurrent.

Je suis content du travail fait, ou je suis écœuré par la monotonie de ma tâche ;

je suis marqué par la fatigue, par les gestes répétés, par les obstacles de tous ordres :

pourtant  « … il faut prier. »

 

Je fais mes courses au supermarché du coin,

et je rentre à la maison

en conduisant, ou en me laissant balloter par le train.

Bonsoir !

Je pose tout, les courses et le poids de la journée.

Les enfants m’appellent pour jouer.

Je parle avec ma femme - ou mon mari -,

on se chamaille, on se fait une bise.

C’est le repas, puis on lit, ou on regarde la télé :

pourtant nous dit Jésus  « il faut prier. »

 

C’est l’heure de se coucher !

Bisous à tous. Caresses à deux. Le sommeil arrive… « Il faut prier ! »

 

Nous pourrions raconter d’autres facettes de la vie,

évoquer ceux qui souffrent de maladie, de solitude, d’épreuves lourdes à porter…

De toute façon il faudrait terminer par :

« Il faut prier sans cesse ! » puisque c’est écrit dans l’évangile !

 

C’est vrai que Jésus a vécu comme nous, avec des activités semblables.

On peut donc reconnaître qu’il sait de quoi il parle.

Et l’on peut aussi être sûr d’une chose, c’est qu’il mettait sa parole en pratique :

toute sa Vie était prière.

 

Dans son travail de charpentier ou seul dans la nature ; avec ses disciples, en famille, au milieu de la foule, à la synagogue ; en marchant sur les chemins ou quand il dormait dans la barque ; au cours des repas de fêtes et de ceux avec les pécheurs, ou encore durant ses jeûnes ; quand il parlait à tous, ou à une seule personne ; quand il était dans le temple, quand il en chassait les vendeurs ; le matin, le soir, la nuit… il priait.

 

Il a bien dit « prier », et non « réciter », ni même tout simplement « parler ».

Il ne demande pas de répéter toujours les mêmes gestes, les mêmes formules.

À deux exceptions près cependant, les deux sommets de la prière : l’eucharistie et le "Notre Père".

Mais pour cela il lui suffit de quelques mots pour tout dire.

 

Pour le reste Jésus nous veut libres.

Il nous laisse le soin de découvrir les dimensions de ce mot : prier,

et d’en développer de nouvelles.

Cela donnera sens aux mots : « sans cesse », au mot « toujours ».

 

Notre vie est une suite d’occupations multiples ; à chaque instant il y a une manière différente d’aimer le Christ, et d’aimer ses sœurs et ses frères les femmes et les hommes du monde entier, vivants et morts.

 

C’est sans doute d’abord cela "prier" : aimer, et garder ce même cap dans tout ce que nous faisons,

comme le bateau va vers son port par la meilleure route possible,

en tenant compte des vents, et des écueils à éviter.

Le marin se sert du phare pour fixer son cap : pour nous Jésus est Lumière.

À nous de cheminer en gardant ce cap

et de nous servir des forces que nous avons – si faibles soient-elles – pour avancer, parfois contre le vent, parfois même en fuyant la tempête.

 

« Il faut prier sans cesse »

Ce n’est pas l’ordre d’un chef s’adressant à ses subordonnés ;

ni la revendication d’un commerçant qui exige le plus possible de la prestation attendue de lui,

mais c’est l’invitation d’un frère, du grand frère, qui chemine vers le Père et nous tend la main.

 

Faire de notre vie une ouverture aux autres ;

y chercher, dans chaque étape, l’Esprit de Dieu ;

orienter, vers le cap entrevu, notre propre esprit et notre cœur, notre corps aussi :

n’est-ce pas cela "prier sans cesse", "toujours prier" ?

 

Jésus a pris ce chemin, il a pleinement vécu en ce monde ; aussi, nous-mêmes,

n’ayons pas peur de VIVRE en faisant de cette vie, comme lui, le champ de notre prière !

 

Robert Divoux – 15 août 2007

On trouve également :

« Veillez et priez en tout temps » (Lc 21,36) ; et aussi : « Priez sans cesse » (1Th 5,17).

On ne trouve jamais « Il faut prier beaucoup ».

 

 

 

annexe 2

 

Les 14 bibles consultées :

  1. BBA - La Bible de la Bible Annotée - Sous la direction de F. Godet
  2. BBNT – bible Bayard nouvelle traduction
  3. BFC - bible en français courant
  4. DRB - bible version J.N. Darby 1991
  5. JER - bible de Jérusalem 1998
  6. LSG - bible Louis Segond 1910
  7. Mar - bible Martin - 1744
  8. OST - bible Ostervald révisée 1996
  9. PDV - Parole de vie (français fondamental)
  10. PVV - Parole Vivante  (uniquement le N.T.)
  11. S21 - bible Louis Segond 21e siècle
  12. Sem - bible du Semeur - 2000
  13. SER - bible Segond révisée "à la Colombe" 1978
  14. TOB - bible traduction œcuménique

 

BBA : Luc 18:1  Or, pour montrer qu’ils devaient toujours prier et ne pas se décourager, il leur disait aussi une parabole…

1Th 5,17 Priez sans cesse

BBNT : … à propos de la nécessité pour eux de prier continuellement

1Th 5,17 Ne cessez jamais de prier

BFC : Jésus leur dit ensuite cette parabole pour leur montrer qu’ils devaient toujours prier, sans jamais se décourager…

1Th 5,17 Priez sans cesse

DRB : Et il leur dit aussi une parabole, pour montrer qu’ils devaient toujours prier et ne pas se lasser, disant…

1Th 5,17 Priez sans cesse

JER : Et il leur disait une parabole sur ce qu’il leur fallait prier sans cesse et ne pas se décourager.

1Th 5,17 Priez sans cesse

LSG : Jésus leur adressa une parabole, pour montrer qu’il faut toujours prier, et ne point se relâcher.

1Th 5,17 Priez sans cesse

MAR : Il leur proposa aussi une parabole, {pour faire voir } qu’il faut toujours prier, et ne se lasser point…

1Th 5,17 Priez sans cesse

Ost : Jésus leur dit aussi cette parabole, pour montrer qu’il faut prier toujours, et ne point se relâcher…

1Th 5,17 Priez sans cesse

PDV : Jésus raconte une histoire aux disciples pour leur montrer ceci : il faut toujours prier et ne pas se décourager.

1Th 5,17 Priez sans cesse

PVV : Pour montrer qu’il est nécessaire de prier constamment, sans jamais se décourager, Jésus raconta à ses disciples

la parabole suivante…

1Th 5,17 Que votre vie de prière ne se relâche pas.

S21 : Jésus leur dit une parabole pour montrer qu’ils devaient toujours prier, sans se décourager.

1Th 5,17 Priez sans cesse

Sem : Pour montrer qu’il est nécessaire de prier constamment, sans jamais se décourager, Jésus raconta à ses disciples

la parabole suivante…

1Th 5,17 Priez sans cesse

SER : Jésus leur dit une parabole, pour montrer qu’il faut toujours prier et ne pas se lasser…

1Th 5,17 Priez sans cesse

TOB : Jésus leur dit une parabole sur la nécessité pour eux de prier constamment et de ne pas se décourager…

1Th 5,17 Priez sans cesse

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