L'incomparable puissance de Dieu - puissance de Résurrection - entre dans l'histoire humaine quand l'apôtre place sa propre gloire en Lui

Publié le par Michel Durand

œuvre de Michel Ciry

œuvre de Michel Ciry

 

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Hier matin (24 mai), en lisant la première lecture de l’office eucharistique (la messe), j’ai été très touché par la familiarité du récit. Ac 20,28-38.

 

À Éphèse, pour les disciples du Christ, les « anciens » (presbutéros, presbytres, prêtres), Paul est un ami, un frère, un membre de la famille. Il a travaillé de ses mains pour n’être à charge de personne : « les mains que voici ont pourvu à mes besoins et à ceux de mes compagnons. »

Ecrivant cela, je repense à ce qu’il m’arrive de dire et d’écrire : les prêtres, devraient tous travailler au lieu de vivre exclusivement de l’autel. Ils auraient ainsi une réelle connaissance du monde, des gens. Ils vivraient une plus grande familiarité avec tous.

C’est de cette familiarité que je prends conscience avec les Actes des Apôtres :

Quand Paul eut ainsi parlé, il s’agenouilla et pria avec eux tous.
Tous se mirent à pleurer abondamment ; ils se jetaient au cou de Paul et l’embrassaient ; ce qui les affligeait le plus, c’est la parole qu’il avait dite : « Vous ne verrez plus mon visage. » Puis on l’accompagna jusqu’au bateau.

Combien de fois ai-je lu ce récit ?

Je pense avoir lu sans grande attention. Et cela me suscite cette réflexion : Les textes de la messe sont lus rapidement. Nous lisons sans entendre ; nous passons vite à autre chose sans avoir pénétré la force des évènements vécus dans le récit. Lecture, psaume, évangile, homélies s’enchaînent. Pas de silence, pas d’intériorisation.

Je me demande si, au cours d’une eucharistie, qui parfois ne dure pas plus de 30 minutes - en témoigne « la messe » de 19 h sur le site du Vatican -, nous prenons les moyens d’une juste communion avec l’auteur de la Parole dite. Les mots s’enchaînent et nous ne prenons pas le temps d’en pénétrer le sens. Ce n’est pas ce qui est prononcé qui compte, mais ce qui est suggéré par ce qui est dit : la profondeur de Dieu, Père, Fils, Esprit.

De nouveau (voir la page précédente), je parlerai d’élan mystique.

 

Au travers des mots, il importe de saisir l’invitation à communier (être avec) la personne qui s’exprime.

Et maintenant, je vous confie à Dieu et à la parole de sa grâce, lui qui a le pouvoir de construire l’édifice et de donner à chacun l’héritage en compagnie de tous ceux qui ont été sanctifiés.

Pour sentir la force de cette phrase il importe de s’arrêter sur chaque mot. Prendre le temps ce vivre, d’expérimenter le « vivre avec » fraternel des appelés par le Créateur.

Paul disait :

« Veillez sur vous-mêmes, et sur tout le troupeau dont l’Esprit Saint vous a établis responsables, pour être les pasteurs de l’Église de Dieu, qu’il s’est acquise par son propre sang ».

Je conclurai en disant : moins de messes, plus de méditation, de réflexion, pour plus de communion fraternelle… Une messe qui prend son temps.

« Je vous confie à Dieu et à la parole de sa grâce ».

Seul Dieu peut faire en sorte que la Parole dite soit entendue, reçue. La Révélation s’inscrit dans le vécu de la personne. Elle s’intériorise.

« Car Dieu qui a dit : Du milieu des ténèbres brillera la lumière, a lui-même brillé dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de sa gloire qui rayonne sur le visage du Christ. Mais ce trésor, nous le portons comme dans des vases d’argile ; ainsi, on voit bien que cette puissance extraordinaire appartient à Dieu et ne vient pas de nous. 2 Co 4, 6-7

 

Je cite Christoph Theobald : La Révélation, p. 76

La Deuxième lettre aux Corinthiens aborde cette connaissance d'un point de vue davantage théologal en accentuant l'illumination produite par l'Évangile, opposée à l'aveuglement de l'intelligence par le dieu de ce monde (2 Co 4, 3-4) : Dieu lui-même brille dans le cœur du croyant pour y faire resplendir la connaissance de sa gloire qui rayonne sur le visage du Christ (2 Co 4, 6). Mais ce trésor, l'apôtre le porte dans un vase d’argile ; en son propre corps, il est configuré à l'agonie de Jésus (2 Co 4, 7-14). On ne peut assez le souligner : ce qui est visible aux yeux de tous, c'est la croix du Christ et l'existence de l'apôtre « livrée » à la mission ; c'est dans les péripéties de ce type d'existence que se manifeste le Ressuscité : « Pressés de toute part, nous ne sommes pas écrasés ; dans des impasses, mais nous arrivons à passer ; pourchassés, mais non rejoints ; terrassés, mais non achevés ... ». La raison théologique de ce paradoxe fondamental est inlassablement répétée : « pour que cette incomparable puissance (dynamis) soit de Dieu et non de nous » (2 Co 4, 7) ; « ce n'est pas nous-mêmes, mais Jésus-Christ que nous proclamons.

Quant à nous-mêmes, nous nous proclamons vos serviteurs à cause de Jésus » (2 Co 4, 5).

L'incomparable puissance de Dieu (2 Co 4, 7) - puissance (dynamis) de Résurrection (Ph 3, 10) - entre donc réellement dans l'histoire humaine quand l'apôtre, illuminé au plus profond de lui-même par Dieu et saisi par la connaissance intérieure du Christ, place sa propre gloire en Lui ; ce qui veut dire qu'il la laisse passer du visage du Christ vers ceux dont il se découvre serviteur et dont il dit qu'ils sont « sa gloire et sa joie » (1 Th 2. 19). Et c'est à partir d'eux, comme à partir d'un horizon d’espérance qui s'échappe toujours davantage, que la réflexion de l’apôtre retourne pour lui faire découvrir la force insoupçonnée de l'Évangile dont il est porteur ; au cœur de sa faiblesse, apparaît ainsi la puissance de la Résurrection qui passe entièrement par l'expérience toute intérieure de la Révélation du Fils.

On aura compris que Paul aborde la Résurrection du Christ à partir de ses effets, en particulier les effets historiques qu'elle produit sur le peuple d'Israël et les païens…

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M
Il faut sans doute être vieux pour parler de patience, prendre son temps. Mais c'est tellement vrai. J'ai fait une expérience similaire avec le texte des disciples d'Emmaüs. C'était le texte de la retraite pour la profession de foi que nous utilisions quand j'étais jeune. Une semaine avec ce texte. Je le connais par cœur. Mais cette expérience avec ce texte est fondamentale pour moi. Il me faudrait pouvoir la répéter ! Mais le temps passe... Merci Michel pour ton verbe aguerri, tes paroles vivantes et surtout ton humilité. Parce que en tant que prêtre tu les as lu ces textes toi, encore plus que nous. Et tu t'abaisses à notre niveau, tu fais corps avec nous pour dire qu'il faut encore et encore les travailler ensemble.
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M
Je ne dirais pas je m’abaisse : humain je souhaite seulement vivre avec tous et toutes. Bonne journée Mathieu.