Dans toute se marche vers la prêtrise, Alexis nous partage quelle est la boussole qui lui a permis de tenir dans les crises qu’il a connu.
Actuellement, dans les rencontres d’Église, il est souvent question de « synodalité ». Nous sommes invités à marcher ensemble.
Alors je me questionne : marcher à quel rythme ? Avec lenteur et écoute de tous ou en suivant le rythme d’un chef, d’un « surveillant » (épiscope) ou supérieur qui gouverne la barque commune ? Et, moi même, n’ai-je pas conduit une assemblée de volontaires avec le rythme de ma propre marche ? Je parle évidemment de cléricalisme, de mise en forme de projets en n’arrivant pas à entendre, tout en les écoutant, celles et ceux qui demeurent bien loin du Christ, de l’Évangile, de l’Église, Assemblée de Jésus-Christ.
Assurément mes pensées sont orientées par la mise en page du prochain numéro de Quelqu’un parmi nous qui rassemble des témoignages sur nos façons de réagir face aux multiples crises que nous subissons. Par exemple je lis :
« Qui est pénalisé ? Pas les gouvernants, mais les plus précaires, les travailleurs qui quittent leur travail au risque d'être licenciés, les petits métiers souvent fatigants et dangereux et la plupart du temps mal payés.
La colère des ouvriers est justifiée, et la retraite méritée à un âge raisonnable.
Dans la vie courante il faut aussi beaucoup de courage et d'humilité pour s’imposer. Comment une mère qui encourage son enfant à étudier afin de passer le diplôme du baccalauréat, comment doit-elle réagir et insister si le père répond : il y a des ingénieurs au chômage ?
La vie est pleine d'embuches, pour moi la prière m'aide à résister ».
La synodalité, marcher ensemble, n’est pas vécu car l’invitation à la marche commune demeure celle de suivre le rythme d’un décideur. Alexis dans son témoignage pour devenir prêtre malgré la pauvreté de sa famille, illustre à sa façon mon propos. J’invité à se mettre à son école.
Comment le père Chevrier est-il pour moi un guide, dans l'Évangile, pour mieux connaître Jésus-Christ au sens de naître avec lui et à sa vie nouvelle, afin de le suivre de plus près dans sa pauvreté et être Bonne nouvelle pour les pauvres, et avec eux.
Alexis nous partage quelle est la boussole qui lui a permis de tenir dans les crises qu’il a connu.
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A) En 1944, j'avais 19 ans, j'entrais au séminaire de philosophie. Michel, un séminariste, d'une classe supérieure à la mienne, qui avait participé pendant les vacances à un camp, avec un prêtre, pradosien, et avait connu le Père Petit, à Tournus, responsable de la paroisse, du Prado lui aussi, me passe un Véritable Disciple du père Chevrier. « Le langage date un peu, me dit Michel. Mais lis çà ! »
Ce qui m'a frappé, en parcourant ce livre, ce sont les études d’Évangile qui s'y trouvaient. Je me suis dit : mais c'est comme je fais !
B) À cette époque, et depuis l'âge de 14 ans, déjà attiré par l'Évangile, j'avais pu me procurer les quatre évangile et pas l'Évangile en un seul qui était très répandu. Je faisais étude de Jésus-Christ dans l'Évangile en rapport avec ce que je découvrais en moi, qui n'était pas conforme à Jésus-Christ, (orgueil, mensonge, peur, désobéissance, etc.). Bien sûr, cet attrait pour l'Évangile de l'âge de 14 ans, c'est bien plus tard, qu'il m'est apparu, comme un signe de la présence discrète de Dieu, dans ma vie, comme un appel de Dieu à donner une grande place à la personne de Jésus Christ, à quelqu'un qu'on n’a jamais fini de connaître
- au grand séminaire de Besançon où j’étais en théologie, j'ai suscité un groupe d’Évangile.
- alors qu'au séminaire, l'Écriture Sainte était un petit cours, j’y accordais une grande importance.
Oui il y avait là un appel de Dieu à m'approcher de Jésus Christ ; toujours plus près de LUI.
C) C’est alors que le père Chevrier s'est présenté à moi, comme Celui qui était le mieux placé pour m'aider à répondre à cet appel de Dieu, de plus en plus présent dans ma vie. « Qu'avons-nous à faire ? écrit-il dans le Véritable Disciple » (VD p. 225).
- Étudier notre Seigneur Jésus-Christ
- dans l’Évangile
- en priant beaucoup
- pour conformer ma vie à la sienne.
Voilà donc le premier aspect de la rencontre avec le père Chevrier me disant ce que j'ai à faire.
Voilà surtout le premier aspect de ce que le père Chevrier fait en moi, lui-même pour m'aider à le vivre aujourd’hui.
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A) Un deuxième aspect du Père Chevrier m'est apparu, en lien avec le premier. La pauvreté de ma famille (papa, une sœur, un frère, moi qui n'ai pas connu ma maman, morte à ma naissance, une autre personne avec qui papa s'est remarié, nous a élevés) a fait que mon désir de devenir prêtre, depuis mon plus jeune âge était sans cesse repoussé. « Si tu rentres au séminaire, il faut qu'on soit à peu près assuré que tu ailles jusqu'au bout. Sinon, on a besoin que tu travailles » me disait-on.
B) Je suis entré à 15 ans, au séminaire de Luxeuil, en sautant la sixième. Je ne payais pas de pension. Cette situation m'a marqué.
- À chaque rentrée de vacances, je n'osais pas rentrer chez le supérieur qui me demandait à chaque fois : « votre curé ne vous a rien donné ? »
- C'est alors que je me suis dit : si tu arrives à être prêtre, tu le seras pour les pauvres (ceux qui n'ont pas les moyens financiers, intellectuels, familiaux). C'était pour moi comme un appel de Dieu.
Ça m'a poussé à travailler les cours en classe.
Au niveau conduite, il fallait qu'on n’ait rien à me reprocher.
C'est à cette époque que j'ai lu toute la Bible, attentif à ce qu’elle disait des pauvres.
C) Avec le « Véritable Disciple », je me suis plongé, dans une meilleure connaissance du père Chevrier. Dans la lecture de ses lettres, je me suis arrêté à la lettre 114 qui me semble importante. C'est une lettre qu'il a écrite à Jean Broche, quelques mois avant son ordination et celle de ses camarades à Rome. Et moi-même, j'ai pu lire cette lettre 114 quelques mois avant mon ordination à Besançon en 1950, des mains de Monseigneur Dubourg, qui m'autorisa à partir un an pour faire mon noviciat au Prado à Saint-Fons.
Quel est le contenu de cette lettre 114 ?
1 ) Restons toujours pauvres : que la pauvreté et la simplicité, soient toujours la caractéristique de notre vie.
2 ) Aimons bien les pauvres et les petits. Ne travaillons pas à grandir et à nous élever. Mais travaillons à nous faire petits et à nous rapetisser, que nous soyons à l’égal des pauvres.
3 ) Notre Seigneur était toujours avec les pauvres. Il est venu les chercher, les évangéliser. « Il m'a envoyé évangéliser les pauvres ».
4 ) « Apprenons à bien aimer les pauvres. Comme il fait bon travailler sur eux. On sent qu'ils sont les amis de Dieu ». Ainsi l'Évangile qu'on a à leur partager, on le reçoit aussi d’eux : apprenons d’eux. Mettons-nous à leur école !
Alors le père Chevrier s'est présenté à moi, comme le prêtre le mieux à même de m'aider à répondre à cet appel de Dieu entendu lorsque je suis entré au Séminaire. C'est le deuxième aspect de la personne du père Chevrier très lié au premier.
Être un prêtre pauvre - suivre Jésus dans sa pauvreté, afin d' être Bonne Nouvelle pour eux et avec eux.
Cet aspect de la personne du Père Chevrier m'apparaît si important, que je l'ai glissé dans mon Testament spirituel : « être à l'égal des pauvres pour être avec eux, vivre avec eux, et mourir avec eux ».
Alexis Hôpital, Lyon