Bastien est catholique. Pétri de doutes, il cherche l'amour de Dieu. Son personnage donne une image de la religion à rebours des clichés.

Publié le par Michel Durand

Bastien est catholique. Pétri de doutes, il cherche l'amour de Dieu. Son personnage donne une image de la religion à rebours des clichés.

Je rédige cette page avant tout pour alimenter l’invitation à la signature du livre, Michel Durand, Un prêtre engagé, entre fidélité et insoumission en la libraire de la Procure Saint-Paul, place Bellecour à Lyon, ce mardi 4 juin. Je la rédige pour rendre compte de l’article de Laure Salomon, de Réforme qui présente le roman deSophie Divry, Fantastique Histoire d’amour. La journaliste, Laure Salomon, sur le conseil de Sophie, me téléphona pour avoir plus d’informations sur la période du retour dans l’Église de Sophie. « Un jour, exprime Sophie, je me suis rappelé la qualité de ce qui se trouvait dans la Bible et je me suis dit : lâche ton kimono, l'Évangile c'est mieux. C'était ridicule de refuser mon héritage paternel et de ne pas assumer ma religion ». Avec ce témoignage direct, on peut comprendre immédiatement pourquoi, il y a presqu’une année, j’ai choisi de demander à Sophie si elle accepterait de rédiger une postface.

En fait, j’invite à lire son dernier roman Fantastique Histoire d’amour et je remercie Laure Salomon pour un article si bien documenté.

 

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À lire immédiatement :

 

À la grâce des mots

Roman d'amour et d’amitié

Par Laure Salomon

 

Sophie DIVRY Cette ancienne éclaireuse unioniste, Lyonnaise d'adoption, vit de sa plume et se lance des défis d'écriture. Son dernier ouvrage est un roman d'amour avec un héros chrétien, à la sauce polar et pimenté d'éléments fantastiques, un bijou !

Elle n'avait plus le choix, les histoires grandissaient dans sa tête. Sophie Divry a quitté son confortable CDI de journaliste pour assouvir ce besoin vital d'écrire. « C'est ce que je voulais faire depuis toute petite mais je n'avais pas osé prendre ce risque. » Son père est un commerçant catholique et sa mère, fonctionnaire, vient d'une famille protestante d'imprimeurs d'Uzès. D'ailleurs, Sophie va au catéchisme à l'église catholique et fréquente en parallèle les Éclaireuses et éclaireurs unionistes. « J'ai suivi tout le cursus, de louvette à responsable. Les grands jeux costumés où l'on se prend pour des Indiens ou des explorateurs ont développé mon imaginaire. Cette expérience a ouvert chez moi une capacité à écrire de la fiction, et m'a poussée à la créativité. »

Sophie Divry, née en 1979 à Montpellier, fait les classes préparatoires à Lyon, intègre Sciences Po Lyon puis l'école de journalisme de Lille. « Je me sentais un peu en décalage avec les autres étudiants qui venaient d’un milieu beaucoup plus favorisé que le mien. » Après un stage à La Croix, elle trouve un poste à La Décroissance, journal militant basé à Lyon. « J'y ai vécu de formidables années entre 2004 et 2010. » Sa vie prend un tournant lorsqu'elle décide simultanément de divorcer et de se consacrer enfin au travail de la plume. « L'écriture a tout emporté, résume-t-elle. J'ai vécu un bouleversement. Et j'ai écrit mon premier roman en touchant les allocations de solidarité spécifique. Il faut être zen, car c'est vertigineux et angoissant de savoir que toi seul peux écrire ce livre. »

Après La Cote 400 (2010), elle enchaîne les ouvrages, fait des résidences d'écriture, postule à des bourses. « Je vivais dans 18 mètres carrés et n'avais à m'occuper que de moi. Comme j'écrivais, j'étais heureuse même si la précarité n'était pas très facile à vivre. Pour compléter mes revenus, je faisais des petits boulots, comme serveuse. » Elle a utilisé cette expérience dans Quand le diable sortit de la salle de bain (2015), dont Le Monde disait en 2017 : « Le lecteur sortait ébouriffé de ce texte débordant d'inventivité formelle et de drôlerie. » Sophie Divry confie : « L'écriture, c'est comme le travail de la terre. Il faut savoir quand laisser reposer, quand planter, en fonction du climat. Certains jours, je n'écris pas. Je suis mon état psychique, le rythme de mon corps. Je connais mon cerveau.

Je sais à quel niveau de concentration ou d'amour-propre il est. J'en tiens compte. Quand j'écris, j'ai peu de relations sociales, je ne prends pas de week-end. Je dois suivre mes intuitions pour accoucher de ce qui se passe dans ma tête. Et il y a beaucoup de monde parfois là-dedans ! C'est à la fois génial et particulier. Je suis très heureuse de faire ce travail. »

Sophie Divry entretient un rapport audacieux à l'écriture, elle aime se lancer des défis sur un thème ou un style, à la Georges Perec. Ce qui explique l'éclectisme de ses livres : l'histoire d'une sonde scientifique (Curiosity), un livre d'entretiens sur le mouvement des Gilets jaunes (Cinq mains coupées), une version moderne de Madame Bovary avec La Condition pavillonnaire, un récit dystopique avec Trois Fois la fin du monde… Et le travail a payé. Après huit ouvrages, la voilà qui accède à une plus grande notoriété, avec les ventes qui l'accompagnent, pour Fantastique Histoire d'amour, un roman dense et captivant. Les deux héros, Maïa et Bastien, se retrouvent embarqués dans une enquête sur la disparition mystérieuse d'un salarié d’une usine de traitement des déchets. Impossible de lâcher ce roman aux allures de polar qui tutoie le fantastique. En plein confinement, l'autrice s'était lancée cette fois le défi d'écrire un livre vivant et populaire, un roman d'amour et d'amitié. Et quelle surprise de découvrir que Bastien est un catholique pratiquant ! « Ce personnage chrétien m'a à la fois étonné et fait plaisir, assure Michel Durand, l'ancien curé de l'église Saint-Polycarpe, qui connaît l'écrivaine. Elle ose montrer sa foi chrétienne, ce qui n'est pourtant pas du tout à la mode. Dans les médias, elle ne cache pas son engagement catholique à la suite de l'Évangile et revendique même cette ambition. » Le curé rêverait que Sophie Divry intervienne dans les formations des prêtres pour les aider à comprendre la jeunesse. « Elle est de son temps et peut apporter beaucoup à la réflexion de l'Église. Peu importe les pratiques et l'orientation sexuelles, la morale, le plus important dans la vie d'un chrétien est son attachement à l'Évangile. Ses personnages le disent si bien. » « Je voulais mettre de la religion dans mon livre, mais sincère, sans caricature, confirme l'autrice. Bastien est catholique. Pétri de doutes, il cherche l'amour de Dieu. Son personnage m'a permis de donner une image de la religion à rebours des clichés. Elle fait partie de sa vie sans prendre toute la place. Comme pour beaucoup de croyants. »

Réconcilier une société sécularisée avec le monde des croyants, c'est aussi une des intentions de l'autrice, qui a quitté l'Église à l'adolescence après avoir écrit une lettre à son curé. Au cours de la quête spirituelle qu’elle entreprend alors, elle se tourne vers la méditation zen japonaise. « Un jour, je me suis rappelé la qualité de ce qui se trouvait dans la Bible et je me suis dit : lâche ton kimono, l'Évangile c'est mieux. C'était ridicule de refuser mon héritage paternel et de ne pas assumer ma religion. » Ce retour dans l'Église à 30 ans, elle en a fait un livre. Dans Journal d’un recommencement (2013), elle décrit les offices, sa paroisse de Lyon, ce qu’elle aime dans la foi, en changeant les noms des personnes. « Mais tout le monde se reconnaît », s'amuse Michel Durand. C'est en partie grâce à ce prêtre de gauche, inscrit dans le mouvement du Prado, sensible à l’écologie, qu'elle est revenue dans l'Église. « Mes amis incroyants ne me comprennent pas toujours mais l’Église m'apporte de nouvelles amitiés, des réflexions, elle me permet de chanter, de prier… » Elle contribue à son épanouissement, sans être l'alpha et l'oméga de sa vie. Car sa vie, c'est surtout l'écriture ! Et Sophie Divry sent déjà qu'une autre histoire grandit dans sa tête. « Plus sombre cette fois. » Une nouvelle aventure va commencer…

Sophie Divry, Fantastique Histoire d'amour, Seuil, 2024, 512 p., 24.

LAURE SALAMON

Bastien est catholique. Pétri de doutes, il cherche l'amour de Dieu. Son personnage donne une image de la religion à rebours des clichés.

Réforme - NUMÉRO 4045 - 30 MAI 2024

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