Sans cacher son adhésion à Dieu, transcendant l’univers, il est question de dire ce qui est vécu au quotidien dans sa quête humaine, banale

Publié le par Michel Durand

Sophie Divry

Sophie Divry

source de la photo : à l'époque de cinq main coupées (oct. 2020)

 

Après avoir déposé sur En manque d’Église de nombreuses pages donnant le témoignage de prêtres pradosiens, je suis content de parler du dernier roman de Sophie Divry. Je le trouve pleinement en harmonie avec le souci évangélique et apostolique des pradosiens qui se sont exprimés ces derniers jours. En témoigne le commentaire d’Isabelle suite à la lecture du témoignage de Stephane Boyer : « "Ne pas te dérober à ton semblable". Merci pour ce témoignage inspirant. Je souhaite tellement que la spiritualité s'incarne partout de cette manière, quelle que soit la tradition à laquelle elle se réfère ». Voir ici.

J’ai déjà parlé de Sophie Divry le 1er février. Ce n’était que pour évoquer la sortie de l’ouvrage.

 

Maintenant, je me dois de dire ce que j’en pense. L’impression que ce roman a fait sur moi.

Tout d’abord, j’ai ressenti de la gêne avec les pages évoquant la vie affective et sexualisée. Sophie utilise des mots que je n’emploie (et n’emploierais) jamais. Selon le langage de mon âge, de mon époque, je dirais qu’elle s’exprime trop crûment. Mais, ce qu’elle écrit, ce qu’elle dit, n’est-ce pas ce qui est, banalement vécu ? Penser à quelqu’un provoque une érection. Et alors ? Si cela me choque n’est-ce pas, tout simplement, à cause d’une morale bourgeoisement assimilée sans aucune prise de distance ? Je cite, au hasard : « Nous avons plusieurs types de besoin. Besoins physiques, besoins culturels, besoins sociaux, besoins intellectuels, besoins sexuels, .Après avoir travaillé pendant une semaine, après avoir fait du sport, être allé au cinéma, Maïa avait besoin de faire l’amour. Encore plus en cas de désastre comme celui-là ».

Ou encore : « Florence, comme tant d’autres, ne comprenait pas qu'elle puisse ne chercher le sexe que pour le sexe, et non pour l'amour. Son amie n'aurait jamais osé le dire en ces termes, parce qu'une femme de son milieu, journaliste, diplômé du supérieur, mère de deux enfants inscrits en école de cirque, vivant en couple, avec un architecte végan plaçant son épargne au crédit coopératif, une femme de ce type craint plus que tout d'apparaître comme réactionnaire… Dans son fort intérieur, Florence considérait la liberté sexuelle de Maïa, comme légèrement immature, voir vaguement scandaleuse. Mais, désormais, le scandaleux n'était pas condamné, il était même valorisé – pour éprouver quelque chose, on disait : “c’est malsain” ».

Je dois dire maintenant que j’ai vraiment été captivé par l’effet « suspense ». J’ai poursuivi la lecture par curiosité. Que deviennent Fabien, Maïa ? Où en sont-ils ? Cet appel provoqué à attendre la suite de l’histoire romanesque est même un peu trop systématique. On comprend que le chapitre est bientôt terminé quand des propos invitent à attendre ce qui adviendra. En littérature, il me semble que l’on emploi le mot thriller, expression que je ne comprends pas vraiment. « Le thriller de l'anglais to thrill : « faire frémir ») est un genre artistique utilisant le suspense ou la tension narrative pour provoquer chez le lecteur ou le spectateur une excitation ou une appréhension et le tenir en haleine jusqu'au dénouement de l’intrigue ».

La lecture de Fantastique histoire d’amour m’a confirmé dans l’affirmation que les romans sont très  importants pour comprendre une époque, une société… ce que vivent les gens. Ce que nous vivons nous-mêmes. La fiction romanesque aide à comprendre, de l’intérieur, ce qui se vit dans les familles. En ce sens, ils donnent à sentir l’essentiel banal de toute existence. Il ouvre sur le réel. Le lecteur, avec plaisir, s’incarne dans un monde, le sien. Stéphane Boyer exprime cela en disant qu’il ne se sentait pas à l’aise dans la formation donnée au séminaire diocésain de Dijon. Il dit : « je n’étais pas à l’aise au séminaire de Dijon basé sur l’enseignement. » Un enseignement qui vient d’en haut, qui découle des livres, des doctrines et non du vécu.

Cela me conduit à affirmer que l’orientation réaliste, crue, exprimée par Sophie Divry devrait être objet de cours à l’adresse des séminaristes et religieux engagés dans une vocation missionnaire. La lecture de romans invite à une réaliste connaissance de la société dans laquelle nous vivons. Et, en ce que me concerne très personnellement, je reconnais que ce que je lis aujourd’hui, c’est avant mes 30 ans que j’aurais dû le lire. Certes, on parlait, là où je vivais, de Françoise Sagan, Bonjour tristesse. Mais je ne l’ai jamais lu, me semble-t-il. On en parlait avec distance alors qu’il aurait été profitable pour comprendre l’existentialisme, Jean-Paul Sartre, d’entrer à fond dans l’expression littéraire.

Autrement dit, à la suite de Fantastique histoire d’amour, j’aurais tendance à souhaiter que des cours de morale, d’éthique, de connaissance du vécu dans la société contemporaine - sexuel et affectif - soit donné dans tous les séminaires. Sophie Divry, chrétienne catholique, devrait enseigner dans les maisons de formation religieuse. Je fus étonné d’entendre au cours des entretiens télévisés de présentation de son ouvrage que son engagement d’écrivaine catholique n’était jamais occulté.

« C'est pour cela que vous avez renoncé au suicide l'autre fois ? Parce que vous êtes Chrétiens ?… Non. Si j'ai renoncé, c'est par lâcheté, comme tous ceux qui se ratent.

Fabien. Il était chrétien, il avait foi dans la vie, il ne s'en rendait pas compte…

Vous savez, je suis un catholique français, il ne faut pas avoir peur de moi… J’en prends et j’en jette. »

Ce type de raisonnement est-il inséré dans les programmes en théologie ?

Lisons des romans pour comprendre, à tous les niveaux, ce qui se vit au quotidien. Voilà ce que m’a suggéré la lecture du dernier ouvrage de Sophie Divry.

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I
Un engagement spirituel enraciné dans la réalité : oui, il en faut, du courage pour réorienter nos regards fascinés par le ciel. Ne pas "regarder ailleurs". Un retournement nécessaire, en prise avec l'âme, la psyché, les émotions, sans oublier le corps, l'argile dont nous sommes pétris. Merci pour ce témoignage.
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