Sophie Divry : J’en avais assez qu'il n'y ait aucun personnage catholique dans les romans actuels, que nul héros ne soit un chrétien ordinaire

Publié le par Michel Durand

Sophie Divry : J’en avais assez qu'il n'y ait aucun personnage catholique dans les romans actuels, que nul héros ne soit un chrétien ordinaireSophie Divry : J’en avais assez qu'il n'y ait aucun personnage catholique dans les romans actuels, que nul héros ne soit un chrétien ordinaire

L’hebdomadaire La Vie N° 47088, 4 Janvier 2024 écrit : Les frissons romanesques de ce début d'année viennent de deux formidables écrivaines, la Française Sophie Divry et la Néo-Zélandaise Eleanor Catton, qui nous livrent des thrillers traversés par les maux et les espoirs de notre temps.

Je recopie en cette page les passages qui concernent Sophie Divry.

Pourquoi cela ?

Premièrement parce que nous nous connaissons depuis longtemps sur le terrain des Pentes de la croix Rousse à Lyon, Eglise Saint-Polycarpe. La preuve en est le livre : Journal d’un recommencement. Voir ici, par exempleÉgalement ici.

Deuxièmement parce qu’elle a rédigé la postface du livre de Goulven Jézéquel, Michel Durand,Un prêtre engagé, entre fidélité et insoumission à propos duquel je devrai parler sans tarder.

 

[Ces deux écrivaines] appartiennent toutes deux à la génération des milléniaux, qui a hérité d'une planète en crise. Et c'est avec acuité qu'elles captent les déséquilibres engendrés par le néolibéralisme débridé. Dans Fantastique histoire d'amour comme dans Birnam Wood, ce sont des matériaux très XXIe siècle qui symbolisent l’époque : le cristal scintillateur chez Sophie Divry, les terres rares chez Eleanor Catton. Fascinée par l'accélérateur de particules, la Française a découvert au Conseil européen pour la recherche nucléaire (Cern), près de Genève, les potentialités des matériaux de haute technologie, « proches de la science-fiction », dit-elle : ils transforment la lumière en information et sont utilisés en médecine pour le dépistage des cancers, mais intéressent aussi l'industrie du luxe ou l'aéronautique.

UNE FEMME ET UN HOMME

Chez Sophie Divry, une femme et un homme mènent chacun à leur tour la valse narrative. Maïa, journaliste scientifique, s'impose en fouineuse professionnelle. Bastien, sorte de placide redresseur de torts et chevalier blanc des temps modernes, a la loi à faire respecter : il est inspecteur du travail.

« Un métier trop peu présent dans les romans, tout comme il est rare dans le paysage social : un pour 10000 salariés », souligne Sophie Divry, écrivaine engagée. Le job de son héros permet d'approcher la souffrance au travail de manière réaliste, avant de glisser vers une veine plus fantastique - la romancière est fascinée par l'univers onirique d'un Haruki Murakami ou le monde plus grinçant du génie oublié qu'est l'auteur russe de SF Sigismund Krzyzanowski (1887-1950). Bastien, lui, enquête sur un accident du travail avec mort d'homme : l'ouvrier a basculé dans un compacteur à déchets, énorme machine broyeuse très orwellienne.

L'affaire se complique quand Bastien devient lui-même accro à un résidu de matériau coincé au fond de l'engin... De quoi aborder la solitude contemporaine et les dépendances qui vont avec : « Toute civilisation a ses drogues, il n'y a pas d'individu sans addiction », affirme la romancière. Bastien, le solitaire à tendance alcoolique et misanthrope, se mue en suicidaire agressif... « La haine est désormais devenue l'un de nos carburants : dans les entreprises comme sur les réseaux sociaux. »

Cette bile jaune et corrosive, Sophie Divry la distille à la manière des grands romans russes qu'elle admire pour le combat qui s'y livre entre le bien et le mal. Avec pour antidote la foi catholique de Bastien, que l'écrivaine sait introduire par un cri du cœur fervent et plein d'humour : « Jésus-Christ nous met au défi d'aimer nos ennemis. (.) C'est tout de même un objectif plus élevé que de savoir faire le poirier ! », clame Bastien, à qui la mode du yoga et la recherche forcenée du bien-être individuel donnent des boutons. Comme à Sophie Divry : « J'en avais assez qu'il n'y ait aucun personnage catholique dans les romans actuels, que nul héros ne soit un chrétien ordinaire - qui en prend et qui en laisse, pétri de sa foi et de ses doutes, sans être identitaire ni ringard. Je suis croyante, et alors ? L'un de mes personnages l'est aussi, en toute simplicité. Comme son boulot ou sa vie affective, le catholicisme fait partie de sa personnalité et de ses grandes interrogations sur le mal et l'amour. » Peut-on encore vivre ensemble, que ce soit à deux ou en société ? On en revient à la grande affaire de toute existence: la rencontre.

 

« ROMANESQUE ET POÉTIQUE»

Bien entendu, la romancière prend un malin plaisir à parsemer d'obstacles le parcours de ses héros: quand les deux récits parallèles se rejoindront-ils ? « Je voulais une vraie histoire d'amour romanesque et poétique, même si elle ne s'accomplit pas avec un baiser en haut du Corcovado ! L'amour est aussi quelque chose de simple : trouver la lumière allumée en rentrant à la maison et mettre une deuxième assiette a côte de la sienne.» Roman moral au plus noble Fantastique histoire d'amour met en scène la raison et la foi, la science (« qui consiste à passer d'échec en échec avec une foi constante ») et l'exaltant pari de l'amour (humain et divin)…

Marie Chaudey

 

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