Dieu nous apprend à devenir des écoutants de la vie, c'est ce que l’A.C.O m'a appris, afin de devenir des proposants crédibles de la foi
Bernard Glaisner, prêtre à l’âge de la retraite, m’a demandé de publier les écrits de sa belle sœur Geneviève Glaisner, veuve de Michel Glaisner, son frère diacre également lié à la spiritualité missionnaire du Prado.
En lisant ces textes, je me dis qu’ils se présentent merveilleusement bien à ma réflexion. En effet, ce qu’écrit Geneviève alimente on ne peut mieux ma réflexion sur l’importance de la révision de vie. J’en parlais le 22 octobre.
Je dépose sur cette page l’un des articles. J’imagine qu’il y en aura sur d’autres. Au final, espérant que le projet aboutisse, ce sera l’invitation à lire les 200 pages de Geneviève.
Février 2011
Révision de vie en A.C.O.
Équipe de la Fauconnière - Gonesse
Écouter… pourquoi ? Comment ?
En partant de ma propre expérience, je pense que lorsqu'on est écouté vraiment, cela nous aide à voir plus clair en nous et fait du bien de sentir qu'on a de l'intérêt pour l'autre, cela nous redonne confiance, nous revalorise.
Lorsque j'étais jeune, j'ai rencontré une fille en J.O.C. qui a su m'écouter... Elle s'appelait Marie Jeanne, et j'en garde encore le souvenir ! Pourtant j'étais déjà depuis un certain temps en équipe. Mais c'est elle qui a su me prêter une attention particulière. Comme quoi, savoir écouter n'est pas automatique, même si on est en équipe J.O.C., en Église...
Si on veut être vraiment écouté par l'autre il nous faut aussi avoir le courage de plonger en nous sans peur, et oser exprimer ses souffrances (voir ses espoirs). Cela demande beaucoup d'humilité.
Assez souvent je suis sollicitée par des personnes qui ont un grand besoin de se confier, de dire surtout leurs souffrances. La dernière s'appelle Gladys, c'est une jeune maman de deux enfants, de deux pères différents. Elle héberge aussi une amie, et se retrouvent donc à quatre personnes dans un studio. Après l'avoir écoutée elle me dit : « Je vous remercie de m'avoir écoutée, ça m'a soulagé ». Écouter consiste donc en premier lieu, à donner la parole.
Lors des rencontres avec les familles en deuil, il me faut être particulièrement attentive à ce qui m'est dit de la personne défunte. Ce qui a fait dire après la célébration : « vous avez parlé comme si vous connaissiez notre mère » où encore « vous avez fait revivre mon mari ».
Écouter, c'est aussi accepter de se décentrer de soi et regarder à partir du point de vue de l'autre (encore beaucoup d'humilité !). Cela ne veut pas dire que l'autre a raison sur toute la ligne ! Mais l'écouter vraiment c'est lui donner un espace où quelque chose va pouvoir se construire. C'est aussi faire place au silence de la personne qui se confie, c'est lui permettre de pleurer aussi, lui laisser remonter les mots les plus profonds, retenus souvent depuis longtemps. Peu à peu j'ai vérifié qu'écouter l'autre était une attitude spirituelle, parce que l'écoute apporte plus d'humanité.
Dietrich Bonhoeffer, théologien protestant disait que « le commencement de notre amour pour Dieu consistait à écouter sa Parole et que le commencement de l'amour du prochain consistait à apprendre à l'écouter ». Je crois que ce n'est pas pour rien que l'Église propose souvent des formations à l'écoute et à l'accueil, car le premier service dont nous sommes redevables aux autres, c'est avant tout, de les écouter, et ce n'est pas gagné !
Notre mission de chrétien est de dire Dieu, de transmettre la foi ; mais avant de parler, il nous faut apprendre à écouter et ce n'est pas inné. André Gromolard nous énumère avant tout, ce qu'il faut faire : « Écouter, c'est commencer par se taire, c'est se laisser transformer par l'autre, c'est marcher à son pas. C'est donner à l'autre de l'attention, du temps, une présence affectueuse. À celui qui sait écouter, est donné de ne plus vivre à la surface : il communie à la vibration intérieure de tout vivant. »
Écouter demande un apprentissage, une conversion et c'est l'écoute de la Parole de Dieu qui va m'aider à toujours mieux écouter. La Bible sans cesse nous le rappelle : le prophète Samuel s'adressant à Dieu lui dit « parle, ton serviteur écoute » ; mais aussi les témoins d’Emmaüs en font l'expérience sur le chemin : ils sont tristes et désemparés, mais ils sont écoutés, et quel écoutant ! Jésus va les libérer en les aidant à relire leur vie. Oui, c'est bien Jésus qui va m'apprendre à écouter les autres avec leurs attentes, avec ce qu'ils disent de leur expérience, de leur vie. Écouter vraiment c'est leur dire, sans mot, qu'ils existent, qu'ils sont importants. C'est donc une démarche de foi qui me fait recevoir l'autre comme venant de Dieu. C'est dire à l'autre qu'il a une dignité, que sa vie est importante pour moi, pour Dieu. C'est le reconnaître comme frère. Oui, la vie de l'autre c'est une autre histoire sainte, c'est la Bible qui continue de s’écrire. Mon expérience, ma foi me font dire que Dieu continue de me parler à travers la vie des autres.
Écouter, m'aide aussi à accueillir la vie de Dieu en accueillant la vie des personnes, mais aussi cela me permet d'être à l'écoute de ma propre vie.
Dieu nous apprend à devenir des écoutants de la vie, c'est aussi ce que l’A.C.O m'a appris, afin de pouvoir devenir des proposants de la Foi qui soit crédible.
Dans ma mission de baptisée, je suis sans cesse appelée à écouter. Les gens me font confiance c'est aussi positif pour moi. Marie, en souffrance m'a dit : « Je te remercie, tes mots m'ont beaucoup touchée. » Je sais que l'Esprit nous souffle aussi les mots qui vont apaiser.
Quelques paroles entendues à l'Association Vie Libre et qui traduisent bien combien l'écoute est importante : « Si je viens à Vie Libre, c'est pour être écouté et entouré. J'ai besoin du soutien de Vie Libre, ça fait du bien d'être écouté. » « On est heureux qu'il y ait des sympathisants à Vie Libre, ça procure un grand réconfort et ça redonne confiance ». « Les partages avec les autres nous font réfléchir et avancer. On n'est pas jugé ».
Je terminerai par le témoignage d'Angèle, 90 ans, que j'accompagne spirituellement depuis plusieurs années. Elle est maintenant en Maison de retraite. Elle me dit souvent : « j'ai besoin de toi, je te dis des choses que je ne dis à personne » : « Pendant le temps de Noël, l'animateur de la Maison de retraite s'est déguisé en père noël. Il a perdu son « ventre » et il était un peu ridicule - même s'il a fait ça dans un bon geste - et les petits vieux, les petites vieilles riaient. Il a fait le père noël comme on fait pour les petits enfants. Alors, le jour de noël, pendant le repas à la salle à manger, j'ai chanté deux couplets de « Il est né le Divin Enfant ». Élisabeth et Mr Meyer m'ont accompagné, je ne sais pas si d'autres ont chanté car j'étais trop paniquée et j'avais la frousse, mais les gens ont écouté, personne ne m'a rien dit, ni en bien, ni en mal. Si je ne suis pas morte, l'année prochaine je recommence.
J'avais pourtant peur qu'on me fasse des reproches et qu'on me dise « ici, ce n'est pas religieux » et qu'on se mette à chanter derrière moi « c'est la lutte finale ! » parce qu'il y avait une personne de la maison qui m'a dit un jour : « le premier communiste, ça a été Jésus ». J'étais surprise venant de sa part, elle allait facilement vers les gens et m'avait dit aussi « vous prierez pour moi » ; je lui ai répondu : « mais je prie tous les jours » et elle m'a répondu : « C'est pas vrai ». Cette dame est morte l'autre jour, et je n'ai pas eu le temps de m'expliquer avec elle. Aussi, j'ai voulu chanter ce chant de Noël et je me suis rappelée cette parole de Jésus « si on vous repousse par rapport à Moi, c'est tout à votre honneur » (Béatitudes).
Ils font leurs guignoleries avec leur père noël, pourquoi je ne chanterai pas « Il est né le Divin Enfant » ? Et le Seigneur m'a aidé, il m'a accompagné et j'ai chanté les deux couplets. C'était pour qu'ils sentent un peu que c'était le jour de la naissance de Jésus. Ça m'embêtait qu'il n'y ait rien dans le sens de Noël. Si on m'avait attaquée en paroles, remarque, j'ai la langue bien pendue... !
Bravo Angèle, tu as été un vrai témoin de la foi, et le Seigneur te le rendra. « Souvent, je dis que je ne fais plus rien » - mais tu sais bien que tu ne peux plus et le Seigneur le sait encore mieux que toi, il nous demande de faire chacun selon ses capacités, comme dans la Parabole des Talents, et il te dira aussi « Bon et fidèle serviteur, entre dans la Joie de ton Maître ».
Au quotidien, j'essaye d'être le signe d'une Église qui accueille, qui écoute la vie. Attentive aux morceaux de vie, aux vies en morceaux aussi... Je confirme qu'écouter vraiment est une attitude spirituelle, et il me faut apprendre à toujours mieux écouter comme Jésus savait le faire et pour cela, c'est sans cesse un travail de conversion. La Parole de Dieu nous le rappelle souvent.
Si nous apprenons à écouter l'autre, il pourra peut-être à travers nous, y trouver le signe de l'Amour de Dieu.
« DIEU A CRÉÉ L'HOMME A VEC DEUX OREILLES ET UNE SEULE BOUCHE, POUR QU'IL ÉCOUTE DEUX FOIS PLUS QU'IL NE PARLE ! »