le fidèle du Christ invité au discernement
Le commentaire de Daniel (23/09/2007) m’a ouvert l’esprit à quelques nouvelles réflexions sur l’attitude et le devoir critiques dans l’Eglise. Je l’en remercie.
J’ai souvent observé que quand on ne manifestait pas une adhésion inconditionnée en l’autorité, cela paraissait suspect. En fait, cela dérange. On va même chercher des versets d’Evangile pour rappeler que le chrétien ne juge pas son frère : « ne vous posez pas en juges afin de n’être pas jugés » (Mat 7, 1).
Pourtant, le devoir de vérité existe. Tout ne peut-être admis : « Si ton frère se rend coupable à ton égard, va le trouver seul à seul et montre-lui sa faute. S'il t'écoute, tu auras gagné ton frère. Mais s'il refuse de t'écouter, prends une ou deux autres personnes avec toi, afin que, comme le dit l'Écriture, «toute affaire soit réglée sur le témoignage de deux ou trois personnes.» (Mat 18-15-16)
Devoir de vérité ! dans le dialogue.
En fait, cela est beaucoup plus difficile que la simple abstention : ne pas juger. Dans cette assertion, on confond discernement et condamnation. Juger, c’est d’abord discerner et non pas condamner à priori.
Adhérer à l’Eglise, à la tradition chrétienne, et adhérer au monde présent ne peut se réaliser sans vouloir une grande fraternité humaine, le respect, l’amour envers tous, la connaissance et reconnaissance des cultures diverses. Or, toute cette connaissance ne peut que se réaliser dans la vérité, laquelle nécessite un esprit critique. La foi n’est pas la crédulité. La foi est discernement. La foi n’est pas la croyance qui a peur de l‘interrogation. Elle est elle-même questionnement. Elle est, dans sa vocation à rejoindre le Vrai, en quête de toujours plus de justesse. L’homme ne devient pleinement homme que quand il pose sur le monde, l’Eglise et sur lui-même un regard interrogateur. Il est doué d’une force critique incomparable. Telle est sa grandeur. La puissance que le maintient dignement debout ou qui l’aide à se redresser ; toujours dans la dignité.
Une foi critique d'elle-même !
Ôte d'abord la poutre de ton œil avant d'ôter la paille de l'œil de ton voisin ! C'est là, je pense, un aspect décisif : le christianisme à venir n'a plus peur de la critique ; en lui la force de la foi se confond avec une recherche inconditionnelle de la vérité. Plus de « mais » restrictif, de « jusque-là mais pas plus loin »! Et si cette recherche amène les interrogations les plus sévères - ce que le croyant apeuré nomme doutes - on n'a plus peur de les affronter. La foi peut penser.
La critique portera bien sûr sur les malheurs trop visibles du christianisme, mais aussi sur des misères plus secrètes et d'autant plus dangereuses : la puissance d'un système doctrinaire-disciplinaire qui « filtre le moucheron et avale le chameau » ; la dérive de la foi en l'amour vers une religion de la peur et de la culpabilité, jusqu'à ce retournement complet qui fait du Dieu amour un despote tout-puissant, persécuteur et trompeur ; ce resserrement anxieux qui, sous des allures de fermeté et d'assurance, rend impuissant, rend la foi incapable de créer la nouveauté évangélique au sein de la modernité. Et cœtera.
Et le plus dur, sans doute, est tout ce côté de violence, éclatante ou secrète, qui a marqué l'histoire du christianisme et des chrétiens. Les mêmes, pointilleux jusqu'à l'obsession en matière de sexe ou de rite et complices, auteurs, admirateurs des pires massacres et des pires oppressions !
Misères d'hier, dit-on ; étrangères aux générations nouvelles. Je crains qu'elles ne pèsent encore beaucoup plus qu'on ne croit. Et les « générations nouvelles » risquent, elles, d'avoir un Dieu mou ; quand elles sont chrétiennes (ce qui n'est pas majoritaire !), elles risquent de l'être dans une espèce de facilité affective, d'engouement - et de versatilité - où l'on peut voir un effet de réaction, même pas conscient d'ailleurs, à la doctrine-discipline de leurs parents ou grands-parents, et aïeux.
Au fond, même critique : contre tout ce qui laisse se perdre la vigueur de l'Évangile, sa vigueur neuve, soit par crispation et rétrécissement, soit par amollissement et arrangement. Et, dans les deux cas, c'est en fait par conformité à « l'esprit du monde ». Dans les temps d'idéologie impérieuse, l'Église fonctionne sur ce modèle-là ; à l'âge d'Internet et de la permissivité, elle est encore miroir du temps.
Et, envers ce temps, la critique sera sévère. Pas du tout par opposition systématique. Mais parce que ce que l'Évangile donne à voir et entendre, quant à la vérité de l'homme, est une sorte de Jugement dernier permanent de ce que sont, en fait, les sociétés humaines.
Ainsi, libre disposition à la vérité, soit telle qu'elle s'impose par les faits, soit telle qu'elle se donne dans l'écoute d'une parole qui nous rejoint au décisif.
Finalement, il n'y a pas opposition, il y a plutôt coïncidence entre l'attitude d'accueil et d'écoute et la critique la plus aigüe, capable de critiquer la critique même, quand elle devient prétentieuse et trop sûr l’elle.
(Maurice Bellet, La quatrième hypothèse sur l’avenir du Christianisme)
La vérité de l’Evangile, sa radicalité, pour qu’elle soit maintenue demande la vigilance d’un esprit critique. Dignité et grandeur de l’homme.
J’ai souvent observé que quand on ne manifestait pas une adhésion inconditionnée en l’autorité, cela paraissait suspect. En fait, cela dérange. On va même chercher des versets d’Evangile pour rappeler que le chrétien ne juge pas son frère : « ne vous posez pas en juges afin de n’être pas jugés » (Mat 7, 1).
Pourtant, le devoir de vérité existe. Tout ne peut-être admis : « Si ton frère se rend coupable à ton égard, va le trouver seul à seul et montre-lui sa faute. S'il t'écoute, tu auras gagné ton frère. Mais s'il refuse de t'écouter, prends une ou deux autres personnes avec toi, afin que, comme le dit l'Écriture, «toute affaire soit réglée sur le témoignage de deux ou trois personnes.» (Mat 18-15-16)
Devoir de vérité ! dans le dialogue.
En fait, cela est beaucoup plus difficile que la simple abstention : ne pas juger. Dans cette assertion, on confond discernement et condamnation. Juger, c’est d’abord discerner et non pas condamner à priori.
Adhérer à l’Eglise, à la tradition chrétienne, et adhérer au monde présent ne peut se réaliser sans vouloir une grande fraternité humaine, le respect, l’amour envers tous, la connaissance et reconnaissance des cultures diverses. Or, toute cette connaissance ne peut que se réaliser dans la vérité, laquelle nécessite un esprit critique. La foi n’est pas la crédulité. La foi est discernement. La foi n’est pas la croyance qui a peur de l‘interrogation. Elle est elle-même questionnement. Elle est, dans sa vocation à rejoindre le Vrai, en quête de toujours plus de justesse. L’homme ne devient pleinement homme que quand il pose sur le monde, l’Eglise et sur lui-même un regard interrogateur. Il est doué d’une force critique incomparable. Telle est sa grandeur. La puissance que le maintient dignement debout ou qui l’aide à se redresser ; toujours dans la dignité.
Une foi critique d'elle-même !
Ôte d'abord la poutre de ton œil avant d'ôter la paille de l'œil de ton voisin ! C'est là, je pense, un aspect décisif : le christianisme à venir n'a plus peur de la critique ; en lui la force de la foi se confond avec une recherche inconditionnelle de la vérité. Plus de « mais » restrictif, de « jusque-là mais pas plus loin »! Et si cette recherche amène les interrogations les plus sévères - ce que le croyant apeuré nomme doutes - on n'a plus peur de les affronter. La foi peut penser.
La critique portera bien sûr sur les malheurs trop visibles du christianisme, mais aussi sur des misères plus secrètes et d'autant plus dangereuses : la puissance d'un système doctrinaire-disciplinaire qui « filtre le moucheron et avale le chameau » ; la dérive de la foi en l'amour vers une religion de la peur et de la culpabilité, jusqu'à ce retournement complet qui fait du Dieu amour un despote tout-puissant, persécuteur et trompeur ; ce resserrement anxieux qui, sous des allures de fermeté et d'assurance, rend impuissant, rend la foi incapable de créer la nouveauté évangélique au sein de la modernité. Et cœtera.
Et le plus dur, sans doute, est tout ce côté de violence, éclatante ou secrète, qui a marqué l'histoire du christianisme et des chrétiens. Les mêmes, pointilleux jusqu'à l'obsession en matière de sexe ou de rite et complices, auteurs, admirateurs des pires massacres et des pires oppressions !
Misères d'hier, dit-on ; étrangères aux générations nouvelles. Je crains qu'elles ne pèsent encore beaucoup plus qu'on ne croit. Et les « générations nouvelles » risquent, elles, d'avoir un Dieu mou ; quand elles sont chrétiennes (ce qui n'est pas majoritaire !), elles risquent de l'être dans une espèce de facilité affective, d'engouement - et de versatilité - où l'on peut voir un effet de réaction, même pas conscient d'ailleurs, à la doctrine-discipline de leurs parents ou grands-parents, et aïeux.
Au fond, même critique : contre tout ce qui laisse se perdre la vigueur de l'Évangile, sa vigueur neuve, soit par crispation et rétrécissement, soit par amollissement et arrangement. Et, dans les deux cas, c'est en fait par conformité à « l'esprit du monde ». Dans les temps d'idéologie impérieuse, l'Église fonctionne sur ce modèle-là ; à l'âge d'Internet et de la permissivité, elle est encore miroir du temps.
Et, envers ce temps, la critique sera sévère. Pas du tout par opposition systématique. Mais parce que ce que l'Évangile donne à voir et entendre, quant à la vérité de l'homme, est une sorte de Jugement dernier permanent de ce que sont, en fait, les sociétés humaines.
Ainsi, libre disposition à la vérité, soit telle qu'elle s'impose par les faits, soit telle qu'elle se donne dans l'écoute d'une parole qui nous rejoint au décisif.
Finalement, il n'y a pas opposition, il y a plutôt coïncidence entre l'attitude d'accueil et d'écoute et la critique la plus aigüe, capable de critiquer la critique même, quand elle devient prétentieuse et trop sûr l’elle.
(Maurice Bellet, La quatrième hypothèse sur l’avenir du Christianisme)
La vérité de l’Evangile, sa radicalité, pour qu’elle soit maintenue demande la vigilance d’un esprit critique. Dignité et grandeur de l’homme.