Sur-croissance et convoitise

Publié le par Michel Durand

L’idée d’un progrès infini, d’une croissance absolue vient de la convoitise individuelle et sociale.
Avant de lire ce texte ci-dessous de Jacques Ellul, rappelons-nous que exousia signifie les autorités, un « plus » provenant du cœur humain imposant ses modes de voir à tous.

SI TU ES LE FILS DE DIEU


« Tout s’enracine dans la convoitise ».
Regardons le récit de la Genèse « où nous trouvons les deux niveaux de la convoitise : la femme regarda l'arbre et vit que son fruit était agréable à la vue (convoitise des yeux), précieux pour ouvrir l'intelligence (convoitise du savoir... lequel ?) et qui correspond à la convoitise suscitée par le serpent : « Vous serez comme des dieux capables de dire ce qui est bien et ce qui est mal », convoitise absolue : être comme Dieu !

De là en effet dérive tout le reste, et spécialement ce que nous connaissons dans notre monde actuel, à savoir de proclamer bien ce qui manifestement est mal (par exemple tuer pour la patrie, ou pour le parti, ou pour la religion) et proclamer mal ce qui est dit bien par Dieu (par exemple, la récusation des autorités, le combat pour une véritable liberté, la véritable autonomie de la personne). Et cette convoitise se porte à son sommet sur l'autre. Elle est alors l'inverse de l'amour. Domination de l'un sur l'autre, quel que soit cet autre, la femme, l'enfant, le vaincu, autrefois le nègre ; maintenant l'esprit de puissance habite dans l'islam, contre l'Occident.

WERFF-ADAM-ET-EVE.jpgAdam et Eve, Adriaen Van der,
Van der Kralinger-Ambach, XVII-XVIIIe

Mais la convoitise, l'esprit de puissance ont un caractère individuel, habitant au cœur de chacun, cependant que tous étant habités par cette convoitise, c'est donc le corps social qui, tout entier, l'exalte. El il se produit le phénomène de l'exousia ; c'est-à-dire que la totalité des individus d'un corps social ne produit pas seulement une addition de puissance, mais aussi un plus, qui donne à la société son caractère incommensurable à l'individu, et un sens ultime, qui contraint tout individu et qui fait que seul le corps social paraît légitime (d'où l'interprétation absurde de la « démocratie »). Et ce sera de ce corps social que vont naître alors un esprit de puissance au second degré, une convoitise au second degré, qui, à la fois, donnent un sentiment de vérité absolue et poussent à satisfaire notre convoitise personnelle dans la voie ouverte pour ce corps social. La tentation prend donc à la fois son origine dans notre personne, et trouve sa justification dans le corps social qui lui donne souvent la possibilité de s'accomplir.

Mais pour qu'il y ait tentation, il ne suffit pas que la convoitise existe, Elle pourrait rester enfermée dans notre cœur et se borner à nous torturer. Jacques nous dit que l'on est « amorcé », attiré, appâté. Il faut qu'il y ait une circonstance extérieure - rencontre, événement fortuit ou provoqué - qui amorce la convoitise, L'homme assoiffé d'argent ne le volerait pas s'il n'avait la rencontre brusque avec l'argent à sa disposition (ou presque... ce serait si simple de gagner ces millions à portée de la main). L'homme habité par l’Eros peut rester torturé, refoulé, jusqu’au moment où il rencontre la femme ,qui devient brusquement pour lui la Femme, et qui de plus semble l’accueillir. Ainsi la tentation est la conjonction entre cette convoitise et cette circonstance.

« Le diable n’est que le représentant de l’humanité entière, qui parle en son nom. Il n’est qu’un personnage symbolique et artificiel, le vrai tentateur étant l’humanité, personnelle et sociale ».

Jacques Ellul






Publié dans écrit de Béni Isguen

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