La convoitise comme ressort de la consommation, face à la sagesse de la modération qui donne sens à la vie.

Publié le par Michel Durand

Être passionné pour une tâche, c’est avoir compris le sens, l’intérêt qu’elle contient. Dans le choix d’une profession par exemple, il importe grandement d’avoir saisi la valeur du travail à accomplir. On pourra même parler dans ce contexte de « vocation ». Plus qu’un métier, c’est une « vocation ».
« J’aime ce que je fais, dira celui qui ne compte pas ses heures ».

À l’opposé, celui qui ne voit dans le travail qu’une occasion de gagner de l’argent, ne trouvant aucun intérêt dans ce qu’il fait, trouvera fort longues ses heures. « Interminables ! »
« Le travail que j’accomplis n’a pour moi aucun sens. Il n’y a rien de valorisant ».
Quel sera alors le ressort qui permet de durer ?
Le salaire.

On n’est motivé à accepter les dévalorisantes conditions du travail que par l’argent qu’il procure. 
« La fiche de paye, voilà le sens de mon boulot ».
Le pouvoir d’achat !
Un économiste parlerait mieux que moi de l’étrange engrenage qui soutient depuis des siècles les hommes au travail.
Il y a d’abord la nécessité de sortir de la misère. C’est l’acceptation de n’importe quel travail pour se procurer le minimum vital : un toit, des vêtements, de la nourriture.
Dans une situation de pauvreté, le quotidien est assuré, mais il faut continuer à travailler dur au cas où la maladie surviendrait. Les lendemains demeurent incertains. Si l’hiver est froid, par exemple, il n’est pas possible de se chauffer correctement.
Il y a quelque temps un habitant du M’Zab, région du désert saharien où j’ai vécu ce mois de janvier, me faisait remarquer que, « quand on a les moyens, on passe les mois d’hiver sans même s’en apercevoir ». Maisons chauffées, vêtements chauds sont autant de « moyens » qui aident à vivre le froid.
Quand va-t-on s’apercevoir que les « moyens » envisagés dépassent largement ce dont on a besoin ? Où commence l’enrichissement ?
Il semblerait que les Occidentaux considèrent qu’il n’y a pas de limites à l’acquisition d’argent. Plus il y en a, mieux c’est. L’histoire traditionnelle du M’Zab, selon mes petites connaissances, indique le contraire, notamment dans la construction de l’habitat. Il suffit de bâtir selon les besoins. L’homme mesure, au plus 1 m 80, pourquoi construire une porte plus haute ? L’ostentation et le superflu n’ont pas de place. Je pense qu’un jour, je développerai, photo à l’appui, cet aspect.
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Revenons à la question du pouvoir d’achat
Il est tributaire du travail. Bon métier égale bon salaire, donc bon pouvoir d’achat.
Ou alors, petit métier, nombreuses heures travaillées pour, enfin, augmenter, un peu, son pouvoir d’achat.
Il est important de favoriser celui-ci, car c’est lui qui va permettre l’accroissement de la production. Travailler, gagner de l’argent, consommer, entretient le système productiviste. En effet, pour s’enrichir, il faut produire, donc, en conséquence, inciter à consommer la production. Tel est le rôle de la publicité : pousser à consommer afin de garantir l’écoulement des objets produits. « Consomme et tais-toi » soulignent, ironiquement, les « Casseurs de pub ».
Mais il n’est pas nécessaire que je m’étende sur ce propos qui est archi connu. Je souhaite plutôt essayer de tracer le lieu de la limite entre besoins de première nécessité pour sortir, bien évidemment de la misère, mais aussi de la pauvreté et dépassement abusif de ce qui est utile à l’homme pour son bonheur. Quand entre-t-on dans l’ostentatoire ?

On entre dans l’ostentatoire avec la convoitise.
Que l’homme soit tenté d’avoir toujours plus, personne ne peut le nier. La tentation est diablement humaine, comme le dit Jacques 1, 13-14 : « Que nul, quand il est tenté, ne dise : "ma tentation vient de Dieu". Car Dieu ne peut être tenté de faire le mal et ne tente personne. Chacun est tenté par sa propre convoitise qui l’entraîne et le séduit ». La convoitise est la source de tout mal parce qu’elle incite à vouloir avoir plus que le voisin, être mieux que lui, avoir plus de moyens. Tel le côté ostentatoire de l’habitat qui montre que l’on a mieux réussi, que l’on est plus riche qu’autrui.
Selon Jacques Ellul :
« La clé de la tentation, c’est la convoitise qui est en chacun de nous, dont l’autre face s’appelle esprit de puissance »
. Pour lui, « la convoitise englobe toutes les origines de la tentation, mais lorsque celle-ci concerne l’être humain, elle prend la forme de l’esprit de puissance ».

En effet, c’est au cœur de l’homme que sortent les pensées mauvaises (cf Marc 7, 21-22).
Marc cite dans ce chapitre 7, les traditionnels commandements de Dieu (le décalogue de Moïse). Relisons-les. Exode 20. Ils parlent également de convoitise.
« Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain ; ce serait un vol.
Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain ; ce serait adultère.
Tu ne convoiteras rien de ce qui est à autrui
».

Certes, aujourd’hui, il y a d’autres moyens que le vol pour assouvir sa convoitise. C’est le pouvoir de l’argent. Si je me permets ce rapprochement, c’est tout simplement pour signaler le problème en sa racine. Le désir d’avoir plus découle de la convoitise interne à chaque humain. Aussi, une effective objection de croissance dans son désir de construire un nouveau mode de vie ne saurait ignorer cette fondamentale tentation. Pour la combattre, il n’y a que la sagesse de la modération de ses envies afin de trouver le sens de l’existence dans un en deça de la consommation. La lecture des évangiles donne de nombreuses pistes de cette vie simple.

Publié dans écrit de Béni Isguen

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