Désacraliser l'Economie
Albert Rouet, archevêque de Poitiers, compte parmi ceux qui prennent courageusement position, au nom de l'Evangile et de l'Eglise, dans le monde actuel. Soit dans
le domaine de l'art contemporain (L'église et l'art d'avant-garde : de la provocation au dialogue ; Gilbert Brownstone ; Albert Rouet ; Paris : Albin Michel, 2002), soit dans celui des loisirs
(session à la pastorale du Tourisme), soit dans les questions qui traitent du développement intégral de l'homme. Je l'ai vu, sinon soutenir toutes idées, au moins ouvert à la rencontre et au
dialogue. Même ceux et celles qui auraient une pensée négative, destructrice vis-à-vis du christianisme, comme dans le cadre de certaines créations artistiques, même ceux-là, dit-il, ont quelques
choses à nous apprendre sur l'homme d'aujourd'hui. Cela peut être un désespéré cri d'alarme. Il faut savoir l'écouter.
J'espère que l'occasion se présentera pour entendre son avis sur le mouvement militant dit de la « décroissance » dont, vous vous en êtes aperçus, « En marge d'Église », le blogue qui vient de fêter son premier anniversaire à la mi-mars, alimente largement la réflexion. Tel est l'axe d'étude que je me suis fixé depuis quelques mois.
Mgr Albert Rouet a préfacé l'ouvrage de Pierre Vilain, « l'avenir de la terre ne tombera pas du ciel », DDB, 2007.
Dans le présent article, je voudrais souligner quelques points dont la connaissance me semble d'autant plus essentielle qu'ils ont plutôt tendance à être occultés.
Déjà, Jacques Ellul, entre autres, m'a alerté sur la sacralisation du libre marché. L'économie est une divinité moderne intouchable. Albert Rouet souligne que dans la ligne du Siècle des Lumières, la sécularisation n'a pas évacué le sacré, mais déplacé. « Le marché est sacré, les cours de la bourse et les matches de foot prennent une aura sacrée ». Personne ne semble en contester la dévotion qui leur serait due pour être conforme aux lois de la réalité. « Les scientifiques lois de l'économie ne peuvent qu'être respectées. Personne ne peut les contredire » entendons nous dire de tous côtés. « Les hommes doivent s'y soumettre ! » Cet économisme au service du profit invite à rappeler à la connaissance chrétienne que seul l'homme est le but de toute activité.
Paraphrasons : la loi (économique) est au service de l'homme et non au service de la loi (économique). L'homme est un mystère que l'on ne peut enclore dans aucune loi et vouloir saisir l'humanité dans une vision unique relève d'un rêve fou. L'Occident, malgré les méfaits de la colonisation du XIXe siècle n'aurait-il pas encore compris que son idéal de société (matérialiste) n'ait pas apporté et n'apportera pas le bonheur ?
Maurice Bellet, encore un écrivain que nous rencontrons souvent sur le chemin de notre réflexion portant sur les aspects positifs de l'objection de croissance (économique), écrit quelque part : « tout le monde suit l'Occident, mais l'Occident ne va nulle part ». Or l'occident mène le monde ! Alors, où allons-nous ? C'est bien la question qu'il fallait se poser. Et pour y répondre, ne nous laissons pas endormir par les idéologies. « On dit volontiers, écrit Albert Rouet, qu'aujourd'hui les idéologies sont mortes. Il n'en est rien : il reste celle, pesante, universelle, de la mondialisation des marchés. Son néolibéralisme dicte les succès, impose un idéal donc un mode de vie, celui d'un marché unique, lieu de toutes les concurrences les plus cruelles. Son appétit inextinguible sert une minorité de nantis dont la richesse ne cesse de croître au détriment de la majorité des humains ».
C'est justement ce constat qui me fait penser que, vraisemblablement, il doit y avoir d'importantes valeurs dans le regard critique que les « casseurs de pub » jettent sur la croissance indéfinie et infinie. Un sérieux inventaire doit pouvoir se dresser de leurs idées pour déterminer quelle part l'idéologie tient dans ce mouvement qui me semble remonter à René Dumont avec le très célèbre slogan de la croissance zéro (1974).
Pourquoi l'Église, pourquoi les chrétiens, qui pourtant connaissent bien les prophéties d'Amos (A Samarie (dans vos villes) s'étale le luxe et fleurit ce qu'on peut nommer le snobisme des parvenus), demeurent timides devant l'inacceptable déséquilibre mondial entre riches et pauvres ? Pourquoi des prophètes, évêques, comme Don Elder Camara n'ont pas eu des successeurs dignes de leurs avancées ? « Ces croyants, comme leurs contemporains, note Mgr Rouet, ne discernent que fort mal ce qui se tient en dehors de l'ordre où ils vivent ».
Est-ce pour cela que l'on se trompe sur l'usage de l'argent ? C'est plus qu'une matière d'échange. C'est le pouvoir sur autrui qu'il confère à celui qui en possède. On pourrait reprendre ici ce que je disais, il y a quelques jours, sur les « moyens ». Celui qui a les moyens, celui qui n'a pas les moyens...
Jacques Ellul parle du Dieu Argent : Mammon, facteur d‘une moderne idolâtrie. « La volonté infantile de tout avoir conduit aux violences de l'accaparement. Le manque d'avoir est chargé de cacher l'inéluctable manque à être. Ainsi, l'homme se cache qui il est », conclut Albert Rouet.
À force de mettre en avant les « choses », les matières, les productions, les objets du marché, on oublie l'essentiel : l'homme est son mystère. N'est-ce pas le Christ Jésus qu'il faut écouter pour savoir où en est l'homme ? Cet être spirituel appelé à une fraternité universelle au service de laquelle toute loi doit se disposer ! Non pas dans un refus de la modernité, mais dans une saine compréhension qui l'harmonise avec le message évangélique. Disciples du Christ, nous sommes la lumière du monde, le sel de la terre (Mt 5,13-14).
J'espère que l'occasion se présentera pour entendre son avis sur le mouvement militant dit de la « décroissance » dont, vous vous en êtes aperçus, « En marge d'Église », le blogue qui vient de fêter son premier anniversaire à la mi-mars, alimente largement la réflexion. Tel est l'axe d'étude que je me suis fixé depuis quelques mois.
Mgr Albert Rouet a préfacé l'ouvrage de Pierre Vilain, « l'avenir de la terre ne tombera pas du ciel », DDB, 2007.
Dans le présent article, je voudrais souligner quelques points dont la connaissance me semble d'autant plus essentielle qu'ils ont plutôt tendance à être occultés.
Déjà, Jacques Ellul, entre autres, m'a alerté sur la sacralisation du libre marché. L'économie est une divinité moderne intouchable. Albert Rouet souligne que dans la ligne du Siècle des Lumières, la sécularisation n'a pas évacué le sacré, mais déplacé. « Le marché est sacré, les cours de la bourse et les matches de foot prennent une aura sacrée ». Personne ne semble en contester la dévotion qui leur serait due pour être conforme aux lois de la réalité. « Les scientifiques lois de l'économie ne peuvent qu'être respectées. Personne ne peut les contredire » entendons nous dire de tous côtés. « Les hommes doivent s'y soumettre ! » Cet économisme au service du profit invite à rappeler à la connaissance chrétienne que seul l'homme est le but de toute activité.
Paraphrasons : la loi (économique) est au service de l'homme et non au service de la loi (économique). L'homme est un mystère que l'on ne peut enclore dans aucune loi et vouloir saisir l'humanité dans une vision unique relève d'un rêve fou. L'Occident, malgré les méfaits de la colonisation du XIXe siècle n'aurait-il pas encore compris que son idéal de société (matérialiste) n'ait pas apporté et n'apportera pas le bonheur ?
Maurice Bellet, encore un écrivain que nous rencontrons souvent sur le chemin de notre réflexion portant sur les aspects positifs de l'objection de croissance (économique), écrit quelque part : « tout le monde suit l'Occident, mais l'Occident ne va nulle part ». Or l'occident mène le monde ! Alors, où allons-nous ? C'est bien la question qu'il fallait se poser. Et pour y répondre, ne nous laissons pas endormir par les idéologies. « On dit volontiers, écrit Albert Rouet, qu'aujourd'hui les idéologies sont mortes. Il n'en est rien : il reste celle, pesante, universelle, de la mondialisation des marchés. Son néolibéralisme dicte les succès, impose un idéal donc un mode de vie, celui d'un marché unique, lieu de toutes les concurrences les plus cruelles. Son appétit inextinguible sert une minorité de nantis dont la richesse ne cesse de croître au détriment de la majorité des humains ».
C'est justement ce constat qui me fait penser que, vraisemblablement, il doit y avoir d'importantes valeurs dans le regard critique que les « casseurs de pub » jettent sur la croissance indéfinie et infinie. Un sérieux inventaire doit pouvoir se dresser de leurs idées pour déterminer quelle part l'idéologie tient dans ce mouvement qui me semble remonter à René Dumont avec le très célèbre slogan de la croissance zéro (1974).
Pourquoi l'Église, pourquoi les chrétiens, qui pourtant connaissent bien les prophéties d'Amos (A Samarie (dans vos villes) s'étale le luxe et fleurit ce qu'on peut nommer le snobisme des parvenus), demeurent timides devant l'inacceptable déséquilibre mondial entre riches et pauvres ? Pourquoi des prophètes, évêques, comme Don Elder Camara n'ont pas eu des successeurs dignes de leurs avancées ? « Ces croyants, comme leurs contemporains, note Mgr Rouet, ne discernent que fort mal ce qui se tient en dehors de l'ordre où ils vivent ».
Est-ce pour cela que l'on se trompe sur l'usage de l'argent ? C'est plus qu'une matière d'échange. C'est le pouvoir sur autrui qu'il confère à celui qui en possède. On pourrait reprendre ici ce que je disais, il y a quelques jours, sur les « moyens ». Celui qui a les moyens, celui qui n'a pas les moyens...
Jacques Ellul parle du Dieu Argent : Mammon, facteur d‘une moderne idolâtrie. « La volonté infantile de tout avoir conduit aux violences de l'accaparement. Le manque d'avoir est chargé de cacher l'inéluctable manque à être. Ainsi, l'homme se cache qui il est », conclut Albert Rouet.
À force de mettre en avant les « choses », les matières, les productions, les objets du marché, on oublie l'essentiel : l'homme est son mystère. N'est-ce pas le Christ Jésus qu'il faut écouter pour savoir où en est l'homme ? Cet être spirituel appelé à une fraternité universelle au service de laquelle toute loi doit se disposer ! Non pas dans un refus de la modernité, mais dans une saine compréhension qui l'harmonise avec le message évangélique. Disciples du Christ, nous sommes la lumière du monde, le sel de la terre (Mt 5,13-14).