Contemplation

Publié le par Michel Durand

Il y a quelques temps, j'ai rendu compte de mes vacances comme d'un temps sabbatique et j'ai plus ou moins parlé de contemplation. Cela m'a laissé sur ma faim. Alors, aujourd'hui, je reprends ce thème, la contemplation, afin de le creuser davantage.

Je m'appuie pour cela sur le travail de Robert Daviaud (prêtre du Prado) « Rencontre des hommes et contemplation de Dieu ». Que pourrais-je dire de mieux ?

A la suite du Christ, l'Envoyé du Père, le Verbe fait chair, conscients de notre baptême, nous sommes envoyés au milieu des hommes pour contempler la Gloire de Dieu et, en même temps, pour collaborer à son œuvre, c'est-à-dire agir pour que l'homme élevé dans sa dignité atteigne la pleine dimension de son être en entrant dans le sein du Père, le Royaume. Paroles mystérieuses que nous ne pouvons bien aborder qu'avec le regard de la foi. Cette ouverture vers la transcendance divine est, actuellement pour moi, marquée par la mission que les disciples du Christ reçoivent d'aborder la vie quotidienne avec un devoir, une exigence, d'autolimitation, de tempérance face aux multiples incitations à la consommation.

Pour que le monde vive, les baptisés et leurs pasteurs doivent montrer le signe de la pauvreté évangélique volontaire. Les pauvres crient à l'injustice. La terre éclate sous l'exploitation qu'elle subit. Comment serions-nous sourds, alors que nous avons tous les outils en main pour œuvrer dans le sens d'une grande, belle et éternelle fraternité ? Le Royaume obtenu ?
Un ami musulman, Ibadite (du M'Zab), me le disait : « Dans nos sociétés, aucun signe ne montre qu'il en sera ainsi, une société de frères : il faut croire ».
« L'essentiel, écrit R. Daviaud, est dans un acte de foi fondamental : à la source de l'attitude contemplative, au cœur de la vie, se trouve l'agir même du Dieu Trinité qui a pris l'initiative de venir à la rencontre des hommes ».
Jean 5, 17  : «  Mon Père agit et moi aussi, j'agis. »
Jean 3, 16 : «  Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique pour que tout homme ait la vie. »
Romains 8, 28-29 : « Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu, qui sont appelés selon son dessein. Ceux que d'avance, il a connus, il les a aussi prédestinés à être conformes à l'image de son Fils afin que celui-ci soit le premier-né d'une multitude de frères. »

 

Comment, dans notre existence, garantir la pérennité de l'acte de foi ?
1 - L'union à Dieu.

R.D. - L'attitude contemplative est un don de Dieu. Elle est le fruit de l'agir de l'Esprit Saint en notre propre cœur. Nous sommes associés à la vie divine, invités à partager l'intimité même de Dieu, l'agapé de Dieu. Ainsi, les sentiments et les attitudes du Christ passent dans nos vies. Peu à peu, nous devenons capables d'écouter comme lui, de voir comme lui, de vivre la fraternité comme lui.
Il convient de relire le récit de la Transfiguration (Matthieu 17, 1 ss )
On voit dans cet épisode qu'il importe de nous laisser prendre et emmener par le Christ, pour nous laisser guider par son Esprit, afin d'entrer dans une expérience profonde du Mystère de Dieu.
Celui qui fait une telle rencontre du Seigneur, en vient à refléter lui-même la gloire de Dieu.
« Le Seigneur est l'Esprit, et là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté. Et nous tous qui, le visage dévoilé, reflétons la gloire du Seigneur, nous somm

es transfigurés en cette même image, avec une gloire toujours plus grande, par le Seigneur qui est Esprit. » (2 Corinthiens 3, 17-18).

L'union à Dieu est première dans nos vies. Il s'agit de laisser faire Dieu, de s'abandonner entre ses mains, dans un acte d'amour désintéressé, dégagé du souci exclusif de nous-mêmes et de nos tâches.
Matthieu 5, 8 : « Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu ».


Il est indispensable d'enter dans la contemplation pour avoir le sens de Dieu.
Le Cardinal Suhard : « L'essentiel de la contemplation, c'est prendre Dieu pour objet. C'est se mettre face à face avec lui, c'est faire retour à Lui, comme les fleuves se jettent à la mer, au lieu de se perdre ou de s'étaler en débordements ravageurs. Face à cet Objet sans égal, il suffit d'admirer, de s'extasier devant sa grandeur et sa beauté. Il suffit de laisser chanter notre âme, de dire à Dieu notre reconnaissance pour ses bontés ; de lui faire offrande de nos travaux, de nos joies, de nos peines, et surtout de nous-mêmes. L'essentiel est de se faire humble devant Lui, de laisser envahir notre âme par sa force et sa douceur. Ce n'est donc pas affaire d'invention humaine, mais abandon filial et persévérant à la grâce intérieure qui nous travaille sans cesse et qui nous appelle constamment à nous tourner vers Dieu » (Le sens de Dieu, éd. Lahure, p. 48)

2 - Un regard contemplatif.

« L'union à Dieu, écrit R. Daviaud, nous pousse à entrer dans le dynamisme de l'Incarnation. La demeure en Dieu entraîne la sortie vers les frères, en plein cœur de l'humanité. Sans cesse Dieu a porté le souci de son peuple, le souci de l'humanité, au point d'envoyer son Fils, au point d'envoyer l'Eglise comme sacrement du salut au sein du monde. Dans l'Evangile, nous constatons combien Jésus se déplace et se montre abordable. Il se laisse approcher par les pauvres, les pécheurs, des gens de toutes conditions".

Entrer dans le regard contemplatif du Christ, c'est accueillir le monde comme un champ que Dieu aime et cultive. Son Esprit est à l'œuvre.
« Il nous faut sortir de nous-mêmes, pour nous ouvrir au réel des autres qui existent indépendamment de nous, mais pas de Dieu. Il s'agit peut-être de passer d'une pensée scientifique ou technicienne à une pensée «méditante ». Voir le réel différemment (ce qui n'entraîne pas à nier l'intérêt des approches d'un sociologue ou d'un journaliste !)... une pensée qui accueille, pre

nd du temps, s'ouvre, cherche à connaître en profondeur, une pensée qui s'étonne, qui s'indigne, ... une pensée qui discerne, interprète. Si la pensée scientifique, « ca1culante » trouve sa vérité indépendamment de l'attitude de la personne qui cherche, la pensée méditante engage un voir qui met en jeu mon expérience personnelle, ce que je suis, ma propre foi, tout en me méfiant des jugements trop rapides et subjectifs.
Le regard contemplatif amène à considérer les personnes selon de mystère de Dieu. «En toi est la source de la vie. Par ta lumière nous voyons la lumière» affirme le psaume. Il faut que le regard du Christ devienne le nôtre :
- regard de compassion : « Voyant les foules, il fut pris de pitié pour elles... » (Mt 9,38) ;

- regard qui aime et qui discerne celui qu'il va appeler. Jésus regarde Nathanaël qui venait à lui «alors que tu étais sous le figuier, je t'ai vu... »Jn 1,47-51) ;
- regard parfois de colère devant les gens qui se perdent (Mc 3,5) ;
- regard qui sait voir le cœur : «Il savait quant à lui ce qu'il y a dans l'homme» Jn 2,25).

Le discernement du Christ s'appuie sur sa relation intime avec le Père : « Moi, je ne puis rien faire de moi-même: je juge selon ce que j'entends et mon jugement est juste parce que je ne cherche pas ma propre volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé» (Jn 5,30).

 

3 - Pour la Gloire de Dieu et le salut du monde.  

L'union à Dieu nous pousse à sortir vers les hommes. La rencontre des hommes nous fait nous tourner vers Dieu. La contemplation nous enracine dans l'amour et le fait grandir en nous. Nous pouvons· prendre pour nous la prière de Saint Paul quand il dit aux Philippiens : « Que votre amour abonde encore, et de plus en plus, en clairvoyance et en vraie sensibilité pour discerner ce qui convient le mieux» (Ph 1 ,9).

« Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là portera du fruit en abondance, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 1 5,5).

Jean de la Croix affirme : « Qu'ils réfléchissent, ceux qui s'adonnent à une activité sans mesure, qui s'imaginent qu'ils vont englober le monde dans leurs prédications et leurs oeuvres extérieures. Ils seraient beaucoup plus utiles à l'Eglise et plairaient bien davantage à Dieu, sans parler du bon exemple qu'ils donneraient, s'ils employaient à se tenir devant Dieu en oraison la moitié du temps qu'ils consacrent à l'activité, et cela lors même qu'ils n'auraient pas atteint le degré dont nous parlons ici. Assurément, ils feraient alors beaucoup plus, et à moins de frais, par une seule œuvre, que par mille poursuivies si activement.

Leur oraison leur en mériterait la grâce, et leur fournirait les forces spirituelles nécessaires. Sans elle, tout se réduit à frapper des coups de marteau, pour ne produire à peu près rien, ou même absolument rien, et parfois plus de mal que de bien. Dieu nous garde de voir le sel commencer à s'affadir! » (Mt 5,13). « Admettons qu'il y ait extérieurement quelque produit. Au fond et quant à la substance, il n'y en aura point, car, c'est chose indubitable, le bien ne se fait que par la vertu de Dieu» (CS 29).

Dietrich Bonhoeffer souligne l'indispensable méditation de la Parole et la nécessité de l'union à Dieu : « Le prie-Dieu a disparu de nos cabinets de travail. Luther en possédait un. Le prédicateur, commentateur de l'Ecriture, doit être lui-même enraciné dans l'Ecriture. Il doit prendre le temps de la méditer et de la prier. La Parole doit lui parler à lui-même sans finalité utilitaire » (Actes 6,2-4) :
« La prière et le service de la Parole ! ».

« Le pasteur doit prier plus que la communauté. C'est aussi qu'il a plus de sujets de prière. Il a besoin d'être raffermi dans sa foi et éclairé dans son savoir. Méditer et prier l'Ecriture lui donne un sol ferme sous ses pieds. Cela rend ses demandes certaines. Il a besoin de ce soutien, quand sa connaissance s'obscurcit et que le diable tente d'enlever la foi de son cœur. Il en a besoin devant toute décision importante. Il a besoin de méditer l'Ecriture quand l'impossibilité de prier l'envahit. Cette méditation le mène vers la Croix, que Christ a portée, et elle met ce qu'il souffre et ce qui le préoccupe en rapport avec la Croix. Chaque jour devrait commencer par la méditation de l'Ecriture. Avant que nous ne rencontrions des êtres humains, c'est Christ que nous devons rencontrer. Avant de décider, c'est sa décision qui doit nous précéder. Cette méditation de l'Ecriture est un véritable travail et non une rêverie... Nous n'avons qu'à accomplir ce service. Dieu veut que sa Parole soit lue et priée. Nous lui confions ce qu'il en fera. Que le pasteur soit seulement fidèle et obéissant » («  La Parole et la prédication », p. 48).

Abandonnons cette page.
Je vous invite à prolonger dans le vide du silence, une méditation :

    S'unir à Dieu ouvre aux personnes rencontrées, quelles qu'elles soient.

    Les écouter.

    Ensemble, rejoindre le Père, même avec celles et ceux qui ne partagent pas notre foi.

 


 

Publié dans écrit de Béni Isguen

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