Dynamisme de l'Eglise en monde ouvrier
Nouer la terre au ciel. 1978.
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Je voudrais m'exprimer maintenant sur la « jalousie » que j'éprouve à l'égard de l'Action Catholique Ouvrière (A.C.O.) et "de-tout-ce-qui-se-vit-dans-le-monde-ouvrier".
En effet, si on peut penser que la paroisse est devenue - "surtout en monde urbanisé, une cellule d'Eglise à dominante administrative, omnifonctionnelle, monopolisante et principalement cléricale" - si l'on peut dire qu'il est "intolérable que tant de baptisés pratiquants appartiennent à l'Eglise de façon si abstraite, si fallacieusement universelle, si peu vérifiée par une participation à de vraies communautés d'Eglise"... ceci ne vaut pas pour grand nombre de chrétiens du monde ouvrier. L'Eglise en monde ouvrier, comme on dit, se caractérise par son authenticité, son dynamisme, sa recherche, sa volonté de se faire reconnaître dans sa spécificité et ceci, depuis de nombreuses années. En d'autres termes, la force de ce groupe est telle que l'on parle beaucoup de lui. Les prêtres seront spontanément pour le monde ouvrier, l'oublié du siècle passé, le laissé pour compte du début du XXe siècle et aujourd'hui encore diront certains tant ils craignent que leur conquête de présence au sein de l'Eglise ne soit pas définitive.
Les critères de ce dynamisme ne manquent pas : réunions nationales, réunions régionales, réunions d'adultes, de jeunes, d'adolescents, d'enfants, commissions de théologiens en monde ouvrier, rencontres d'aumôniers, groupes de formation théologique et pastorale en monde ouvrier, rencontres spontanées de prêtres travaillant en monde ouvrier, groupe de formation sacerdotale en monde ouvrier, etc... Nombreuses sont les énergies qui sont investies dans cette pastorale. Je ne le critique pas. Je m'en réjouis, au contraire ; car, c'est la preuve qu'une implantation d'Eglises est possible dans l'Eglise Universelle. Seulement, je me demande pourquoi une telle énergie n'existe pas, entre autres, autour du monde dit "indépendant".
D'où vient l'inexistence de commission théologique et pastorale en bourgeoisie ? Par quels faits expliquer les difficultés des aumôneries universitaires ? Quelles réflexions permettent de rejoindre le milieu, encore mal défini des techniciens ? A-t-on cherché à voir, sérieusement pourquoi, nombre de jeunes du milieu indépendant "se taillent la route jusqu'en Inde, pour certains" ? D'où vient que les groupes universitaires de formation au sacerdoce semblent s'enliser ? Pourquoi un aumônier d'Action Catholique du monde indépendant se déclare principalement aumônier d'A.C.O. ? La réflexion qu'il mène en milieu indépendant semble souvent être un décalque de celle qu'il vient d'avoir en monde ouvrier, "là où il met tout le paquet". Pourquoi si peu de prêtres se sentent interpellés par les groupes de prière ?
Des chiffres seraient nécessaires pour rendre scientifiques, c'est-à-dire objectives de telles questions. Je ne les possède pas. Enfin, est-ce bien nécessaire de prouver par des statistiques ce que nous voyons tous ? La priorité donnée aux "travailleurs" n'est-elle pas suffisamment évidente ? N'est-ce pas dans ce monde ouvrier que, tout de suite, celui qui veut faire quelque chose se sent situer et se situera ? D'une façon générale, le tiroir Action Catholique est confortable ; on sait de quoi on parle. Le casier A.C.O. de ce tiroir est encore plus confortable ; là, au moins, il y a du répondant. Volontairement, je ne cite ni le M.R.J.C., Mouvement Rural des Jeunes Chretiens, ni le M.F.R., que je n'ai jamais rencontré. Je pourrais citer l'ensemble du monde rural.
Nous rencontrerons des prêtres et des militants chrétiens pour répondre, à l'écoute ou à la lecture de telles phrases, que les bourgeois, de quelques nuances qu'ils soient, ne sont pas oubliés par l'Eglise puisque nous les retrouvons dans les paroisses. C'est vrai. Les assemblées du dimanche regroupent principalement le monde indépendant. Comme pour ce qui précède, les pourcentages statistiques ne feraient que confirmer mes impressions. Alors, pourquoi ne pas se demander : "Et si les paroisses déformaient les esprits, plutôt que de former selon l'Esprit de l'Evangile ?"
Effectivement, est-ce dans les églises de quartier qu'il sera possible de trouver de quoi nourrir notre faim
de vérité, de fraternité, notre soif de vie conviviale ? Dans sa structure actuelle, la paroisse peut-elle, dans un élan de fidélité à l'Evangile, "exercer un prophétisme politique, dénonçant le
désordre du monde et se solidarisant avec les forces sociales de changement ? " P.A. Liégé assigne cette tâche à la communauté chrétienne et souligne toute la distance qui existe entre ce service
à rendre au monde et "l'illusoire tranquillité de tant d'assemblées de baptisés."