L'insuffisante compassion
Compassion plus que protestation ?
Il me semble que l'un ne va pas sans l'autre et si j'avais l'occasion rencontrer et de parler avec les franciscains de Toulouse, nous constaterions que nous nous accordons sur la nécessité de poser des actes qui traduisent notre souffrance avec les victimes de situations inhumaines.En relisant la lettre reçue des responsables du Prado, j'ai pensé qu'elle offrait un bel approfondissement de cette question. Jésus n'est pas venu parmi nous simplement pour compatir. Il a agi juqu'à ne pas se dérober devant la mort criminelle.
Voici une intense « feuille de route 2009 ».
« Quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d'une femme, né sujet de la loi, afin de racheter les sujets de la loi, afin de nous conférer l'adoption filiale » (Ga 4,4-5)-
Chers frères, sœurs, et vous amis du Prado,
A Noël, nous laissons monter dans notre cœur le souvenir du grand événement de la naissance de Jésus, Celui que le Père nous envoie dans la fragilité de la condition humaine. En occupant la dernière place, il nous montre l'abaissement de l'Incarnation et de la Croix comme le chemin du Salut : « Lui, de condition divine... s'anéantit lui-même, prenant condition d'esclave, et devenant semblable aux hommes. S'étant comporté comme un homme, il s'humilia plus encore, obéissant jusqu'à la mort et à la mort sur une croix ! » (Ph 2,6-8). Le dépouillement, la kénose du Fils ne sont pas stériles. Ils ne signifient pas non plus sa perdition. Au contraire, ils sont le chemin pour atteindre la libération et la plénitude que le Créateur a imprimées dans le cœur de l'homme. C'est bien la grande Espérance, surtout pour les derniers et les oubliés des puissants de ce monde : « C'est pourquoi Dieu l'a exalté et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom » (Ph 2,9).
Noël nous prédispose à la solidarité, à un regard plus attentif, à nous rendre présents à tant d'hommes et de femmes sans nom, pénalisés par de multiples servitudes. Il ne suffit pas de leur apporter une réponse spontanée ou un simple sentiment de compassion alors que notre bien-être nous tient éloignés d'eux. Dieu, lui, ne suit pas de loin le cours de l'histoire, le sort de l'humanité, le rude parcours des pauvres. Il s'est approché. Il est descendu aux entrailles de la terre pour partager la vie des hommes et faire route avec eux vers un horizon d'espérance de liberté et de salut.
C'est la grande vérité dont doivent pouvoir jouir nos peuples, nos quartiers, nos Eglises, nos familles et chacun de nous. C'est le témoignage que nous devons donner en ces temps où l'espérance court le risque de se perdre si nous croyons que l'humanité avance sans but, abandonnée à son propre sort. Le Père Chevrier a perçu cette lumière la nuit de Noël 1856, en des temps aussi troublés que ceux que nous vivons aujourd'hui : « II a pris lui-même la forme de l'homme afin d'habiter avec nous et avoir le temps de nous parler et de nous dire tout ce que le Père voulait nous enseigner par lui » (VD 63).
Il n'est pas si facile de croire à cette grande vérité. Ce ne le fut pas non plus au moment de la naissance de Jésus. Beaucoup de soucis pesaient sur les habitants de Bethléem, atteints par les répercussions de la politique de Rome, entre autres. Ils n'apprirent même pas la Bonne Nouvelle de la naissance du Sauveur. Bien sûr, ça se passait à la périphérie de la ville et dans l'anonymat !
Aujourd'hui, la grande préoccupation, c'est la crise économique et financière. Elle envahit tout : les médias, les mentalités. On en parle surtout parce qu'elle affecte les pays riches et les grandes puissances économiques. La pénurie économique, les crises tenaces que le système a mis en place dans les pays pauvres restent sans échos et tombent dans l'oubli. De même les fréquentes révoltes soulevées par la faim persistante et l'endémique pénurie d'aliments.
Les grandes catastrophes naturelles nous renvoient l'image de la souffrance et de la vulnérabilité des pauvres, leur impuissance à s'opposer à une nature qui, souvent, se montre si violente. Ces phénomènes portent en eux un recul qui se chiffre en années sur le chemin du développement et de la promotion de certains peuples de plus en plus appauvris. Si importantes et bienvenues que soient les actions humanitaires face à une catastrophe, elles sont insuffisantes. La solidarité doit se traduire en programmes et en actions de prévention et de développement.
Tout cela appelle la création d'un nouvel ordre économique mondial, inspiré prioritairement par l'amour, la justice, la défense des pauvres et non plus sur la compétitivité, la rentabilité, le marché. C'est ainsi qu'adviendra le Règne de Dieu que le Fils, Parole du Père, est venu restaurer (Le 7,21-23). C'est la grande lumière qui peut illuminer toutes les réalités humaines : politiques, économiques, culturelles .... C'est l'avènement d'une nouvelle création, d'une nouvelle humanité (Rm 8,19-23).
Telle est la grande mission de l'Eglise et même « l'unique nécessaire » aujourd'hui : offrir le pain de la Parole, faire connaître Jésus Christ, être ses témoins, collaborer avec l'Esprit Saint pour que le Verbe prenne chair et forme, aujourd'hui en ce monde. C'est cette mission que le Prado offre à partir de l'humilité audacieuse de la foi.
La session sur l'étude de l'Evangile, qui aura lieu en juillet 2009 réaffirme une fois encore la priorité à donner à la connaissance de Jésus Christ comme premier travail pastoral et missionnaire. Les différents groupes de laïcs qui s'acheminent vers le Prado confirment l'actualité et la vitalité de notre charisme. Tout surgit de cette source : la connaissance de Jésus Christ. C'est par cette force que nous réaliserons les changements que nous souhaitons « car en ta parole est la joie, la paix, le bonheur ».
Saint Paul, que nous évoquons si souvent cette année, nous présente la force rénovatrice et créatrice de l'Envoyé du Père que nous devons actualiser dans notre mission d'envoyés. Il nous révèle la grande nouveauté du Salut qui nous vient par le Christ. Ceux qui sont nés sous la Loi sont esclaves. Ils n'ont ni nom, ni dignité, ni considération. Les esclaves d'aujourd'hui sont très divers. Ils ont souvent une apparence de liberté. Les fils, au contraire, ont un nom. Ils sont libres. Ils jouissent de respect et de considération.
Le Fils nous libère de toutes les servitudes, de la soumission à des lois qui dégradent et asservissent. Il nous élève à la condition de fils. Il nous donne un nom que le Père connaît et n'oublie jamais. Il nous fait expérimenter la vraie liberté : « C'est pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés. Demeurez donc fermes. Ne vous laissez pas opprimer de nouveau sous le joug de la servitude » (Ga 5 ,1-13 ; Jn 8,31-36). Chacun a un nom propre puisque chacun est fils. Dieu nous a donné un nom, comme à Jésus.
Et voici notre grand cadeau de Noël : Jésus Christ, Parole du Père, qui nous fait expérimenter la liberté des fils et le véritable amour des frères et soeurs. C'est élémentaire, c'est simple, mais c'est tout de même une mission qui presse et une tâche complexe à réaliser.
C'est de tout cœur que nous souhaitons et demandons que tous, nous soyons prêts à recevoir avec reconnaissance ce don si précieux.
Robert Daviaud
Xosé Xulio Rodriguez ; Jose Aristeu Vieira