Fuite de l'Absolu, Paul Gosselin

Publié le par Michel Durand

J'ai entre les mains un ouvrage de Paul Gosselin, Fuite de l'Absolu, Samizdat, 2006. Il me fut donné à lire parce contenant, m'a-t-on dit, de profondes vérités sur la société actuelle postmoderne. Le pouvoir serait entre les mains des médias, des juristes, des scientifiques et quiconque exerce un regard critique sur leurs engagements est considéré comme déviant, hors norme, hors vérité du moment. Il faut alors par tous les moyens possibles écarter ces gens.

Dans une lettre au ministre de l'Éducation de son pays, le Québec, il se présente ainsi : je m'appelle Paul Gosselin. Je suis un évangélique (depuis 1975) intéressé par la question de l'existence des écoles franco-protestantes et la cause qui oppose l'Association des communautés scolaires franco-protestantes du Québec et les gouvernements du Québec et du Canada. J'ai une maîtrise en anthropologie sociale (Univ. Laval 1986) et je suis le père de deux enfants en bas âge dont je souhaiterais qu'ils aient l'opportunité d'assister un jour à des écoles franco-protestantes au Québec ».

Évangéliste et anthropologue.

Savoir cela m'a permis de comprendre le genre littéraire de son ouvrage. J'accepte  nombreuses de ses idées. Mais je suis mal à l'aise dans la façon de les présenter. Texte bavard, peu organisé où les mêmes questions sont plusieurs fois reprises, certes dans des contextes différents. Il est certain que le contexte de ce livre est très américain et que je ne suis pas habitué à ce type de littérature. Je résumerai mon impression de lecteur en disant que je me vois plus en présence d'un travail de militant que d'un anthropologue.


Un militant qui sait prendre quelque distance par rapport à son Eglise mère. Ainsi, il dit en réponse à une question : 

  • Paul Ohlott : « ...vous pointez du doigt les églises évangéliques pour leur refus de l'art et de la créativité... Quelle est la cause de ce manquement ? »

  • Paul Gosselin : « C'est en partie dû à une réaction de rejet et de marginalisation qu'ont subie les évangéliques dans la première moitié du XXe siècle, lorsque l'influence sociale de la vision du monde judéo-chrétienne était en déclin presque partout en Occident. Un très grand nombre d'élite s'est aligné avec des idéologies matérialistes. Et de ce rejet, les églises évangéliques ont rejeté à leur tour, cette culture élargie qui de plus en plus affirmait des valeurs en contradiction avec la Parole de Dieu. C'était une période pénible. Période de guerres, d'instabilité économique et montée de diverses idéologies impitoyables ancrées dans la vision du monde matérialiste. Il fallait d'abord survivre. Ce rejet de la culture élargie était aussi accompagné d'une attitude piétiste, où la vie chrétienne était réduite aux activités de liturgie et d'évangélisation. Dès lors, les activités culturelles et intellectuelles étaient perçues comme mondaines. »

  • Paul Ohlott : « Vous citez l'exemple du Rock, qui pour certains est un désir malsain, ou pire encore, une musique satanique... Quelle est l'origine de cette conception ? »
  • Paul Gosselin : « Le rejet de la musique Rock tient en partie à des conceptions résiduelles néo-platoniques, mais il est lié aussi à quelque chose de plus banal. Le Rock est un style musical que l'on a rejeté simplement parce qu'il n'est pas celui ayant cours dans les églises évangéliques [au milieu du XXème siècle]. On n'en avait pas l'habitude. Sur le plan technologique, les évangéliques n'ont pourtant pas craint d'exploiter toutes sortes de moyens de communication nouveaux (imprimerie, radio, télévision, micros, systèmes de son, etc.), mais sur le plan artistique, à bien des égards, on a bloqué en 1950 (sinon 1850). C'est la peur du nouveau, qui peut affecter n'importe quelle culture, non pas uniquement les évangéliques. »


Un anthropologue
aussi, qui fait tout ce qui est en pouvoir pour que ses idées passent et soient reprises par le plus grand nombre. Ces textes sont recensés. Je me sens assez en accord avec le jugement de Daniel Vidal (Paris) : « D'emblée, une prolifération de thèmes et d'affirmations que le lecteur reçoit comme des évidences auxquelles il serait vain de tenter d'échapper. Une multiplication de thèses et d'exemples à l'appui, un déferlement de jugements qui ne paraissent péremptoires et convaincants, que d'être indéfiniment repris et amplifié tout au long d'un ouvrage visant à dire la raison, ou la déraison, du monde occidental ici et maintenant, demain et là. Mais demain est déjà là, et P. Gosselin, baladin de ce nouveau monde en gestation et plein de menaces, veille aux frontières de cet univers qui nous hante, qui nous habite, et nous détruit. Sans doute la menace n'est-elle pas immédiatement perceptible, et la vaste conspiration dont les sociétés occidentales modernes seraient l'objet, ne s'avoue pas telle - et désigner cette menace et cette mort de l'homme à la fin, suppose une écriture assez claire pour être efficace dans son pouvoir de dénonciation, mais clandestine aussi bien, pour n'être pas récupérable par les instances qui énoncent la loi du dire et de l'écrire. D'où ce « samizdat », que l'auteur met en circulation comme un cri de protestation et une longue lamentation devant l'horreur d'un Absolu en fuite. Mais pourquoi tant de prudence rhétorique dans l'énoncé d'une thèse, dont le foisonnement des illustrations risque à tout instant d'apparaître comme un aveu a contrario de quelque indolence de pensée ? »


L'éditeur : « Samizdat » semble être une création qui lui est personnelle d'après ce que j'ai pu lire sur le site. Mais je n'ai pas cherché plus que cela la preuve que P. Gosselin est lui-même rédacteur sur internet.


Enfin, tout ceci étant dit, je vous invite à cette lecture, soulignant, maintenant le caractère populaire de ses propos. Il est des mots qu'un universitaire ne prononcerait pas.

Voici encore un avis vu dans la revue éthique et économique : « Ce livre très stimulant ouvre de nombreuses interrogations aux lecteurs. (...) Ainsi, la postmodernité recèle une perversité majeure : elle laisse croire à l'individu qu'il est le centre de tout, alors qu'il n'est que l'objet d'une manipulation d'une élite cherchant à imposer ses désirs. Les préférences des individus n'ont pas d'importance, ou n'ont pas une importance égale, ce sont celles des élites qui comptent. (...) Gosselin cherche à démontrer en quoi la postmodernité s'impose et impose un système de valeurs et croyances, là aussi sous couvert d'une apparence scientifique. Et, il faut dire d'emblée que la démonstration est plutôt convaincante. »

En fait, si vous souhaitez entendre sa voix toute canadienne, très médiatiquement, hors médias ayant la une des émissions de radio, Paul Gosselin offre à l'écoute ses entretiens (à éviter la bande-annonce vidéo qui chez moi pose quelques problèmes), mais les parties A, B, ... c'est bon.



Publié dans Politique

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