Encourager la politique du retour au pays ?
Naïveté, sous-entendus, et paroles d'Evangile
Il y a quelques jours, j'ai rencontré des prêtres et des pasteurs qui m'ont dit ne pas avoir voulu signer, ils avaient été sollicité pour cela, l'article publié dans la croix sous la rubrique "opinion". Cela m'a rassuré de constater que je n'étais pas le seul à m'interroger sur une telle prise de position par des personnes, militant et intellectuels très en vue sur la place de Lyon. Les personnes rencontrées sont fortement disposées à ne pas garder le silence.
Voir ici l'article en question.
Dans cette ligne, je vous communique ce que j'ai reçu de la fédération de l'Entraide protestante.
Surprise devant l'opinion de « chrétiens engagés dans l'accueil et l'accompagnement des étrangers » publié le 13 janvier ! Les
Eglises sont critiquées pour leur manière de penser sur la question des étrangers. Mais aucune citation, aucune référence n'est apportée. Les Eglises sont soupçonnées de sous-entendus, elles
n'auraient aucun souci de « l'exercice des responsabilité » qui incombent à l'Etat. Mais rien ne vient étayer cette opinion, elle-même pleine de sous-entendus.
Peut-être vaut-il la peine d'abord de faire le point sur les occasions qui ont motivés les Eglises et bien des chrétiens à
s'inquiéter de la politique d'immigration conduite depuis des années et des modalités de sa mise en œuvre dans la période récente ? C'est sur les questions qui tournent autour de l'exercice réel
de la défense des droits des étrangers que les Eglises sont intervenues. C'est sur les pratiques « du chiffre » dénoncées justement par les auteurs de cette « opinion » qu'elles ont attiré
l'attention de l'opinion publique. C'est donc non pas sur la légitimité d'une politique de l'Etat qu'elles se sont exprimées, mais bien sur leur mise en œuvre.
Y-aurait-il cependant une sorte de discours sous-jacent des Eglises, qui refuseraient les contraintes de la réalité ? Et qui
manifesteraient un irénisme, un idéalisme décalé ? La question vaut la peine d'être posée, mais elle ne peut pas l'être sur ce ton. Pourquoi ?
Parce que la politique d'immigration conduite par nos gouvernements successifs est souvent imprégnée de sous-entendus, de messages
subliminaux qui servent à d'autres usages, de discours qui ne correspondent pas à la réalité. Voir à cet égard les évaluations multiples, hors Eglises, de la politique du dernier ministre de
l'immigration.
Devant cet usage dévoyé de la question de l'immigration, il est en effet difficile aux Eglises de faire entendre une voix raisonnable
et juste. Et pourtant elles le font régulièrement :
-Elles rappellent l'importance des politiques de codéveloppement, elles demandent un engagement sérieux de la France dans le soutien
aux sociétés civiles de pays en proie à l'arbitraire. Et les mouvements chrétiens apportent des soutiens très concrets aux pays en difficulté.
-Sur la situation des étrangers, des modalités d'accueil, de séjour, de circulation, elles ne sont pas non plus dans le discours
incantatoire. Si par exemple elles ont souligné l'intérêt de mesures qui permettraient aux étrangers de circuler plutôt que d'être contraints à recourir à des séjours irréguliers, ce n'était pas
une manœuvre de diversion, mais une vraie conviction étayée sur des exemples. Et si elles s'émeuvent de la situation dans le Calaisis, ce n'est pas pour appeler au laisser-faire mais pour
souligner que des solutions existent, dans une concertation européenne qui serait véritable.
Les Eglises sont responsables. Mais encore faut-il accepter que leur responsabilité n'est pas simplement d'indiquer les manières les
plus morales, ou les moins immorales, de conduire les politiques publiques. Elles ont un rôle qu'elles ne peuvent pas abandonner, que l'Evangile les oblige à tenir : celui d'ouvrir à d'autres
visions de l'avenir de nos sociétés, de notre humanité. Si elles ne le faisaient pas elles trahiraient leur vocation. Et bien des chrétiens, même les plus réalistes, se demanderaient si elles
sont fidèles au message qui leur a été confié. « Penser plus juste » ne dispense pas d'espérer plus juste.
Olivier Brès, secrétaire général de la Fédération de l'Entraide Protestante