Le christianisme na pas le monopole de Dieu
A propos d’un ouvrage :
Henri Bourgeois, Théologie catéchuménale, cerf, mars 2007.
Henri Bourgeois, Théologie catéchuménale, cerf, mars 2007.
Henri Bourgeois en avril 1993,
lors du colloque organisé par Confluences
sur le temps libre :
"l'autre temps"
lors du colloque organisé par Confluences
sur le temps libre :
"l'autre temps"
Je prends beaucoup de plaisir à lire ce livre. Certes, il demande une bonne dose de patience, car l’auteur chemine à petits pas sans rien oublier de l’impact de l’adhésion de foi en Dieu dans le quotidien de l’existence de chacun et chacune.
À une époque où la tendance semble être à l’écoute d’une Parole enseignante : adhésion à des Vérités incontournables et indiscutables, découvrir (ou redécouvrir) le cheminement de Dieu dans la vie m’apporte beaucoup. L’Ésprit nous devance. Il requiert notre attention pour que nous en percevions les traces dans toutes nos actions. Cette « théologie par en bas », qui chemine avec le quotidien des personnes rencontrées, m’apparaît largement biblique, fondamentale et éclairant tous les méandres de notre pensée. Elle suscite notre écoute active bien plus que l’enseignement des vérités éternelles, « théologie par en haut » que diffusent les adeptes d’une catéchèse donnée à des groupes gigantesques où le dialogue semble difficile sinon impossible.
Je propose la lecture d’une page où H. Bourgeois montre bien que personne ne possède Dieu. Comment cheminer avec celui qui, dans sa vie, en perçoit l’existence sans lui donner les noms en usages dans les Églises ? Les personnes qui souhaitent adhérer au christianisme, celles que l’on appelle catéchumènes, nous aident souvent à répondre à cette question.
À une époque où la tendance semble être à l’écoute d’une Parole enseignante : adhésion à des Vérités incontournables et indiscutables, découvrir (ou redécouvrir) le cheminement de Dieu dans la vie m’apporte beaucoup. L’Ésprit nous devance. Il requiert notre attention pour que nous en percevions les traces dans toutes nos actions. Cette « théologie par en bas », qui chemine avec le quotidien des personnes rencontrées, m’apparaît largement biblique, fondamentale et éclairant tous les méandres de notre pensée. Elle suscite notre écoute active bien plus que l’enseignement des vérités éternelles, « théologie par en haut » que diffusent les adeptes d’une catéchèse donnée à des groupes gigantesques où le dialogue semble difficile sinon impossible.
Je propose la lecture d’une page où H. Bourgeois montre bien que personne ne possède Dieu. Comment cheminer avec celui qui, dans sa vie, en perçoit l’existence sans lui donner les noms en usages dans les Églises ? Les personnes qui souhaitent adhérer au christianisme, celles que l’on appelle catéchumènes, nous aident souvent à répondre à cette question.
p. 74 :
« Le christianisme n’a évidemment pas le monopole de Dieu. Avant même d’être évangélisés, certains au moins de nos contemporains ont une image de Dieu qui n’a rien de dérisoire. Il serait maladroit de la minimiser sous prétexte qu’elle n’est pas d’entrée de jeu tenue pour liée à une réalité correspondante. Certes, cette indécision n’est pas secondaire. Mais l’accent que le christianisme met légitimement sur l'existence de. Dieu ne devrait pas réduire l'importance qu'a la question de son identité.
Cela dit, je n'entends nullement nier l'originalité du Dieu biblique. Mais la pratique catéchuménale conduit à se demander où est exactement cette originalité. Pour un certain nombre de catéchumènes comme ceux dont je viens de parler, elle n'est pas dans le fait que Dieu soit proche des humains ou même allié avec eux. Cela, disent-ils, pourrait bien appartenir plus ou moins à toute image vive de Dieu. Le tout est de savoir si Dieu existe et si son amour se réalise. L’apport de l'Écriture n'est donc pas d'exprimer l'engagement de Dieu. Il est d1attester que cet engagement est réel et qu'il a pris auprès du peuple hébreu et en Jésus des formes décisives.
Si l'on accepte cette interprétation, on voit sans doute qu'il n'y a pas de raison d'opposer le Dieu naturel ou païen et le Dieu biblique. Le second précise le premier et en manifeste la réalité historique en des événements et une tradition qui suscitent la foi et la gardent active. La christianisation ou la « biblicisation » de Dieu ne consiste donc pas a substituer un Dieu à un autre mais a entrer dans un espace spirituel élargi, caractérisé et cohérent, permettant de discerner plus avant la présence de l'unique Dieu des hommes.
Reste cependant que le Dieu auquel certains croient en deçà de toute évangélisation a une face obscure. Il est en principe soumis à trois handicaps. Il passe pour avoir un rapport ambigu avec le mal, il semble ne pas pouvoir ou vouloir exercer ses capacités en face du malheur humain, enfin il paraît privilégier les personnes qui déclarent avoir reçu le don de la foi en lui. Très souvent ce visage troublant de Dieu demeure refoulé par la conscience chrétienne. Celle-ci en «rajoute» pourtant, sans d'ailleurs s'en rendre toujours compte.·Les catéchumènes, eux, ont le courage de dire leur difficulté, rejoignant en cela la sensibilité de certains chrétiens contemporains. Leur question, c'est de comprendre comment Dieu peut être lui-même, étant donné le passif ou le négatif auquel il a de la peine à échapper. Là se tient sans doute un mystère fondamental, au moins aussi important que d'autres dont le christianisme a le secret. La foi catéchuménale découvre peu à peu que croire en Dieu c'est habiter ce mystère, sans vouloir lui donner de vaines explications.
Enfin il me semble qu'une théologie catéchuménale est peu portée à prendre en compte des distinctions qui ont eu ou gardent encore quelque prestige. Ainsi la fameuse opposition entre le Dieu de la métaphysique et le Dieu de la foi : les catéchumènes témoignent d'une troisième position possible. Ainsi la question de l'objectivité et de la subjectivité du langage sur Dieu : la pratique catéchuménale montre que, si distinction il y a, ce ne peut être une opposition. Enfin j'aimerais évoquer l'écart entre religion et foi, tel que Barth et certains théologiens catholiques après lui l'ont présenté. Ici encore, quel que soit l'intérêt de cette distinction, elle ne peut signifier que des non-évangélisés seraient des êtres religieux sans foi et que les chrétiens seraient gens de foi sans religion aucune.
Cela dit, je n'entends nullement nier l'originalité du Dieu biblique. Mais la pratique catéchuménale conduit à se demander où est exactement cette originalité. Pour un certain nombre de catéchumènes comme ceux dont je viens de parler, elle n'est pas dans le fait que Dieu soit proche des humains ou même allié avec eux. Cela, disent-ils, pourrait bien appartenir plus ou moins à toute image vive de Dieu. Le tout est de savoir si Dieu existe et si son amour se réalise. L’apport de l'Écriture n'est donc pas d'exprimer l'engagement de Dieu. Il est d1attester que cet engagement est réel et qu'il a pris auprès du peuple hébreu et en Jésus des formes décisives.
Si l'on accepte cette interprétation, on voit sans doute qu'il n'y a pas de raison d'opposer le Dieu naturel ou païen et le Dieu biblique. Le second précise le premier et en manifeste la réalité historique en des événements et une tradition qui suscitent la foi et la gardent active. La christianisation ou la « biblicisation » de Dieu ne consiste donc pas a substituer un Dieu à un autre mais a entrer dans un espace spirituel élargi, caractérisé et cohérent, permettant de discerner plus avant la présence de l'unique Dieu des hommes.
Reste cependant que le Dieu auquel certains croient en deçà de toute évangélisation a une face obscure. Il est en principe soumis à trois handicaps. Il passe pour avoir un rapport ambigu avec le mal, il semble ne pas pouvoir ou vouloir exercer ses capacités en face du malheur humain, enfin il paraît privilégier les personnes qui déclarent avoir reçu le don de la foi en lui. Très souvent ce visage troublant de Dieu demeure refoulé par la conscience chrétienne. Celle-ci en «rajoute» pourtant, sans d'ailleurs s'en rendre toujours compte.·Les catéchumènes, eux, ont le courage de dire leur difficulté, rejoignant en cela la sensibilité de certains chrétiens contemporains. Leur question, c'est de comprendre comment Dieu peut être lui-même, étant donné le passif ou le négatif auquel il a de la peine à échapper. Là se tient sans doute un mystère fondamental, au moins aussi important que d'autres dont le christianisme a le secret. La foi catéchuménale découvre peu à peu que croire en Dieu c'est habiter ce mystère, sans vouloir lui donner de vaines explications.
Enfin il me semble qu'une théologie catéchuménale est peu portée à prendre en compte des distinctions qui ont eu ou gardent encore quelque prestige. Ainsi la fameuse opposition entre le Dieu de la métaphysique et le Dieu de la foi : les catéchumènes témoignent d'une troisième position possible. Ainsi la question de l'objectivité et de la subjectivité du langage sur Dieu : la pratique catéchuménale montre que, si distinction il y a, ce ne peut être une opposition. Enfin j'aimerais évoquer l'écart entre religion et foi, tel que Barth et certains théologiens catholiques après lui l'ont présenté. Ici encore, quel que soit l'intérêt de cette distinction, elle ne peut signifier que des non-évangélisés seraient des êtres religieux sans foi et que les chrétiens seraient gens de foi sans religion aucune.