Il importe de songer à une conversion de l’Église, seulement il demeure nécessaire que le renouvellement s’inscrive dans le sens de l’Évangile
Il y a une dizaine de jours, je déposais à l’accueil/librairie de la maison Saint-André à Limonest, prés de Lyon, maison de formation du Prado, l’ouvrage de Goulven Jézéquel dont j’ai déjà parlé. Livre qui me concerne ayant ce titre : Michel Durand, un prêtre engagé, entre fidélité et insoumission.
Joseph, responsable de la maison, me recevant, à qui je demandai s’il était possible de laisser en dépôt quelques livres, me parla d’Henri Caffart et de sa biographie. Je parle d’Henri sur ce blogue en date du 8 septembre 2016 où il y a une vidéo de 13 mn.
Henri a publié chez amanite sa biographie. L’éditeur le présente ainsi : « Le père Henri Caffart est né à Masny dans le Pas-de-Calais en 1931. Enfant, déjà, il savait qu’il voulait se consacrer à Dieu. Et c’est après bien des épreuves, par des voies détournées, qu’il y parvint enfin. Au séminaire, où seuls les intellectuels ont leur place, on ne voulait pas de lui. Mais rien ne s’oppose durablement à la force d’une vocation. En 1958, à l’âge de 27 ans, Henri est enfin ordonné prêtre. Une étape, et non une fin comme il se l’était imaginé à tort. Et c’est dans les rôles inattendus de prêtre-ouvrier, syndicaliste, conseiller prud’hommal, visiteur de prison, militant pour les malades alcooliques et prêtre exorciste qu’il traversera le siècle. Un destin hors du commun pour un homme qui n’en demandait pas tant. Mais les voies du Seigneur sont impénétrables… »
Henri parle de son existence par le menu, de a jusqu’à z, son maintenant. Il semblerait que dans mon récit, je sois moins exhaustif que lui. C’est que le mode d’écriture ne fut pas le même. Quoiqu’il en soit je suis très heureux d’avoir été invité à acheter son ouvrage, 360 pages pour seulement 19 €.
Son époque précède la mienne. Son milieu de vie d’origine est tout autre. Son attachement à la dynamique évangélique du Prado est autant vital que peut l’être mon propre attachement. Merci à Joseph. La rencontre de ces deux récits de vie me semble providentielle pour la connaissance qu’ils donnent d’une période de l’Église en train de se tourner. Autrement dit j’invite à lire Ma vie avec vous d’Henri Caffart accompagnée de Marie Compagne. Lire, mais aussi en parler avec d’autres et avec un souci théologique de compréhension des temps actuels que nous vivons.
Je recopie un passage de chaque ouvrage où je vois un clin d’œil.
Pour moi, odeur de vieille fille qui se néglige :
Je me suis retrouvé un jour, je devais avoir neuf ans, dans la maison du curé qu’on appelle la cure. Je rentre, je dis : « Bonjour ! » Et le curé me regarde en disant : « Non, c’est pas comme ça qu’il faut dire ! » Je me suis repris : « Bonjour monsieur ! » Je croyais avoir fait preuve de plus de politesse, mais le curé m’a dit alors : « Non, il faut dire : “Bonjour monsieur le curé !” » L’autre souvenir de cet épisode que j’ai gravé dans ma mémoire, c’est la mauvaise odeur de la pièce où nous nous trouvions. Elle sentait le renfermé, elle sentait mauvais, elle n’était pas agréable. Les volets étaient fermés. Si je garde ce souvenir, c’est peut-être parce que c’est un point de départ, un élément déclencheur… Il faut qu’on ouvre les fenêtres, qu’on aère, qu’on sorte, qu’on change !
Pour Henri, odeur de renfermé :
Je me présentai chez lui, au presbytère. La gouvernante vint m'ouvrir et m'introduisit dans l'antre de mon juge. Ça sentait le vieux, le renfermé. Et tous ces grands meubles bourgeois donnaient à l'ensemble un air d'obscurité qui ne me rassurait pas. Le doyen me fit entrer dans son bureau. Il était très impressionnant avec son grand rabat au-dessus de sa soutane. C'était d'ailleurs le seul à en avoir un. Porter la soutane, mon rêve !... J'allais devoir prouver que j'en étais digne. Enfin, pour plus tard en tout cas. Il m'interpella depuis son grand fauteuil en cuir élimé. Sans me nommer, toujours en me vouvoyant, il me demanda de m'installer devant son bureau et me donna une feuille de papier. Comme j'étais petit, mes jambes balançaient dans le vide et j'écrivais littéralement accroché au bureau.
Nous avions, consciemment, un désir de réforme qui, à ce jour, semble disparaître, devenir totalement autre. Henri l’exprime ainsi (page 108) :
Jean XXIII voulait changer les choses ; mais il sentait bien l'hostilité de son entourage à toute idée de réforme. Le Vatican [à cette époque, 1960] est particulièrement conservateur. On n'aime pas changer ce en quoi l'on croit et qui nous a si bien servi pendant tant d'années. Face à cette muraille apparemment infranchissable, Jean XXIII avait feinté. Prenant tout le monde de cours, il avait lancé l'idée du concile dans un discours qu'il n'avait fait relire à personne. Il ne voulait pas prendre le risque d'un refus et avait donc décidé de passer outre les réticences et les procédures. Ça n'a pas beaucoup plu, évidemment. Mais les évêques et cardinaux n'avaient pu que prendre acte et, ce faisant, s'étaient persuadés pouvoir infléchir la volonté du pape. Ils avaient rédigé des textes répondant à leurs convictions et desiderata et s'imaginaient que l'assemblée les validerait sans problème. Cela ne se passa pas du tout comme ils l'avaient prévu. L'assemblée avait refusé d'entériner les textes dont les orientations étaient résolument trop ancrées dans le passé. Ce que voulait le pape, c'était innover. Et les innovations eurent lieu, envers et contre presque tous.
Par exemple, le port de la soutane fut abandonné et surtout, l'on décida que la formation des prêtres, au séminaire, devait se faire dans un plus grand esprit d'ouverture par rapport au peuple et aux fidèles. C'était de bon augure. Malheureusement, force est de constater aujourd'hui que ce vent de réforme se voit affaibli par les attaques persistantes des traditionnels. Et le pape François a aujourd'hui bien du mal à faire entendre ses idées. Il faut imaginer ce que c'était à l'époque. C'était un peu le mai 1968 de l'Église ! Mais sur plusieurs années, bien sûr. Un concile, c'était deux mille cinq cents évêques du monde entier regroupés pour repenser l'Institution et décider de la route à suivre. Il y avait tant à voir. Il fallait du temps, c'est bien normal.
J’estime en ce jour que ces paroles de vieux méritent plus d’attention. On va dire que les temps changent et qu’il faut suivre les orientations des jeunes ! Me revient en mémoire les multiples accusations paternelles contre une Église opportuniste. Opportunisme : comportement ou politique qui consiste à tirer parti des circonstances, en transigeant, au besoin, avec les principes.
Seulement où est la vérité ?
- Qu’intervienne l’histoire et la théologie, les théologies… Le récit d’Henri Caffart m’invite à creuser encore dans cette direction, même si cela n’est pas dans le sens du poil des nouvelles générations catholiques, même si cela n’est pas dans l’air du temps.