Dieu criminogène ?
Il me semble intéressant de vous donner à lire, avec son accord, ce texte de Pierre Régnier, base d’un échange.
Certes, je ne suis pas d’accord avec son analyse des religions qui fait de Dieu un criminogène, et, pour ouvrir le débat, je m’en explique de suite.
Pourtant, malgré ce désaccord, je trouve utile de publier cette expression parce qu’on retrouve cette forme de pensée chez beaucoup de personnes.
« Les religions, écrit-il, enseignent que leurs textes sacrés disent l'authentique parole de Dieu ; cette parole dit que Dieu commande de tuer des individus et des catégories entières de la communauté humaine… » (voir ci-dessous).
Dans cette phrase de Pierre Régnier réside toute la problématique de la révélation. Pour le christianisme, il est clair que la Parole n’est pas dictée. Les écrivains de la Bible sont conditionnés par leur culture familiale, leur histoire, leur formation littéraire ou juridique ou sacerdotale etc… Ce n‘est qu’à travers la sensibilité de l’homme que l’on découvre la pensée de Dieu. Ainsi, si une expression historique incite au crime, comme on le constate parfois dans la Bible, ce n’est pas, par là même, une expression de la pensée de Dieu. Une lecture fondamentaliste, littérale, de la Révélation n’apporte que des erreurs de lecture. Un développement serait donc ici important pour bien comprendre que nous ne découvrons la pensée de Dieu qu’après l’avoir élaguée du vêtement historique et littéraire, nécessairement humain. Autrement dit, il faut aborder sérieusement le problème de la Révélation afin d’éviter toutes formes de « créationnisme » irrationnel.
A mon avis, le judaïsme et l’islam mènent une réflexion théologique semblable. Je laisse la parole aux fidèles de ces religions.
David et Goliath du Caravage
"Résister à" ou "Exiger de" ?
(à propos des menaces de mort contre Mina Ahadi)
Texte de Pierre Régnier
Chaque fois que nous sommes informés d'un cas concret de violence religieuse, je suis étonné de constater les limites que se donnent, dans la protestation, les défenseurs des Droits de la personne humaine et de la laïcité républicaine. Je peux comprendre que, lorsque celle-ci est menacée par une institution religieuse la protestation prenne simplement la forme d'une résistance à cette offensive. Il en est ainsi, par exemple, lorsque le Vatican veut faire attribuer officiellement un caractère chrétien à la constitution européenne, ou encore lorsque des ministres veulent faire payer par tous les citoyens, y compris les athées, la construction de bâtiments consacrés à l'exercice de cultes religieux. Mais il me semble que la simple résistance n'est plus appropriée lorsque des croyants, vrais ou faux (par exemple des individus à visée politique feignant d'être motivés par une foi religieuse) tuent ou menacent des personnes selon eux coupables de déviances insupportables. On se contente alors d'une vague désapprobation ou, dans le meilleur des cas, d'une ferme condamnation formulée par un porte-parole des institutions religieuses. Cet agissement-ci est condamné, cela suffit.
Je pense que l'on devrait au contraire exiger beaucoup plus : un ferme rejet, une fois pour toutes de ce qui, dans la croyance religieuse et dans son enseignement très officiellement autorisé, comporte une composante criminogène. Cela mériterait de longs développements, mais on peut résumer ainsi : les religions enseignent que leurs textes sacrés disent l'authentique parole de Dieu ; cette parole dit que Dieu commande de tuer des individus et des catégories entières de la communauté humaine ; les institutions religieuses disent qu'il faut croire en Dieu et qu'il faut obéir à Dieu. Cette équation est évidemment en soi criminogène, et ceux qui la maintiennent aujourd'hui dans l'enseignement religieux doivent être considérés comme responsables, certes indirectement mais clairement, des crimes qui, ici ou là, en telle ou telle période, sont effectivement commis en référence à cette conviction plurielle acquise par les criminels au sein de leur religion.
Je pense que l'autorisation d'exercer un culte devrait être subordonnée au clair rejet, très officiellement formulé par les institutions religieuses, de ce que j'appelle la théologie criminogène. Je ne comprends pas que les défenseurs des Droits de la personne humaine n'en soient toujours pas à convenir que seule la forme d'un tel rejet reste à débattre, non sa nécessité. Je peux comprendre que, pour justifier qu'on se contente de résister aux attaques des religions, on invoque la séparation des Eglises et des Etats, un principe lui-même quasi-sacralisé dans les républiques démocratiques. Mais il me semble qu'il devrait y avoir exception pour ce qui peut aboutir –et aboutit effectivement bien souvent de nos jours- au meurtre. Il y a bien une forme d'exception mais dans le sens d'un indéfendable laxisme : alors qu'en tous domaines la République exige la compatibilité avec les Droits de la personne humaine, l'exceptionnelle faveur accordée ici revient à dire que les religions, elles, n'ont pas à être nécessairement compatibles avec les Droits de la personne humaine.
Ce n'est pas un "bouffeur de curés" qui écrit cela. Je suis loin d'avoir rejeté le tout de ma formation chrétienne. Je me dis même volontiers encore largement "jésuiste". Mais je ne vois aucune contradiction avec mon exigence persistante, depuis une dizaine d'années, de désacralisation de la violence religieuse. C'est ainsi que, en mars 2000, dans un petit essai précisément intitulé Désacraliser la violence religieuse, je terminais ainsi :
"Une belle occasion nous est donnée de marquer la rupture avec la religieuse folie interprétative, comme avec la fausse et complice laïcité. L'ONU lance une "décennie pour l'éducation à la non-violence" grâce à un long combat de militants pour une Alternative Non-Violente (pour reprendre le titre de l'excellente publication d'une partie de ces militants). Disons haut et fort que cette initiative ne pourrait atteindre son objectif si le programme éducatif annoncé n'incluait une démarche pour un respect des droits de l'homme au sein de toutes les religions, donc pour une désacralisation de la violence religieuse, y compris dans les religions les plus traditionnelles, les plus officiellement reconnues."
Je n'ai pas pu publier mon petit essai mais j'ai, par la suite, exprimé la même exigence, sous une forme ou sous une autre, dans des libres opinions proposées -là encore en vain- à la presse. J'ai aussi, très logiquement, fait une démarche auprès de l'UNESCO, l'organisme chargé par l'ONU de la coordination des activités de la Décennie pour l'éducation à la non-violence. J'ai demandé par écrit à son Directeur Général, Monsieur Koïchiro Matsuura, de profiter de l'arrivée à mi-parcours de la Décennie, en 2005, pour faire une évaluation des résultats jusque là obtenus, et je lui ai demandé qu'on pose cette question : n'a-t-on pas oublié, à l'origine de l'initiative formatrice à la non-violence, de formuler une exigence envers les institutions religieuses, lesquelles transmettent encore aujourd'hui leur conception criminogène de Dieu ? J'ai récemment rappelé ma démarche, à nouveau par une lettre au Directeur Général de l'UNESCO, en précisant qu'elle reste valable pour une arrivée, cette année, aux trois quarts de la Décennie.
Mais des organismes de l'importance de l'ONU et de l'UNESCO ne peuvent prendre en considération des initiatives à caractère individuel. C'est pourquoi je transforme maintenant mon combat en tentative de convaincre les républicains laïques et pacifiques qu'il faut une très large intervention collective pour exiger des religions autorisées à pratiquer leur culte un ferme rejet, très clairement et très officiellement exprimé par les institutions religieuses elles-mêmes, de toute conception criminogène de Dieu.
Certes, je ne suis pas d’accord avec son analyse des religions qui fait de Dieu un criminogène, et, pour ouvrir le débat, je m’en explique de suite.
Pourtant, malgré ce désaccord, je trouve utile de publier cette expression parce qu’on retrouve cette forme de pensée chez beaucoup de personnes.
« Les religions, écrit-il, enseignent que leurs textes sacrés disent l'authentique parole de Dieu ; cette parole dit que Dieu commande de tuer des individus et des catégories entières de la communauté humaine… » (voir ci-dessous).
Dans cette phrase de Pierre Régnier réside toute la problématique de la révélation. Pour le christianisme, il est clair que la Parole n’est pas dictée. Les écrivains de la Bible sont conditionnés par leur culture familiale, leur histoire, leur formation littéraire ou juridique ou sacerdotale etc… Ce n‘est qu’à travers la sensibilité de l’homme que l’on découvre la pensée de Dieu. Ainsi, si une expression historique incite au crime, comme on le constate parfois dans la Bible, ce n’est pas, par là même, une expression de la pensée de Dieu. Une lecture fondamentaliste, littérale, de la Révélation n’apporte que des erreurs de lecture. Un développement serait donc ici important pour bien comprendre que nous ne découvrons la pensée de Dieu qu’après l’avoir élaguée du vêtement historique et littéraire, nécessairement humain. Autrement dit, il faut aborder sérieusement le problème de la Révélation afin d’éviter toutes formes de « créationnisme » irrationnel.
A mon avis, le judaïsme et l’islam mènent une réflexion théologique semblable. Je laisse la parole aux fidèles de ces religions.

"Résister à" ou "Exiger de" ?
(à propos des menaces de mort contre Mina Ahadi)
Texte de Pierre Régnier
Chaque fois que nous sommes informés d'un cas concret de violence religieuse, je suis étonné de constater les limites que se donnent, dans la protestation, les défenseurs des Droits de la personne humaine et de la laïcité républicaine. Je peux comprendre que, lorsque celle-ci est menacée par une institution religieuse la protestation prenne simplement la forme d'une résistance à cette offensive. Il en est ainsi, par exemple, lorsque le Vatican veut faire attribuer officiellement un caractère chrétien à la constitution européenne, ou encore lorsque des ministres veulent faire payer par tous les citoyens, y compris les athées, la construction de bâtiments consacrés à l'exercice de cultes religieux. Mais il me semble que la simple résistance n'est plus appropriée lorsque des croyants, vrais ou faux (par exemple des individus à visée politique feignant d'être motivés par une foi religieuse) tuent ou menacent des personnes selon eux coupables de déviances insupportables. On se contente alors d'une vague désapprobation ou, dans le meilleur des cas, d'une ferme condamnation formulée par un porte-parole des institutions religieuses. Cet agissement-ci est condamné, cela suffit.
Je pense que l'on devrait au contraire exiger beaucoup plus : un ferme rejet, une fois pour toutes de ce qui, dans la croyance religieuse et dans son enseignement très officiellement autorisé, comporte une composante criminogène. Cela mériterait de longs développements, mais on peut résumer ainsi : les religions enseignent que leurs textes sacrés disent l'authentique parole de Dieu ; cette parole dit que Dieu commande de tuer des individus et des catégories entières de la communauté humaine ; les institutions religieuses disent qu'il faut croire en Dieu et qu'il faut obéir à Dieu. Cette équation est évidemment en soi criminogène, et ceux qui la maintiennent aujourd'hui dans l'enseignement religieux doivent être considérés comme responsables, certes indirectement mais clairement, des crimes qui, ici ou là, en telle ou telle période, sont effectivement commis en référence à cette conviction plurielle acquise par les criminels au sein de leur religion.
Je pense que l'autorisation d'exercer un culte devrait être subordonnée au clair rejet, très officiellement formulé par les institutions religieuses, de ce que j'appelle la théologie criminogène. Je ne comprends pas que les défenseurs des Droits de la personne humaine n'en soient toujours pas à convenir que seule la forme d'un tel rejet reste à débattre, non sa nécessité. Je peux comprendre que, pour justifier qu'on se contente de résister aux attaques des religions, on invoque la séparation des Eglises et des Etats, un principe lui-même quasi-sacralisé dans les républiques démocratiques. Mais il me semble qu'il devrait y avoir exception pour ce qui peut aboutir –et aboutit effectivement bien souvent de nos jours- au meurtre. Il y a bien une forme d'exception mais dans le sens d'un indéfendable laxisme : alors qu'en tous domaines la République exige la compatibilité avec les Droits de la personne humaine, l'exceptionnelle faveur accordée ici revient à dire que les religions, elles, n'ont pas à être nécessairement compatibles avec les Droits de la personne humaine.
Ce n'est pas un "bouffeur de curés" qui écrit cela. Je suis loin d'avoir rejeté le tout de ma formation chrétienne. Je me dis même volontiers encore largement "jésuiste". Mais je ne vois aucune contradiction avec mon exigence persistante, depuis une dizaine d'années, de désacralisation de la violence religieuse. C'est ainsi que, en mars 2000, dans un petit essai précisément intitulé Désacraliser la violence religieuse, je terminais ainsi :
"Une belle occasion nous est donnée de marquer la rupture avec la religieuse folie interprétative, comme avec la fausse et complice laïcité. L'ONU lance une "décennie pour l'éducation à la non-violence" grâce à un long combat de militants pour une Alternative Non-Violente (pour reprendre le titre de l'excellente publication d'une partie de ces militants). Disons haut et fort que cette initiative ne pourrait atteindre son objectif si le programme éducatif annoncé n'incluait une démarche pour un respect des droits de l'homme au sein de toutes les religions, donc pour une désacralisation de la violence religieuse, y compris dans les religions les plus traditionnelles, les plus officiellement reconnues."
Je n'ai pas pu publier mon petit essai mais j'ai, par la suite, exprimé la même exigence, sous une forme ou sous une autre, dans des libres opinions proposées -là encore en vain- à la presse. J'ai aussi, très logiquement, fait une démarche auprès de l'UNESCO, l'organisme chargé par l'ONU de la coordination des activités de la Décennie pour l'éducation à la non-violence. J'ai demandé par écrit à son Directeur Général, Monsieur Koïchiro Matsuura, de profiter de l'arrivée à mi-parcours de la Décennie, en 2005, pour faire une évaluation des résultats jusque là obtenus, et je lui ai demandé qu'on pose cette question : n'a-t-on pas oublié, à l'origine de l'initiative formatrice à la non-violence, de formuler une exigence envers les institutions religieuses, lesquelles transmettent encore aujourd'hui leur conception criminogène de Dieu ? J'ai récemment rappelé ma démarche, à nouveau par une lettre au Directeur Général de l'UNESCO, en précisant qu'elle reste valable pour une arrivée, cette année, aux trois quarts de la Décennie.
Mais des organismes de l'importance de l'ONU et de l'UNESCO ne peuvent prendre en considération des initiatives à caractère individuel. C'est pourquoi je transforme maintenant mon combat en tentative de convaincre les républicains laïques et pacifiques qu'il faut une très large intervention collective pour exiger des religions autorisées à pratiquer leur culte un ferme rejet, très clairement et très officiellement exprimé par les institutions religieuses elles-mêmes, de toute conception criminogène de Dieu.
Pierre Régnier, le 26 mars 2007
pour alimenter le débat :
Le 26 mai 2007 l'association Faire Le Jour ...
"Solidarité avec Nawal Saadawi"...
Mina Ahadi...
Le 26 mai 2007 l'association Faire Le Jour ...
"Solidarité avec Nawal Saadawi"...
Mina Ahadi...