Catholique anonyme converti
Ne lisant pas, ou mal, les recensions littéraires dans les pages "cultures" des quotidiens ou hebdomadaires, aucun nom d'écrivain contemporain ne me vient à l'esprit quand je dois choisir les romans de mes vacances.
C'était au milieu de janvier à la Fnac de Lyon, place Bellecour. Je cherchai quelques titres susceptibles de m'intéresser. Je feuillette. Je lis la quatrième de couverture. Les collections de poches m'attirent à double titre. D'abord pour leur coût. Ensuite l'idée que, s'ils sont publiés sous ce format bon marché, c'est qu'ils ont déjà connu un certain succès auprès des lecteurs.
Mon regard tombe sur "catholique anonyme" de Thierry Bizot. Pour moi, un inconnu au rayon "nouveauté", né à Milan en 1962, dont la très brève note biographique des éditions du Seuil – points, n'indique aucunement une valeur littéraire : "Thierry Bizot a travaillé huit ans chez l'Oréal avant de devenir directeur de la musique et de magazines sur M6, puis producteur de télévision". Son roman, "catholique anonyme" date d'avril 2008. En poche en septembre 2009.
On parle tellement des catholiques extraordinaires : Mère Térésa, Abbé Pierre, Sœur Emmanuelle, Jean-Paul II, qu'un texte conçu par et pour une non-star attire ma curiosité. Et, en plus, un roman ! Que peut-on écrire sur ce sujet ? Quel type de catholique va se dégager de ces 220 pages ? Quel style de chrétien ?
Assez vite, je me suis vu emporté vers les méandres d'un modèle catholique sectaire. Jamais, le groupe dont il est question ne sera nommé. Et, jusqu'à la fin, il semble que l'auteur ait voulu maintenir le suspens en ne désignant jamais la couleur catholique concernée. Aussi, un lecteur non averti des nouvelles nuances catholiques romaines ne parviendra pas à identifier les protagonistes. En ce qui me concerne, il me semble – je n'ai pas mené d'enquête, je le ferai éventuellement plus tard – vu le vocabulaire employé, il me semble que les catholiques prosélytes qui provoquent une radicale modification dans l'art de vivre du "grand producteur de télévision" appartient au "mouvement néo-catéchuménal". Un prêtre espagnol, des séminaristes d'Amérique latine, un projet de catéchèse pour revivre tous ensemble le baptême de l'enfance sont caractéristiques de cette tendance catholiques. Il y a aussi, au sein d'une "convivence", l'eucharistie du dernier jour dans une banale salle à manger de maison religieuse à la campagne qui fut décorée pour la circonstance et où tous les participants vinrent dans leurs plus beaux vêtements, sauf notre héros qui n'avait pas été informé du rite de s'endimancher pour l'eucharistie. "Les deux séminaristes sud-américains, habituellement en jean, sont carrément en costume trois-pièces ". Il y a une quinzaine d'années, au cours d'un voyage organisé par Confluences en Sicile : "la Sicile romane, rencontre par l'architecture et son décor des trois religions méditerranéennes : juives, chrétiennes –orient et occident – islam", dans un hôtel-club situé près de la mer à Céfalù, j'ai vaguement entrevu ce type de réunion eucharistique dans un salon de l'établissement.
Le producteur de télévision qui a accepté de participer à une catéchèse s'aperçoit, dès le début, que le groupe ne lui convient pas : "j'ai, dit-il, l'impression d'être tombé dans un nid de fondamentalistes"… "Je suis dans un repaire de cathos purs et durs, de combattants de l'évangélisation, entraînés à embrigader". Pourtant, tout en hésitant, il s'engage, seul, dans cette aventure. Il aurait bien aimé que son épouse l'accompagne. "Je suis bien obligé de reconnaître l'impensable : la catéchèse me plaît".
En effet, les questions essentielles et fondamentales que cet homme se posait trouvent en ce lieu une réponse. Tout en rejetant le caractère prosélyte de l'opération, il renoue avec le catholicisme qui le fait vivre. Il reconnaît qu'il est bancal comme les autres et découvre dans cette humilité son besoin de Dieu, du Christ. Il reste un catholique anonyme, refusant la tendance sectaire des catéchistes et découvrant la force de l'Évangile. Il saisit qu'il est appelé à vivre une relation étroite avec le Christ. Jésus est une personne. "L'Église n'est pas une somme de lois, ou un long menu de règles, d'obligations, de punitions et de pénitences… Le christianisme n'est pas une religion, à savoir une méthode pour se mettre Dieu dans sa poche . Le christianisme n'est pas non plus une loi morale, ou une philosophie. Le christianisme est avant tout … une Bonne Nouvelle."
Que dire de plus juste ?
Au-delà du côté propagande de l'évangélisation, voire malgré elle, est découverte la saveur même de l'Évangile. C'est, personnellement, ce que j'essaye de dévoiler aux quelques personnes, des jeunes couples, qui viennent à la paroisse Saint-Polycarpe des pentes de la Croix-Rousse avec une demande de sacrement, baptême du bébé, puis, leur mariage. Aussi, je me dis que ce serait bien qu'ils lisent ce roman où l'on voit qu'au travers des "Communautés Nouvelles", malgré leur tendance sectaire et leur manque d'ouverture sur la vie au quotidien, l'Esprit Saint convertit les cœurs. Je citerai dans cette ligne la "conversion" d'un homme, passant du milieu de la haute finance à la pratique de la pauvreté volontaire selon l'Évangile grâce au réveil de charismatiques pur jus.
Dans le roman, c'est l'Église toute traditionnelle, celle de Vatican II, qui apporte la note finale.
La mère du producteur de télévision, très croyante ("mais je ne suis pas sûr qu'elle ait su nous transmettre sa foi", commente le romancier), lui dit : "tu as vécu une conversion… J'ai lu de nombreux témoignages de conversion qui ressemble au tien. On y trouve toujours cette brusque révélation, comme un voile qui se déchire, cette émotion qui jaillit, et cette conscience inouïe de sa propre humilité… Ce qui me frappe dans ce que tu me dis, c'est le fait que tout ait eu lieu dans un endroit médiocre, avec des gens ordinaires. Tu n'as pas été ébloui par un brillant professeur de faculté, ou un écrivant célèbre… Et puis, la prise de conscience de ta propre faiblesse, de ton égalité avec ces gens que tu considérais de haut… Tout cela est remarquable".
Il y aussi le témoignage d'un ami prêtre, Éloi, un Africain : "Écoute, ce que tu as vécu est un réveil de la foi. Considère que c'est très bon. Ça te permet d'envisager la vie d'un œil neuf. Mais, je te le dis franchement, tu n'es pas fait pour fonder une communauté. Retourne aux tiens, à ta famille, à tes enfants, à ton métier, car c'est là que tu es attendu, c'est là que Dieu t'a placé. Rentre chez toi maintenant, embrasse ta femme et tes petits ; vis ta foi dans ta vie quotidienne, et , surtout, sois fier de ton travail et de tout ce que tu fais. Je te le dis, et j'engage ma foi en te disant cela : quitte ta communauté et vis ta vie".
Nous revenons au côté anonyme du catholique. Et c'est cela qui me plaît dans ce roman, alors que je suis bien obligé de reconnaître que rien ne se serait produit sans l'invitation, une provocation, du partisan néo catéchuménal, le professeur au visage si paisible et souriant, un tant soit peu prosélyte.
Après avoir rédigé ce texte, j’ai frappé à la porte de M. Google. Il s’agit bien du Néo catéchuménat.
je vous invite à lire ce témoignage. Il complète admirablement le roman. Voir également ici.