Écouté, ne pas être jugé

Publié le par Michel Durand

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Le roman de Martin Winckler, le chœur des femmes, apporte de l'eau au moulin "Écoute & voir"  (Lien avec un article précédent).

Que fait le "bon" médecin Frank Karma qui n'est pas gynécologue, mais se trouve dans un service de gynécologie… pas mal relégué au fond d'un ensemble hospitalier ?

Il écoute. Parle pour libérer la parole.

Cela déstabilise l'interne, une femme, Jean (prononcer : Djinn) Atwood qui n'a rien à faire avec ce bavardage alors qu'elle souhaite le nec plus ultra de la médecine : l'acte chirurgical ! Voilà le vrai.

Le malade, pense-t-elle, compte peu ou pas devant le dysfonctionnement biologique que le soignant se doit de réparer efficacement. La chirurgie, voilà la solution de la jeune interne. Or, Franz Karma pense tout autrement.

 

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Le Christ thaumaturge.

Boiseries de la sacristie, 1576.

Cathédrale Saint-Julien, Le Mans


Que Martin Winckler me pardonne, je ne peut m'empêcher de faire un parallèle entre son docteur Franz Karma et Jésus thérapeute. On vient le voir tout simplement parce qu'il écoute, apporte un mieux-être, une guérison humaine et corporelle. Le psychisme n'est pas ignoré. Parfois, le médecin ne parle pas, sinon pour dire : Mmhh ; l'autre se sent mieux, de mieux en mieux, car il se voit écouté, respecté, non trahi.

Je pense à ce passage d'évangile :

 

Marc 1

[32] Le soir venu, quand fut couché le soleil, on lui apportait tous les malades et les démoniaques, [33] et la ville entière était rassemblée devant la porte.[34] Et il guérit beaucoup de malades atteints de divers maux, et il chassa beaucoup de démons.

Marc 6

[34] il vit une foule nombreuse et il en eut pitié, parce qu'ils étaient comme des brebis qui n'ont pas de berger, et il se mit à les enseigner longuement.[35] L'heure étant déjà très avancée, ses disciples s'approchèrent et lui dirent : "L'endroit est désert et l'heure est déjà très avancée.

 

Martin Winkler :

Une patiente au docteur :

Je suis un peu gênée de vous raconter tout ça, mais je devrais pas me plaindre, vous me recevez sans rendez-vous et je suis sûre que d'autres patientes attendent et qu'elles ont des motifs bien plus graves que les miens de venir un soir, tard, se confier à vous, alors je voulais d'abord vous remercier du temps que vous allez me donner, parce que somme toute, je ne vais pas bien, pas bien du tout, mais je ne suis pas malade, alors je n'ai pas le droit de me plaindre. (p.251)…

 

Je vois que vous n'écrivez pas. Vous avez seulement écrit mon nom sur le dossier. Est-ce que je pourrais vous demander quelque chose… de très grave…  Mais de très important pour moi… ? Je sais que professionnellement ça n'est pas correct de ne rien écrire dans le dossier et bien sûr je ne sais pas ce que vous ferrez quand je serai parti d'ici… j'aimerai que vous réfléchissiez et que, si ça vous paraît possible, si ça ne vous oblige pas à trahir vos convictions, à enfreindre votre serment, j'aimerai que vous réfléchissiez à l'éventualité de rien écrire de ce que je vous ai dit… Enfin de ce que je vais vous dire… (255-256)

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