Homélie à la prière eucharistique de sépulture de Robert Beauvery, chapelle du Prado

Publié le par Michel Durand

rbeauvery.jpg

Robert à l'inauguration de la Biennale d'art sacré actuel

en juin 2002, église de la Sainte-Famille à Villeurbanne

 

Alors que nous nous préparons à célébrer le Verbe de Dieu dans le Fils de Marie, alors que nous contemplons raisonnablement et mystiquement la présence de Dieu parmi nous et que nous avons en mémoire les commémorations du Noël 1856 et du 10 décembre 1860, le risque de l’achat d’un bâtiment pour répondre à l’appel de donner l’Évangile aux pauvres, je me permets d’établir un parallèle entre le texte de Luc entendu ce jour et le dernier texte rédigé par Robert.

Plutôt que d’évoquer sa vie, que nous connaissons bien, je regarde ses derniers mois qui furent une alternance entre domicile (chez lui ou chez des amis) et hôpital. Un mot caractérise cette période ; un mot qui se retrouve sous la plume de Luc : visitation.

Marie demeure chez Elizabeth environ trois mois. Elizabeth avait besoin d’aide vu la nouveauté de Jean. Marie ne pouvait porter seule ce qui lui advenait.

L’hôpital est le lieu d’une permanente visitation. Une occasion de se rencontrer et de se parler. Les lettres que Robert écrivait à ses connaissances et que j’ai diffusées sur internet en porte-témoignage. Visitations professionnelles certes, mais aussi familiales, fraternelles, amicales. Dans le quotidien se vit une proximité incontournable qui fait que la découverte mystique du Verbe devenu chair ne peut que nous inciter à vivre avec les proches en étant le plus près possibles d’eux. « L’ordination sacerdotale ne peut mettre à part, elle conduit au milieu du monde, c’est ce que je vis intensément pendant mes séjours à Léon Bérard », disait Robert. Suivre Jésus-Christ de près, de plus près… Afin de travailler efficacement au salut des hommes.

Il me semble que dans son dernier texte, rédigé peu de temps avant d’entrer dans un profond coma, substitut de l’agonie, Robert commente la louange de Marie : mon âme exalte le Seigneur, mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur. Exulte ! Est rempli d’allégresse. Mélange de souffrance et de joie sereine. Tant que le corps le permit, Robert a fait confiance en la médecine jusqu’à la dernière limite de ce qui était possible pour que l’esprit s’exprime.

Et dans son dernier écrit, Robert s’exprime sur l’aspect invisible de l’Église :

- L’invisible recouvre la nature profonde : union vitale au Christ pascal et glorieux ainsi qu’à son Esprit, comme une épouse fidèle, présente avec eux, dans l’histoire des hommes pour y poursuivre l’action salvifique divine, jusqu’à l’Avènement du Royaume. L’Église (et nous pensons à l’ensemble des baptisés, donc, bien sûr, également à ceux qui ont reçu le caractère sacerdotal) est constituée « sacrement universel du Salut ». 

Ainsi, tout ce qui a été écrit… au sujet de l’action de Dieu, du Christ et de l’Esprit au Centre Léon Bérard peut être, à bon droit, tout autant attribué à l’Église : « Sacrement universel du Salut ».

Et sur l’aspect visible de l’Institution Église, il dit :

- En dehors des frontières visibles de la vie et de l’action « ad extra » de l’Église, il existe au Centre Léon Bérard un embryon d’humanité à la fois souffrante et soignante, debout et en marche, sans liens de dépendance vis-à-vis de l’Eglise-Institution. La présence d’une chapelle et d’une aumônerie catholique dont le prêtre est reçu, attendu et même en certaines circonstances, sollicité à donner son avis ; et les laïcs en mission ecclésiale sont effectivement présents et, en particulier dans les chambres…

 Présences qui ne portent pas atteinte au caractère autonome de la maison.

 

Je reprends autrement.

Marie rend visite à Elizabeth.

Dieu rend visite aux hommes et aux femmes  qui peuplent toute la terre

Nous sommes visités par Dieu !

Et nous sommes aussi les médiateurs de cette incontournable et inoubliable visitation. C’est pourquoi, dans la ligne de notre vocation baptismale, religieuse, sacerdotale, nous voulons vivre le plus possible avec les uns et les autres.

Nous rendons grâce pour cet exemple de proximité offert par Robert à toutes et à tous. Nous remercions Dieu d’avoir permis que se vive, par ce témoignage au quotidien, la force de l’Évangile. Et si l’on veut parler de miracle attribué à Antoine Chevrier, je citerai volontiers cette invisible présence divine dans le quotidien d’un hôpital qui a fait dire aux professionnels : « Robert Beauvery nous aura étonnés plus d’une fois. Sa réaction devant la malade fut souvent imprévisible et heureuse. Il nous a souvent étonnés ».

Voici la conclusion de son dernier écrit :

Oui ! me taire aurait été une grave lâcheté de ma part. Car, ce n’est pas par pur hasard que depuis deux ans je suis témoin oculaire et patient intégré dans la dynamique du Centre Léon Bérard. Témoigner devenait un devoir : citoyen à l’égard de la Cité (C majuscule, la Jérusalem céleste, je pense) et filial à l’égard de l’Eglise-Institution.

Publié dans Témoignage

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article