« Il n’y a pas de culture pure pour exprimer la foi chrétienne »
Il y a peu j’ai rencontré un jeune catholique lyonnais qui veut remettre la culture contemporaine sur le bon chemin.
« Face aux polémiques actuelles*, dit-il, une petite association lyonnaise, Alternative Catholique, se propose d'animer une veillée de prière pour un renouveau spirituel de l'art contemporain. »
Mon regard est autre. Je ne me sens pas face, mais dans la culture actuelle. Je n’ai pas, membre de l’Église, à proposer une alternative culturelle, mais à écouter ce que les artistes disent à l’humanité et à l’Église d’aujourd’hui. Et, dans le dialogue, je me sens libre de dire mon accord ou mon désaccord. Loin de moi donc la prétention de « proposer une alternative culturelle et spirituelle aux provocations actuelles contre les symboles de la foi chrétienne ». En effet, avant d’accuser une œuvre de tendances sacrilèges, il convient de la connaître à partir des intentions du créateur.
Mgr Wintzer écrit :
« Plutôt qu’à l’invective et à la condamnation, c’est au travail que nous sommes appelés, travail par lequel chacun prend le temps de comprendre qui est l’autre et ce qu’il veut dire. Le dialogue est un travail de l’esprit et du coeur. Il est emprunt de modestie. Il est écoute bienveillante. Il est parole qui oriente vers le vrai et le beau. Il met sa joie dans la recherche partagée de la vérité.
Le dialogue exclut tout amalgame et tout mépris. Il nous invite à sortir du simplisme selon lequel les artistes sont des provocateurs, des blasphémateurs. Il nous appelle à prendre le temps de les interroger, ou tout simplement de lire ce qu’ils disent de leurs oeuvres. »
Je partage cet avis et engage fortement à lire l’ensemble de son texte : « A propos du spectacle de Romeo Castellucci « Sur le concept du visage du fils de Dieu ».
Voir le fichier joint.
Le quotidien La Croix, sous la plume d'Isabelle de Gaulmyn, en fait une juste analyse : Mgr Wintzer propose une mise en perspective théologique et spirituelle du rapport entre culture et foi, dans une société qui n’est plus culturellement chrétienne.
Le dialogue, plutôt que la violence
Le premier présupposé est le choix du dialogue. Cela n’a rien d’évident. « Il nous faut accepter que des personnes qui n’appartiennent pas à une religion puissent aussi en parler » , confie Mgr Wintzer. Le dialogue, et non la violence, qui « blesse les relations que l’Église catholique s’est toujours efforcée d’entretenir avec les arts et les artistes » .
Rien ne serait plus faux que de cultiver l’idée d’une Église fermée à l’art contemporain. L’accueil de spectacles ou d’expositions dans les églises, les commandes, témoigne de l’inverse. Un christianisme qui se replierait sur lui-même, et se développerait en dehors de la société et de la culture, « se contredirait lui-même » explique le document qui s’inquiète de la tentation, pour les croyants, de se vivre comme des minoritaires environnés par une culture profane qui ne seraient pas leur.
La culture religieusement « pure » n’existe pas : Mgr Wintzer demande aux chrétiens de sortir du rêve d’une société naturellement chrétienne : « il n’y a pas de culture pure, apte par elle-même à exprimer la foi chrétienne ».
Interroger l’oeuvre d’art
Penser cela, le pratiquer, ce serait « expurger des cultures, voire des églises. Selon quels critères ? Quelle expression artistique serait-elle « pure » ? Et laquelle « impure » ? » , s’interroge-t-il. C’est même le propre du christianisme : l’Évangile « n’existe pas en soi dans une société, il est toujours inscrit dans des cultures, celles que se forgent inlassablement les hommes en quête du vrai, du beau, de la transcendance, au sein des drames de l’existence et de son apparente absurdité ».
Dès lors, la seule attitude possible du chrétien, c’est d’interroger l’œuvre d’art. Même si celle-ci semble occulter la religion, « demeure, peut-être, un espace ouvert et disponible » .
Au fond, Mgr Wintzer oppose deux formes d’iconoclasmes : celle d’artistes qui sous prétexte de refuser les images lénifiantes de Dieu, détruisent l’humanité par la violence de leur représentation, et « l’iconoclasme qui « protégeant » les seules images idéalisées, préfèrent détruire les autres » .
Pas de naïveté
Pour sortir de cette impasse, il faut chercher à comprendre, dans un dialogue à la fois avec l’œuvre, son auteur et son époque. Tout l’enjeu est dans l’interprétation d’œuvre à recevoir en fonction de leur esthétique et de l’émotion suscitées. Mais aussi, ose Mgr Wintzer, ces œuvres transmettent un message théologique, « même s’il est existentiel, avant d’être dogmatique, ou biblique » .
Refusant toute naïveté, Mgr Winzer admet enfin qu’il existe des œuvres qui sont une insulte aux croyants. Mais elles le sont avant tout dit-il, par mépris de l’homme. Tel n’est pas à ses yeux la plupart des œuvres d’art contemporain. Si l’Église refusait ce dialogue avec l’art, elle risquerait, en « l’absence d’un sens commun partagé, d’encourager la parcellisation de l’homme ».
On aurait alors un monde cauchemardesque, où « chaque groupe, chaque communauté, chaque chapelle serait la seule apte à dire ce qui la concerne ». Car « là où rien ne peut plus être dit à l’autre, et là où l’autre n’accepte rien de ce qui est dit de lui, l’individu triomphe peut-être, mais la communauté humaine est en péril ».
ISABELLE DE GAULMYN
* Sur le concept du visage du fils de Dieu , donnée du 20 octobre au 6 novembre à Paris et les 10 et 11 novembre à Rennes.
* Golgotha picnic, donnée du 16 au 20 novembre à Toulouse, puis à Villeneuve-d’Ascq et à Paris.
Voir ici le texte de Mgr Winzer