Je reviens sur le « parvis des gentils ».

Publié le par Michel Durand

610x.jpgS. Em. le Cardinal Gianfranco RAVASI,
Président du Conseil pontifical de la Culture

 

Dans son édition du lundi 28 mars, la Croix titre : « À Paris, le parvis des gentils a attiré peu de non-croyants ».

Pouvait-il en être autrement, vu les personnes invitées par un système interne d’invitation ?

Ainsi, Claude Dagens, en soutane à ceinture et liseré rouge/violet, évoqua dans son discours les tendances de l’Église d’il y a 40 ans. Il témoigna de sa satisfaction de voir que les esprits critiques d’avant sont revenus à plus de raison. Ils reconnaissent désormais que la tradition catholique demeure vivante dans notre société et que la mission, le politique ne peuvent primer sur le culte.

Je suis désolé. Mon esprit, assurément considéré comme critique, sera traité de mauvais esprit. Mais comment me taire alors que je médite sur le dialogue de Jésus et de la Samaritaine ; voir mon homélie de dimanche dernier.

Pouvait-il en être autrement vu les organisateurs ?

Que diable ! Pour inviter le tout-venant, y compris les incroyants, comment ne voit-on pas qu’un direct du pape dans son bureau pose déjà un problème de communication ? Avez-vous vu les objets posés devant les feuilles du discours lu ? D’un autre temps ! pièces de musée plus qu’outils pratiques

Les non-croyants d’aujourd’hui ne peuvent se sentir concernés par cette prise de parole papale dont le style semble dater de l’époque qui inspira la façon de fabriquer les boutons du vêtement blanc.

Des non-croyants, les chrétiens en rencontrent tous les jours. J’en rencontre à tout instant. Au Centre social, à la Maison pour tous, à la Bibliothèque municipale, aux conférences organisées par les instances culturelles municipales, au centre d’éducation populaire… J’échange avec des incroyants dans mes contacts avec les militants écolos, les objecteurs de croissance, les non-violents, les anarchistes. J’écoute les points de vue des uns et des autres au théâtre, nombreux sur les pentes de la Croix-rousse, dont celui qui est en résidence à l’espace culturel Saint-Polycarpe. Des non-croyants ou des croyants qui ne veulent plus entendre parler de l’Église, j’en rencontre dans les galeries, les lieux associatifs d’exposition d’arts plastiques, dans les ateliers. C’est chez eux que nous pouvons vraiment les rencontrer, au sein de leurs actions militantes, culturelles ou banalement existentielles. Et les jeunes chrétiens, plus que moi, peuvent multiplier les occasions de rencontre. Pour réunir des non-croyants sur un parvis d’église, il doit falloir s’y prendre autrement qu’à partir d’un rouge cardinalice. Sinon, on risque de se retrouver entre semblables.

Mais qu’est-ce que le « parvis des gentils » ?

Un espace fermé qui contient les étrangers au judaïsme afin qu’ils ne souillent pas le Temple de leur présence impur. Benoît XVI l’explique ainsi : là (au parvis des gentils), ils devaient pouvoir y rencontrer des scribes, parler de la foi et, même, prier le Dieu inconnu. Et si, à l’époque, le Parvis était en même temps un lieu d’exclusion, parce que les « Gentils » n’avaient pas le droit de pénétrer dans l’espace sacré, le Christ Jésus est venu « détruire la barrière qui séparait » juifs et gentils.

Ce parvis peut-il devenir une place publique ouverte à tout vent où tout peut se dire ? Un lieu de libre-échange où le non-croyant, authentiquement athée (et non celui qui dit : je dois jouer le rôle du gentil, le mécréant peut prendre la parole en étant assuré d’une écoute attentive, dans un silence identique à celui avec lequel Benoît XVI fut écouté ?

Je pense que les promoteurs de ce parvis avaient plus envie de dire leur vérité que d’écouter des paroles dérangeantes.

« Il vous appartient, chers jeunes, de faire que dans votre pays et en Europe, croyants et non-croyants retrouvent le chemin du dialogue », dit Benoît XVI.

Pourquoi retrouver ?

Le chemin du dialogue n’est pas perdu. Il est constant, partout et toujours. Le chrétien invite son voisin de palier, discute des moyens de sortir de la crise (économique, sociétale, religieuse), s’informe auprès des philosophes athées, agnostiques, croyants. Il ne s’enferme pas dans de grands rassemblements pour écouter de la musique qui n’est pas que culturelle parce que l’on y chante Jésus. Il va au concert, au cinéma. Il milite avec les « bouffeurs de curé » (rare aujourd’hui), les indifférents (plus fréquents).

Bref.

Lisons les noms des intervenants, leur CV et nous comprendrons qu’à la racine de ce parvis il y avait plus le désir de dire sa vérité que d’entendre la parle de l’autre, du différent de soi. Voir mes quelques impressions exprimées hier.

Enfin, comme je souhaite entretenir un doute structurel qui impulse vers le vrai, j’espère me tromper. Le parvis des gentils ne peut être le laboratoire préludant à la circoncision des esprits.

Publié dans Eglise

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