L’homme est essentiellement une puissance spirituelle d’Amour, une volonté de rencontre, un élan fraternel
Beaucoup d'occupations cette semaine avec l'installation de la Biennale. Je risque ne pas avoir le temps d'ouvrir ce blog.
Voici au moins ce que je pense dire pour l'inauguration.
Il y a quelques jours, relisant des textes de la revue « L’art sacré », j’ai relevé que les frères dominicains Régamey et Couturier employaient l’expression d’art vivant pour parler des créations contemporaines. Cela convient bien et, aujourd’hui, je pense que c’est ainsi que nous pourrions parler de notre biennale d’art sacré actuel, BASA 2013 : Fragile, pour signifier l’art de ce jour. Contemporain ou moderne, l’art actuel est vivant.
Que nous disent les créations contemporaines et leurs créateurs de ce que vivent les hommes et les femmes d’aujourd’hui ? En un sens, c’est ce que nous avons voulu savoir en mettant en chantier le thème de la fragilité qui a été sélectionné parmi une cinquantaine de propositions émises au bilan de la 8ème biennale, en janvier 2012. L’homme est fragile qui en douterait actuellement alors que, les décideurs continuant à développer l’illusion d’une croissance permanente illimitée, nous expérimentons tous, les limites de notre terre. L’homme n’est pas que matière, force de travail, puissance consommatrice ou objet de jouissance, ce chemin de l’économie libérale conduit vers le narcissique pervers. L’homme est essentiellement une puissance spirituelle d’Amour, une volonté de rencontre, un élan fraternel.
Oui, l’homme se sait fragile, mais il n’a pas peur de sa réalité qu’il regarde sans détourner les yeux. La mort en est le signe évident. Il est heureux de ne pas se voiler la face. Les artistes, par leurs œuvres, chacun à leur façon, nous le disent. Certes, comme avec tout art contemporain, au cours des salles et nefs de ce bâtiment-église St Polycarpe, nous n’allons pas cheminer au travers d’œuvres exaltant les canons académiques de la beauté platonicienne. Je le disais dimanche au cours de l’homélie en lien avec l’Evangile : « la beauté grecque n’est pas au rendez-vous, mais – redisons-le - celle-ci n’est que de façade. Elle est mensongère. Tout comme l’argent. »
Le beau n’est pas ce qui est recherché en soi. L’art contemporain est un art du sensible. Il s’adresse à nos perceptions immédiates, touche ce que, spectateurs, nous sommes aptes à ressentir dans notre chair. Il appartient plus au domaine de l’affectif que de l’intellect. Il s’adresse à nos corps tout en sachant que le corps est animé par une mystérieuse réalité que les philosophes les plus anciens nomment l’âme.
Il importe que je rappelle ici, l’origine des biennales d’art sacré actuel. Confluences se trouvaient alors dans la rue Saint-Jean au service de la pastorale des réalités du tourisme et des loisirs. Pour offrir aux visiteurs du quartier des « choses » à voir qui ne soient pas que des vieilles pierres, pour inviter au présent, nous avons ouvert un lieu d’exposition. Alors, de mois en mois les artistes sont venus offrir à la vue de tous leurs créations, ils sont venus dire comment ils ressentaient leur existence. Avec grande générosité, ils ont ouvert au monde une page de leur intériorité. Et c’est alors qu’ils demandèrent que nous prenions l’initiative d’une grande exposition, dans des lieux chargés de spiritualité, telle une église, pour qu’ils puissent montrer à tout public leurs créations chargées d’émotion spirituelle.
Que de fois ai-je entendu dire : je ne trouve pas de lieux où je puisse exposer mes œuvres que je considère très spirituelle (ou, dit-on encore, que l’on trouve trop spirituelle, trop biblique, trop religieuse).
Voilà, la basa, en fait ne fait que répondre à une demande à tendance spirituelle, demande artistique qui doit plonger ses racines dans les siècles précédents avec la quête de l’art abstrait, le spirituel dans l’art, perçu comme une icône, une parcelle du divin sur terre.
Je précise de nouveau. Spirituel ne veut pas dire obligatoirement religieux chrétien.
Il me plait à ce propos de citer un des récents évêques de Rome, Jean-Paul II : « Devant le caractère sacré de la vie et de l'être humain, devant les merveilles de l'univers, l'unique attitude adéquate est celle de l'émerveillement… Les hommes d'aujourd'hui et de demain ont besoin de cet enthousiasme pour affronter et dépasser les défis cruciaux qui pointent à l'horizon. Grâce à lui, l'humanité, après chaque défaillance, pourra encore se relever et reprendre son chemin ». L’Église a besoin des artistes, même quand ceux-ci affirment ne pas avoir besoin de l’Église.
Pour les créations que vous présentez, mesdames, messieurs les créateurs, je vous remercie tout particulièrement surtout, parce que ce qui nous est donné à voir s’adresse particulièrement à la marge de l’Église. Il y a un art qui trouve sa place immédiatement dans le sanctuaire. C’est surtout cet art d’Église que les communautés chrétiennes sont disposées à acquérir dans leur désir de posséder des œuvres qui aident à prier. Mais comme le disait souvent Robert Beauvery, il doit aussi exister un art qui s’adresse aux non conquis par le mystère du Christ. Une expression artistique que l’on trouvera, non pas dans les parvis des Gentils, lieu qui rassemble des personnes déjà acquises à Dieu, mais sur les parvis, dans les atriums ou salles ouvertes à tout public en quête du sens premier de la vie. Une création qui développe la fragilité et la force de l’humain, en montre l’espérance. Rappelons la vocation d’une Maison de Dieu, tel que le Rituel de consécration d’une église en parle. Il y est question de l’accueil dans le Temple d’hommes et de femmes blessés de diverses manières venus confier au Tout-Puissant leurs épreuves. La Maison de Dieu est en effet comparable à un abri sûr que trouve le passereau pour s'y retirer ; à un nid que la tourterelle choisit pour y placer ses petits en sûreté contre les prédateurs (Ps 83). « L'homme y vient avec les peurs, les larmes, les cris, les révoltes que connaît son itinéraire quotidien dans la traversée de la vallée de larmes et sa quête permanente de sécurité » (Robert Beauvery).
Les œuvres de cette biennale nous donnent à entendre tout cela. L’homme est fragile et il se sait non vaincu.
Que nous sachions écouter ce que l'Esprit dit aux Églises par la voix des créateurs ici représentés.